«Tunisia Economic City», serait-il le projet de trop ?

Plus de 50 sociétés internationales en provenance de 30 pays sont venues la semaine dernière pour annoncer leur volonté d’investir dans un nouveau mégaprojet baptisé «Tunisia Economic City». Le vice-prince héritier saoudien, Fahd Ben Mogren et Riadh Khalifa Toukabri, un expatrié tunisien dans les pays du Golfe, sont les principaux initiateurs de ce mégaprojet. L’idée n’est pas inédite, au contraire le projet a comme un air du déjà-vu.

Rappelons-nous du projet initié par Sama Dubai, «la porte de la Méditerranée» lancé en 2008. Riadh Khalifa Toukabri, PDG  de «Tunisia Economic City» nous dira que c’est le même projet, mais revu, plus en adéquation avec la Tunisie d’aujourd’hui. Le nom «la porte de la Méditerranée» a été retenue d’ailleurs pour ce projet. «Tunisia Economic City» consiste en l’aménagement, dans la localité d’Enfidha (gouvernorat de Sousse) d’une grande cité économique, touristique, sociale et culturelle internationale. Selon les promoteurs, Il s’agit à terme d’une «cité intelligente» qui sera le portail économique et touristique de la Méditerranée et fera office de point de jonction entre l’est et l’ouest et entre le sud et le nord. Mieux encore, Riadh Khalifa Toukabri espère que  «ce projet permettra de doter la Tunisie en particulier et toute la région méditerranéenne, d’une nouvelle identité économique moderne et d’une dimension universelle». «Nous avons œuvré, en coordination avec nos partenaires, à drainer des groupes renommés dans les domaines de l’hôtellerie, des loisirs, de la médecine, des médias et dans d’autres activités qui pourront faire de ce projet un pôle international unique», a-t-il ajouté. Le projet, dont le coût est estimé à 50 milliards de dollars, devra créer, s’il est concrétisé, 250.000 emplois.

La Tunisie d’aujourd’hui a-t-elle besoin de ce genre de projets ?

Selon l’expérience tunisienne, les investisseurs du Golfe n’investissent que dans des secteurs sûrs. C’est la raison pour laquelle ils ne viennent en Tunisie que pour investir dans l’immobilier, le secteur qui ne connaît pas de crise, mais aussi un secteur qui n’apporte pas de grande valeur ajoutée à l’économie tunisienne. Et dans sa phase transitoire, la Tunisie a-t-elle besoin de ce genre de projet ? Selon les experts, la réponse est non. Bien que l’annonce de ce projet soit un message d’espoir et de confiance pour les investisseurs étrangers, l’impact sur l’économie nationale n’est pas aussi évident. Même en matière de lutte contre le chômage, les 250.000 emplois que ce projet promet de créer, restent encore très utopiques. Certes, nous souffrons du chômage, mais pour certains profils. Pour la concrétisation du projet, les investisseurs devront sûrement solliciter les marchés étrangers de l’emploi. La Tunisie d’aujourd’hui aura besoin de projets industriels à grande valeur ajoutée et assurant le transfert technologique, ce que nous ne voyons pas dans ce projet.

Pourquoi aujourd’hui ?

Les promoteurs du mégaprojet auraient-ils choisi le mauvais moment pour l’annoncer? En effet la Tunisie se trouve dans une période transitoire et est en train de préparer deux  événements déterminants pour le pays. Les élections législatives et l’élection présidentielle dessineront incontestablement la Tunisie de demain. Comment peuvent-il être sûrs que le prochain gouvernement élu assurera la continuité de l’État au cas où le gouvernement Jomâa accorderait son accord au projet. Sachant que Hamadi Jebali, Premier ministre du gouvernement de la Troïka “1” avait déjà donné son approbation pour le projet, mais que rien n’a été fait jusque-là. Certains experts sont allés dire que l’origine de l’annonce de ce projet en un moment économiquement inopportun serait politique afin de soutenir la campagne électorale d’un certain parti. À titre d’exemple, pour montrer que ce mégaprojet est plus virtuel que réaliste, on annonce dans sa présentation des projets qui se réaliseront à l’aéroport d’Enfidha, actuellement sous la gestion d’un investisseur turc (TAV) dans le cadre d’une concession de trente ans. Comment les promoteurs peuvent-ils se prononcer sur un projet qui n’est même pas sous la tutelle de l’État, présumé associé ?. M. Riadh Khalifa Toukabri nous dira que ce n’est pas à eux d’approcher la TAV, mais à l’État de le faire, mais si la TAV refusait ? «On sera amené à changer une partie du projet» nous répondra M. Toukabri. Quoi qu’il en soit, les promoteurs doivent au moins attendre l’approbation de l’Assemblée nationale constituante du projet de loi sur le partenariat privé-public encore en attente.

Najeh Jaouadi 

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