La Tunisie pourrait puiser dans ses réserves spéciales au Fonds monétaire international (FMI). Finalement, les négociations entamées depuis quelques mois avec le FMI n’ont pas abouti à un crédit, mais à «un accord de confirmation à titre de précaution». La Tunisie aura recours à un DST (droit de tirage spécial), un actif de réserve international. Objectif de la Tunisie : pouvoir, au besoin, rétablir des équilibres de balance des paiements à court terme.
Le droit de tirage spécial (DTS) est un actif de réserve international, créé par le Fonds monétaire international pour compléter les réserves de change officielles de ses pays membres, dont la Tunisie. Selon les chiffres de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) en 2011, la position de la Tunisie dans le FMI, en termes de réserve, est chiffrée à 122,8 millions de dinars. Ce montant représente la contre-valeur en dinars de la partie souscrite en devises (56,2 millions de DTS) de la quote-part de la Tunisie au capital du FMI. Le montant total de la quote-part de la Tunisie en 2011 est de 286,5 millions de DTS (1 DTS = 2,28328 dinars tunisiens). Selon la BCT «au même titre que les avoirs en devises, la position de réserve au FMI fait partie des réserves internationales de la Tunisie. En effet, en cas de besoin de soutien à la balance des paiements, ces actifs de réserve libellés en DTS, pourraient faire l’objet de tirages sur le FMI, sans condition préalable, et ce, en les convertissant en monnaies qui soient plus librement convertibles». Selon les conditionnalités de ce DST, la Tunisie bénéficiera d’une durée d’utilisation de 12 à 24 mois (ne dépassant pas les 36 mois). Durant ces 36 mois, la Tunisie pourra avoir recours à un total de 2,7 milliards de dinars.
Selon M. Chadly Ayari, Gouverneur de la BCT, l’encaissement de ce montant se fera en cas de choc exogène, car l’économie demeure vulnérable. Qu’est-ce qu’un choc exogène ? Selon les économistes «un choc exogène est un événement qui a des effets négatifs sensibles sur l'économie, mais qui échappe au contrôle du gouvernement. Il peut s'agir d'une évolution défavorable des prix des produits de base (y compris le pétrole) ou d'une catastrophe naturelle, ou encore d'une perturbation des échanges commerciaux consécutive à un conflit ou à une crise dans des pays voisins». On peut ajouter à ces évènements, une situation politique très délicate qui prolonge la crise vers l’économique. À travers le DTS, le FMI peut offrir une aide rapide pour répondre aux besoins immédiats de balance des paiements, si besoin, puisque la Tunisie, n’a pas l’intention de faire des tirages sur le montant approuvé, mais conserve l’option d’y recourir. Si on tient compte de ce DST, le taux d’endettement de la Tunisie atteindra les 49% du PIB (actuellement à 47%). Les 2,7 millions de dinars à décaisser sont remboursables sur cinq ans à un taux d’intérêt de 1,1% et avec une période de grâce de trois ans.
Des réformes sous forme de recommandations
Cet accord est conclu après de multiples visites des représentants du FMI en Tunisie dans le cadre d’une mission. Ces derniers ont rencontré de hauts responsables du gouvernement, des membres de l’ANC, des membres de l’opposition, la société civile, des opérateurs économiques et des représentants des syndicats. Les discussions ont porté notamment sur le rôle que peut jouer le FMI pour promouvoir le développement sans pour autant qu’il y ait des contraintes sur la politique économique du pays. Il faut toujours rappeler que la Tunisie ne garde pas de bons souvenirs du FMI. À deux reprises, le FMI, et pour octroyer deux crédits pour notre pays, a soumis l’économie tunisienne à un PAS (programme d’ajustement structurel) qui n’a pas vraiment aidé les Tunisiens. Cette fois-ci, l’accord envisagé avec le FMI à titre de précaution vise à aider la Tunisie sans conditionnalité, mais avec des recommandations. Selon une étude élaborée par cette mission sur l’économie nationale, notamment la compensation, la fiscalité et l’administration, des recommandations ont été dégagées. Par rapport à la compensation, l’étude élaborée par la mission du FMI propose de cibler davantage les familles nécessiteuses. En effet selon cette même étude, 70% des bénéficiaires de la compensation sont des personnes aisées. La Caisse de compensation a, par ailleurs, connu une évolution importante ces deux dernières années, ce qui s’est traduit par une pression sur le budget de l’État. Le nombre des familles nécessiteuses quant à lui a augmenté, passant de 170.000 à 270.000, alors que la valeur de la subvention a connu une révision à la hausse. Seuls 10% de cette catégorie de la population profitent de la compensation. L’étude devrait aboutir à des réformes pour mieux cibler la compensation aux familles ciblées. L’accord signé entre la Tunisie et le FMI sera présenté au Conseil d’administration du FMI en mars 2013.
Najeh Jaouadi