Tunisie-France : inventer de nouvelles relations

« Nous devons inventer de nouvelles relations entre la Tunisie et la France. Aujourd’hui, la Tunisie est une vraie démocratie », c’est ce qu’a déclaré Youssef Chahed au journal « Le Monde » dans une interview publiée la veille de son départ en France.
C’est demain, mercredi 9 novembre 2016, que démarre la visite officielle du chef du gouvernement à Paris, à l’invitation de son homologue français, Manuel Valls.
Si le programme de la visite, côté officiel est bien rempli, il n’en demeure pas moins que sur le plan de son impact sur les relations entre les deux pays sera important particulièrement dans le contexte économique et social que connaît la Tunisie actuellement.
Youssef Chahed est conscient de cette importance et il le souligne dans son interview. Cette visite est « hautement stratégique », affirme-t-il, ajoutant que «  cinq ans après la révolution, nous sommes en passe de réussir la transition démocratique. Nous sommes une démocratie naissante qui se fortifie tous les jours, avec institutions élues, libertés de la presse, de parole ». Et comme toute transition née suite à une révolution, elle n’est pas sans connaître des difficultés et elle a un coût et il n’est pas des moindres. Youssef Chahed en est plus que conscient et ne s’en cache pas et en fait part, franchement, courageusement.
«  Le coût de cette transition est élevé et c’est normal », affirme-t-il et en brosse le tableau au journal « Le Monde ». « Après la révolution, nous avons fait face à des revendications sociales intenses. L’Etat a dû beaucoup dépenser, il a recruté, il a augmenté les salaires. Et cela a impacté les déficits publics ». Le constat, voire le diagnostic, est fait, les solutions sont définies et nécessitent du courage et des sacrifices mais aussi, et surtout, le soutien des pays amis.
Et c’est dans ce cadre que s’inscrit cette première visite du jeune chef de gouvernement à un grand partenaire de la Tunisie. Une visite à Paris, au cours de laquelle il va tenter de susciter des soutiens à un moment critique où la Tunisie affronte de délicats défis économiques, sociaux et sécuritaires.

Le défi, aujourd’hui, est économique
Le programme de la visite et le rythme qui lui est imprimé, reflètent amplement les attentes du chef du gouvernement et par conséquent de la Tunisie de son premier partenaire économique.
Il soulignera cela au journal « Le Monde » en affirmant qu’« aujourd’hui, le défi est économique. Il faut que nous réussissions à remettre de la croissance, à faire du développement inclusif dans les régions intérieures, d’où est partie la révolution. Et nous pensons que notre partenaire, la France, a un rôle important à jouer ».
Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur de France à Tunis a, au cours d’une rencontre avec quelques membres de la délégation médiatique qui accompagnera le chef du gouvernement à Paris, défini le contexte dans lequel se déroule cette visite. Un contexte de relations extrêmement confiantes et un soutien indéfectible réitéré de la France à la Tunisie.
« Cette visite, côté français, c’est la reconnaissance d’un acte politique, d’un gouvernement d’union nationale, de l’Accord de Carthage… La France est admirative face à ce qui a été réalisé par la Tunisie, passant d’un système autoritaire à un système démocratique… On peut toujours chercher la petite bête, nous ne la trouvons pas et ce qui a été réalisé par la Tunisie en un temps si court est exceptionnel », des propos simples mais expressifs à travers lesquels l’ambassadeur a voulu mettre l’accent sur l’opportunité de cette visite qui intervient à quelques semaines de la conférence internationale sur l’investissement « Tunisie 2020 ».

Ce que la Tunisie attend de la France
Youssef Chahed rencontrera son homologue Manuel Valls, le président français, François Hollande, les présidents de l’Assemblée Nationale, Claude Bartolone et du Sénat, Gérard Larcher ainsi que le ministre des Affaires Etrangères, Jean Marc Ayrault. Il rencontrera également des responsables économiques, notamment au cours du diner-débat qui sera offert en son honneur par le président du MEDEF-International.
L’occasion est donc propice pour Chahed de dire aux responsables français ce que la Tunisie attend de la France. Il s’agira de faire la promotion de la conférence Tunisia 2020 auprès de l’un de ses parrains, la France et de la préparer. L’objectif est donc clair : attirer le maximum d’investisseurs français. L’ambassadeur saisira l’occasion pour insister sur certains points qui aideront à faire réussir cette démarche. La lutte contre la corruption, le marché parallèle, la mise en œuvre des grandes  réformes, le code d’investissement, sont parmi les actions à mener et à réussir pour mettre en confiance les futurs investisseurs. « C’est indispensable », souligne l’ambassadeur en reconnaissant, au passage, que le travail effectué sur le plan sécuritaire est incontestable.
La France sera aux côtés de la Tunisie, affirme d’Arvor tout en rappelant que la France s’est engagée auprès de la Tunisie pour 1 milliard d’euros sur cinq années, c’est-à-dire jusqu’à la fin du plan de développement. Plus encore, la France soutient la Tunisie auprès des bailleurs de fonds internationaux tels que le FMI, la BM ou la BERD. Parallèlement à ce soutien économique, Paris soutien la transition démocratique que connaît la Tunisie, souligne l’ambassadeur et que son pays devrait accompagner l’action de décentralisation que va mener la Tunisie.

