« Si vous voulez réussir, je vous propose de vous inscrire dans un concept que vous appelleriez « Tunisie 2030, pour une Tunisie positive » voilà ce que propose l’économiste et écrivain Jacques Attali à la Tunisie pour réussir sa transition.
La rencontre à Tunis avec l’ancien conseiller spécial du président François Mitterrand, créateur et ancien premier président de la BERD et co-fondateur de PlaNet Finance, a vu la présence du gotha politico-financier de Tunisie et pas seulement, le chef du gouvernement Youssef Chahed était présent pour écouter la conférence de Jacques Attali. Pourtant celui-ci n’a pas apporté quelque chose de nouveau sur la Tunisie et il l’a dit lui-même : « Je viens juste rafraîchir votre mémoire.
C’est comme un air de déjà vu, car cinq années auparavant, Jacques Attali était à Tunis et a tenu, à un détail près, le même discours sur les moyens dont dispose la Tunisie pour réussir sa transition démocratique et économique.
Mais avant cela, Youssef Chahed a tenu à prononcer un discours très positif pour l’occasion, se montrant déterminé à relever les défis. « Nous continuerons à œuvrer pour une Tunisie démocratique, libre, juste, prospère et moderne » affirmera-t-il avec un air optimiste. Malgré le fait que les challenges notamment économiques sont énormes, Youssef Chahed avance des chiffres positifs pour la prochaine période. « Depuis une année nous observons un retour des moteurs de croissance de l’économie tunisienne à savoir l’investissement et l’exportation. Des secteurs comme le tourisme et l’industrie mécanique connaissent un regain d’activité ». Quant au déficit budgétaire dont souffre l’Etat depuis des années, le chef du gouvernement promet de le réduire sous la barre de 5% à fin 2018 et à 3% d’ici 2020. Le Chef du gouvernement était fier également d’annoncer des actions fortes, déjà entamées pour la lutte contre l’économie parallèle, la contrebande et la guerre sans merci contre la corruption et la mauvaise gouvernance. Youssef Chahed rêve « d’une Tunisie orientée vers l’économie numérique, les énergies renouvelables et les industries à grande valeur ajoutée. Une Tunisie qui serait un répertoire de connaissance et de compétence dotée d’une intelligence et d’un savoir-faire que nous pouvons exporter…La deuxième République tunisienne doit être exemplaire moderne moins contraignante pour les opérateurs économiques », a-t-il clamé.
Bien que persuadé qu’il n’a ni l’ambition ni l’orgueil de donner des conseils, Jacques Attali préconise trois éléments à même de faire la place relative d’un pays dans le monde. Il s’agit de l’Etat de droit. « Un pays qui n’a pas de droit stable, qui n’a pas de démocratie stable, qui n’a pas droit de propriété et qui ne lutte pas contre la corruption ne peut pas avoir un avenir prometteur ». Le deuxième élément serait d’avoir une économie positive. Celle qui œuvre pour l’intérêt des générations futures. Chaque décision prise par cet Etat doit servir les générations suivantes , selon Attali. « Nous avons même créé un indice pour mesurer la positivité des pays. Il est clair que les statistiques montrent que plus un pays est positif plus il résiste aux crises. Les pays les moins positifs sont les plus corrompus où l’Etat de droit est moins stable et la place des femmes est la plus faible ». Dans ce cadre, Jacques Attali propose à la Tunisie le concept « Tunisie 2030, une Tunisie positive »
Le troisième élément qui fera la place relative d’un pays dans le monde serait de connaitre ses atouts. « Les atouts de la Tunisie sont innombrables », selon Jacques Attali et il n’en citera que quatre.
Premier atout, la mer comme étant un enjeu stratégique. « Une des raisons pour lesquelles mon pays, la France, n’a jamais été une puissance mondiale, c’était de mettre notre capitale au milieu de nulle part et non a côté de la mer » a-t-il-regretté. La Tunisie a la chance d’être remarquablement placée. « Votre port en eau profonde est un enjeu absolument stratégique et je vous invite à le faire le plus vite possible » clame Jacques Attali en remuant le couteau dans la plaie. « Posez-vous la question : quels seront les ports qui relieront l’Europe à l’Afrique ? Est ce que ce sera Tanger seulement ou aussi un port tunisien ? »
Attali continuera à blâmer encore plus les Tunisiens quant à leur politique en citant le deuxième atout qui n’est autre que l’Afrique. « Vous devez vous tourner vers le sud qui est sous vos pieds » et de rappeler que « les Marocains l’ont remarquablement bien fait déjà » et d’ajouter qu’il n’est pas normal que la Tunisie ne soit pas encore membre de la COMESA, qu’il n’est pas normal que la Tunisie ait peu développé ses banques, ses institutions, ses compagnies aériennes et sa culture vers l’Afrique, un marché de 2,5 milliards dans 30 ans.
Par ailleurs, la Francophonie serait le troisième atout de la Tunisie. « La Tunisie pourrait être un formidable acteur du maintien et du développement de l’éducation francophone en Afrique. Nous serons 700 millions à parler français en 2050 »
Et le quatrième atout serait le monde arabe un potentiel de 1,5 milliard d’habitants. Un grand potentiel et la Tunisie peut en être l’avant-garde moderniste et les Tunisiens seraient les ingénieurs de la modernité dans le monde arabe, selon l’économiste.
Quant à la relation avec l’Europe, Jacques Attali voit que la Tunisie fait partie d’une certaine façon de l’Europe. « Mais vous ne l’utilisez pas encore autant que vous devriez pouvoir le faire » a-t-il remarqué. « Le destin de l’Europe dépend de ce qui se passe en Afrique car l’Afrique peut être une source de croissance comme une source de cauchemar ». Il est important, selon Attali, de montrer à l’Europe qu’aider la Tunisie est un acte non pas altruiste mais rationnel et égoïste, car l’Europe a besoin du développement de la Tunisie. « Car si l’expérience tunisienne réussit, ce sera le signe d’espoir pour une centaine de millions de gens » conclut Jacques Attali.
Najeh Jaouadi