« True Detective » : À consommer avec modération

 

True Detective, mettant en vedette Woody Harrelson et Matthew McConaughey, la meilleure série policière américaine depuis The Wire ?

L’homme du moment, nominé aux Oscars pour Dallas Buyers Club, continue son renouveau avec une performance étonnante dans le projet de la chaine câblée ès séries qualités HBO.

OVNI… voilà ce à quoi on pense en regardant True Detective. Tout d’abord le casting : un acteur connu et reconnu, Woody Harrelson et un autre qui explose tout depuis maintenant 3 ans : Matthew McConaughey. Comment une telle série peut-elle voir le jour ? Une série qui a pour seul objectif de vous pousser à haleter de plaisir et d’applaudir des quatre membres. Thriller, True Detective commence par un premier épisode lancinant.

Sur le papier, l’intrigue ne semble pas très différente de mille drames similaires, elle semble même tellement banale. En 1995, deux détectives désaxés, joués par deux maîtres de la parole laconique, enquêtent sur un meurtre rituel dans le bayou de la Louisiane. Dix-sept ans plus tard, ces mêmes détectives, les deux ayant quitté la force qui les animaient dans les années qui ont suivi, se trouvent être interrogés séparément sur ​​l’affaire et sur ​​leur relation compliquée.

Y’ a-t-il une nouvelle victime ? Ont-ils arrêté la mauvaise personne ? Qu’est-ce qui a mal tourné à la fois en 1995 et en 2002, l’année où le partenariat entre les deux hommes est venu à une fin soudaine ?

L’affaire elle-même, une fille nue avec des bois sur la tête, posés comme un sacrifice rituel, se balançant doucement dans la brise en-dessous d’un arbre, est purement cinégénique. Soit la scène pavlovienne de toute série.

« Je pense que l’étrangeté vient de la cohésion/répulsion entre Woody et Matthew », admet Pizzolatto, un romancier de 38 ans et universitaire dont la seule expérience à la télévision a été d’écrire pour le remake américaine de The Killing (voir notre critique Réalités n°1468) : «Je suis très conscient que je ne voulais pas que ce soit un thriller traditionnel. Je sais que certaines personnes pourraient initialement être rebutées par cela, mais j’espère qu’ils vont trouver que l’histoire vient donner du sens. C’est en fait un récit très soigné, très précis. »

Ainsi, True Detective n’est pas une histoire simple de chasse au tueur en série, c’est plus une étude sur la damnation et la lente chute de la grâce sur plus de huit épisodes tendus comme nos nerfs à la vision de ce macabre enchevêtrement scénaristique. Précisons que True detective compte développer un nouveau casting et une nouvelle intrigue pour chaque nouvelle saison.

Pizzolatto l’affirme, il n’a « littéralement aucun intérêt pour les tueurs en série », pas d’intérêt non plus à vouloir essayer de choquer le plus brutalement possible le spectateur à travers une représentation du gore. Par contre, il est fasciné par les mensonges, ceux que nous lançons candidement aux autres et surtout à nous-mêmes. « Les illusions et ce qu’elles nous coûtent est l’un des thèmes directeurs de l’intrigue. Les deux personnages principaux ont des illusions et ne savent pas comment bien vivre avec, même si c’est pour des raisons différentes. »

Il faut dire que les deux représentations plombent l’ambiance. Tout d’abord, le Hart confiant, campé par Harrelson, est tout en charme avec l’assurance du bon père de famille jusqu’à ce que, petit à petit, le masque s’effrite au fur et à mesure des minutes. McConaughey, l’acteur du moment, vainqueur aux Oscars pour Dallas Buyers Club, continue sa phase « phenixicienne » et on se demande qui pourrait lui voler le rôle de meilleur acteur télé aux prochains Emmy, dans le rôle de Cohle.

Dans les scènes 1995, Cohle est simplement bizarre. Philosophe à temps partiel, et à temps plein obsessionnel, avec un passé lourd et un carnet dans lequel il semble noter, non pas les évènements et les indices en rapport avec son enquête, mais des bribes d’inspirations ésotériques. À l’horizon 2012, il est brûlé et perdu, vivant dans ​​les marges de la vie et résigné à son sort. Vous vous demandez juste ce qui s’est passé.

La force de McConaughey, comme celle de la non moins décontractée de feu Robert Mitchum , réside dans son silence . Cela ne veut pas dire que TD qui réalise le meilleur démarrage d’une série câblée depuis 2010 sur HBO) et attire encore plus d’éloges à chaque épisode (les critiques américains ont récemment salué l’apogée du quatrième épisode comme « incroyable »).

Comme c’est trop souvent le cas avec ce type de drame, les personnages féminins sont à peu près les mères, les prostituées et les mères de prostituées. Michelle Monaghan s’efforce de faire bonne impression dans un rôle vraiment ingrat, celui de la femme de Hart. Pizzolatto, dont le premier roman atmosphérique, Galveston, suggère qu’il peut écrire un personnage féminin bien équilibré, place ce rôle effacé comme un élément fondamental de la narration à mesure que la série progresse.

Pizzolatto et Fukunaga semblent vouloir jeter très loin le livre des règles du polar et de créer quelque chose qui soit plus proche de la sensation d’un roman de James Lee Burke, plutôt qu’un thriller de télévision standard. Leur niveau de contrôle – inhabituel pour un drame américain, chaque épisode est écrit par Pizzolatto et dirigé par Fukunaga – leur permet de prendre un certain nombre de risques, comme des longs monologues sur des sujets apparemment tangentiels à la stimulation presque onirique. La caméra de Fukunaga dérive sur le paysage de la Louisiane, les enfants traînant sur leurs vélos, les maisons barricadées, les routes menant apparemment nulle part.

Un long film de 8 heures, voilà ce qu’est True detective, cette série qui s’est achevée dimanche 09 mars vous propose une atmosphère anxiogène, une drogue dont vous aurez du mal à vous en passer.

Farouk Bahri

 

Related posts

Rencontre avec le metteur en scène Moez Gdiri :  « L’adaptation du théâtre européen nous a éloignés de notre réalité tunisienne »

CONECT : Dissolution du Groupement professionnel d’industrie cinématographique

Habib Bel Hédi élu président de la MACTSC