L’AFD, trois nouveaux axes d’intervention
Il s’agit d’une grande réforme de l’Etat et de son administration et qui constitue l’un des trois axes nouveaux de l’Agence française de développement (AFD) dans le pays avec lequel elle a le le plus gros engagement : la Tunisie, souligne Gilles Chausse, directeur de l’AFD. Les deux autres axes concerneront la vie durable, les changements climatiques et le transport urbain mais aussi le capital humain, l’emploi, la formation et la jeunesse. « Nous voulons développer le partenariat avec le secteur privé » a fait savoir le directeur de l’AFD.
Les champs de la coopération entre les deux pays sont vastes et cette première visite de Chahed, est censée la renforcer davantage. Raison pour laquelle cette visite ne revêtira pas un caractère strictement politique mais touchera beaucoup plus les volets économique et culturel.
Il faut rappeler, encore une fois, que cette visite intervient à la veille de la conférence « Tunisia 2020 » à laquelle Manuel Valls prendra part et que la France pourrait, à l’occasion, annoncer, de nouveaux grands investissements en Tunisie notamment dans le domaine de l’infrastructure de base. Soulignons que les entreprises françaises installées en Tunisie n’ont pas quitté le pays à l’instar d’autres entreprises étrangères après 2011 mais que leur nombre n’a pas évolué. La visite de Chahed peut donc être une occasion pour rassurer l’investisseur français et le convaincre de venir en Tunisie.

L’optimisme reste de rigueur
Pour l’ambassadeur français, l’optimisme est de rigueur estimant que « la démocratie en Tunisie, est un terrain formidable pour investir » qu’il faut, bien sûr, renforcer par un environnement favorable aux affaires. Plus encore, cela passe obligatoirement, selon l’ambassadeur français, par une stabilité politique relative, une stabilité sécuritaire ainsi que la lutte contre la corruption et le marché informel.
Dans le cadre de l’engagement de la France aux côtés de la Tunisie et vu la désaffection d’un million de touristes français pour la destination Tunisie, une opération médiatique française pour encourager le tourisme tunisien aurait lieu au mois de mars prochain à Sousse.
« Nous nous préparons à faire savoir que les touristes peuvent et doivent venir en Tunisie », a-t-il déclaré.Cette opération auprès des médias français qui viendront en Tunisie aura lieu à l’hôtel Imperial Marhaba, et théâtre de l’attentat terroriste qui a coûté la vie à 38 touristes étrangers dont 30 Britanniques et rebaptisé El Kantaoui Bay.

Le français reste la deuxième langue en Tunisie
Au plan culturel, Olivier Poivre d’Arvor a précisé que la Tunisie est une véritable plateforme pour l’enseignement du français et a un grand rôle à jouer au profit de la francophonie notamment son expansion au plan africain. « La France reste attentive aux réformes en Tunisie (éducation, enseignement supérieur, culture) dans ces domaines et dont nous sommes le premier partenaire », a-t-il notamment rappelé, ajoutant que la Tunisie est francophone et qu’elle doit jouer la carte de la francophonie notamment en Afrique pour pouvoir capter des marchés, sans oublier que les deux tiers des étudiants tunisiens à l’étranger se trouvent en France. « La langue française a été confirmée dans son statut de deuxième langue étrangère en Tunisie après une entrevue avec le ministre de l’Education Neji Jalloul » a-t-il assuré..
L’ambassadeur a annoncé, par ailleurs, qu’une fondation franco-tunisienne pour l’éducation verra le jour pour lever des fonds et pour mobiliser les énergies serait lancée avec Neji Jalloul lors d’une prochaine visite de ce dernier en France. L’objectif de cette fondation serait d’améliorer le niveau de la langue française, d’établir des jumelages entre écoles et collèges français et tunisiens et de créer des dynamismes d’échanges. Un institut franco-sfaxien des métiers et très forte employabilité serait créé incessamment.
Youssef Chahed sera, au cours de cette visite, confronté aux rédacteurs en chef des principaux médias français, il donnera une conférence à l’Institut « Sciences Po » et rencontrera les représentants de la communauté tunisienne en France.

 

F.B

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