Il y a eu d’abord la visite des experts du FMI à Tunis durant dix jours début avril pour faire leurs constats, diagnostiquer la situation et connaître les projets des autorités tunisiennes.
Ensuite, il y a eu la délégation officielle tunisienne comprenant le ministre des Finances, le gouverneur de la BCT, le ministre de l’Investissement extérieur et du développement et celui des grandes réformes, qui s’est déplacée à Washington à la mi-avril pour participer à la session de printemps de la BM et du FMI et qui a eu des négociations avec l’équipe d’experts menée par Bjorn Rother.
Aux termes de ce marathon de négociations, un accord est enfin intervenu entre les autorités tunisiennes et le FMI concernant la 5e Revue du programme de réformes économiques appuyé par un accord au titre de la facilité élargie de crédit.
Cet accord prévoit un certain nombre de mesures et de réformes ayant pour objectif de limiter à 3,9% du PIB en 2019 le déficit budgétaire afin de contenir le creusement de la dette et les besoins considérables de financement.
Le programme de réformes économiques envisagé par les autorités tunisiennes et soutenu par le mécanisme élargi de crédit a obtenu l’accord des experts du FMI pour le déblocage d’une 6e tranche de 247 millions de dollars, soit 740 MD.
Le total des déblocages dont aura bénéficié notre pays s’élève à 1,6 milliard de dollars.
Le feu vert du FMI est important en lui-même, mais il est plus rassurant encore si l’on considère que c’est un signal probant pour tous les autres bailleurs de fonds internationaux, BAD, AFD, BERD, BIRD, BEI…
Le rapport des experts sera soumis pour validation au conseil d’administration du FMI qui se tiendra en juin.
Les responsables du FMI n’ont pas donné leur accord sans qu’il soit assorti de certaines conditions qui sont en fait des engagements pris par les autorités tunisiennes à propos des politiques économiques publiques destinées à stabiliser et réformer l’économie dans les mois qui viennent.
En effet, le FMI sait qu’il y a une situation socio-économique très tendue et un environnement régional instable et critique avec la guerre civile en Libye et les prémices d’une révolution en Algérie.
C’est ainsi qu’il est devenu très urgent de renforcer le filet de protection sociale pour les ménages à faible revenu, avec mise en place d’une base de données pour les familles vulnérables afin de cibler la compensation et l’orienter vers ceux qui en ont bien réellement besoin.
La politique monétaire menée par la BCT dans le but de limiter l’inflation qui érode le pouvoir d’achat des Tunisiens et détériore le niveau de vie des classes moyennes et laborieuses, doit être poursuivie et renforcée par d’autres mesures. En effet, l’augmentation des taux d’intérêt directeurs est insuffisante pour calmer l’inflation qui galope à +7,5%, alors que par ailleurs, ce taux est un obstacle vis-à-vis de l’investissement et un renchérissement des coûts pour les producteurs. Il faut des mesures d’accompagnement pour améliorer le climat des affaires et favoriser la croissance économique ainsi que la création d’emplois.
Des mesures efficaces doivent être prises pour réduire le déficit élevé et croissant des paiements courants.
Cela signifie que le déficit flagrant du commerce extérieur ne peut continuer à progresser sans ruiner l’économie du pays et précipiter dans l’abîme la chute du dinar vis-à-vis des devises principales, l’euro et le dollar.
Personne ne comprend pourquoi le gouvernement ne maîtrise pas la nature des importations, même si 70% sont consacrées aux sources d’énergie, aux céréales, aux matières premières industrielles et aux composants électromécaniques.
Le FMI n’a pas vocation à aller plus loin dans ses recommandations mais en fait, ce qui ruine notre économie, c’est aussi la contrebande et le commerce parallèle florissant qui échappent à toute fiscalité et légalité. C’est également la crise du bassin minier de Gafsa qui dure depuis huit ans et prive le Budget de l’Etat de 3 à 4 milliards de dinars de recettes, sans compter les recettes en devises des exportations.
Ce sont de même les déficits lourds et la mauvaise gestion des entreprises publiques qui sont subventionnées par le budget de l’Etat.
4 milliards de dinars en devises échappent chaque année à la balance des paiements de la BCT : le change clandestin de Ben Guerdane et de Bab Bhar à Tunis.
Le sentiment qui taraude les observateurs en la matière, c’est que notre pays contracte des crédits pour combler les failles du budget de fonctionnement de l’Etat, sans pour autant avancer sur le chemin long, semé d’embûches des réformes structurelles.
L’endettement s’alourdit et le pays s’enfonce dans les problèmes : on n’investit pas assez dans les projets de développement, on consomme encore plus sous forme de salaires dans la fonction publique.
Le FMI est-il complaisant ? Il sait que la situation est difficile, que le social a tendance à prendre le dessus sur la rigueur de la rentabilité financière.
Aide-t-il la Tunisie, car c’est la seule transition démocratique encore en marche dans le monde arabe L’incertitude d’une année électorale plane sur notre pays, mais l’espoir et la confiance en un avenir meilleur persistent.
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