Tunisie : il faut crever l’abcès du nord-ouest

Enfin d’après-midi du samedi 26/7, une patrouille composée de deux petits engins blindés de l’Armée nationale est tombé à Ghar Tin (délégation de Sakiet Sidi Youssef) dans une embuscade tendue par un groupe important de terroristes, sans doute ceux qui ont accompli le massacre des 15 militaires dans le Jebel Chaambi. Bilan : 2 morts et 4 blessés. Peu après, d’autres affrontements ont eu lieu au Jebel Ouergha, toujours dans la même délégation, faisant deux morts et six blessés dans les rangs de l’armée. Ces deux opérations ont été revendiquées par la Katiba Okba Ben Nafaa sur les pages facebook d’Ansar Al charia et de Fajr El Islam, présentés comme une victoire des djihadistes sur le “taghout” et en avertissant : “Ce qui va advenir sera plus dur et plus acerbe”.

Jusqu’à quand va-t-on tolérer de pareilles insanités ? N’est-il pas possible de “fermer la gueule” à ces criminels en fermant leurs pages facebook ? Ou bien on va encore nous apposer la liberté d’expression ?

Certes en s’attendait à d’autres attentas avant l’Aïd El Fitr et Mehdi Jomâa en avait même prévenu les citoyens dans son discours à l’ANC pour la Fête de la République, et avait parlé de “mesures urgentes contre ceux qui menacent la sécurité du pays”. D’ailleurs de nombreuses arrestations ont été opérées, aussi bien au Kef et à Kasserine qu’à Jendouba, parmi les habitants soupçonnés d’avoir apporté une aide aux terroristes, ou d’extrémistes ayant fêté l’assassinat des militaires, la “cellule de crise” chargée du suivi de la situation sécuritaire a décidé le gel de l’activités de 157 associations “ayant un lien avec le terrorisme”.

Mais le problème subsiste et depuis des mois—“des années” serait plus juste— les montagnes du nord-ouest tunisien constituent un véritable abcès de fixation, qui s’est étendu à partir du Jebel Chaâmbi, ce qui amené le colonel major Mokhtar Ben Naceur (retraité) a déclarer le 25/7, au cours d’une soirée ramadanesque à la Soukra —selon le quotidien “La Presse” du 27/7— “il est nécessaire d’accélérer l’occupation du Mont Chaâmbi et de dominer ses issues”, c’est apparemment la seule solution : si l’on veut vraiment arrêter qu’un abcès s’étende il faut le “crever et le nettoyer profondément, tous les médecins vous le diront !

Mais là où je me permets de n’être pas d’accord avec le Colonel, dont j’ai toujours beaucoup apprécié la justesse de vue dans ses interventions fréquentes sur les plateaux TV, c’est lorsqu’il propose “la fusion de l’Armée nationale et de la Garde nationale” (déclarations récentes à la radio ces jours-ci, notamment sur RTCI). Certes ces deux entités peuvent éventuellement œuvrer de concert dans la défense du pays contre le terrorisme, mais c’est à l’armée de défendre les frontières —ce qui se passe à l’heure actuelle avec l’appui des “commandos” de la Garde nationale— tandis que la fonction essentiel de la Garde nationale est la sécurité intérieure du territoire national. En outre, l’armée est composée en majorité d’appelés du contingent et d’une minorité de volontaires, alors que la Garde nationale est un corps d’élite de métier spécialisé pour les régions rurales, mais qui participe avec la police lors des coups de filet importants dans les villes avec des brigades spéciales. Je crains fort qu’une fusion entre la Garde nationale et l’armée affaiblisse la première sans renforcer valablement la seconde. C’est en tout cas une décision grave qui ne doit pas être prise à la légère.

* Un grand bravo à l’ATIDE, qui a déposé le 21/7 une plainte contre le président de l’IRIE-France 2, Kamel Ben Hnainya, pour déclaration frauduleuse : il aurait en effet affirmé sa neutralité et sa non-appartenance à un parti politique, ainsi que le stipule l’article 7 de la Loi n°23 régissant l’ISIE. Selon le responsable Moaz Bouraoui, un enregistrement vidéo circulant sur les réseaux montrait que, en vérité, le président de l’IRIE-France 2 a menti sur sa neutralité et appartiendrait à un parti politique. Alertée par l’ATIDE, l’ISIE a immédiatement procédé au limogeage de l’intéressé et la plainte suit son cours au Tribunal.

C’est l’occasion de rappeler que l’ATIDE (Association tunisienne pour l’Intégrité et de le Déroulement des Elections), créée le 24 mars 2011 pour la surveillance des élections d’Octobre 2011, a pour but la promotion et la protection des valeurs démocratiques et tout particulièrement du droit de vote. Elle est intervenue efficacement en 2011 à l’occasion d’erreurs de conduite et a repris du service pour les élections prochaines. Même si la date des inscriptions sur les listes électorales n’a pas pu être prorogée suffisamment, l’ATIDE aura l’occasion d’intervenir tout au long du processus électoral. On lui fait confiance pour relever les irrégularités qui ne manqueront pas de se produire…

* La HAICA doit savoir s’adapter aux circonstances politiques et sécuritaires au jour au lieu de s’arc-bouter sur des positions rigides.

Pour exemple, l’accrochage qui a eu lieu la semaine dernière avec le gouvernement lorsqu’il a décidé la fermeture de la radio Ennour du Coran et de la Sunna, basée à Mahdia, et la chaîne TV Al Ansar, accusées d’être devenus des espaces pour le “takfir” et l’appel au djihad, selon le communiqué de l’Exécutif, dans les circonstances actuelles, et aussitôt après le massacre de 15 militaires au Jebel Chaâmbi, il y avait une décision urgente à prendre, ce qui a été fait. Le Président de la HAICA, Nouri Lajmi, a protesté surShems FM, le 21/7, en déclarant que “la décision de fermer une institution télévisuelle ou radiophonique ne peut se faire du jour au lendemain sans avoir fait une enquête”.

Le légalisme, c’est bien joli, mais le hic, c’est que la HAICA avait déjà sanctionné (pécuniairement) la radio Ennour en mai 2014 pour “brouillage des ondes de R. Monastir et R. Culture”, apparemment la leçon n’a pas suffi —même si le motif de la sanction est différent— et les intéressés n’ont pas voulu comprendre que nous sommes pratiquement en état de guerre et que le gouvernement n’avait pas le temps d’adresser un avertissement et se devait d’agir sur le champ, quitte à transiger après discussion.

Il faut savoir s’adapter dans des situations de danger imminent, c’est comme pour les militaires en opérations sur le terrain ou les sécuritaires (police et GN) en zone urbaine qui ne peuvent pas attendre des ordres —qui sans doute arriveront trop tard— pour riposter quand ils sont attaqués, il c’est une chose de contenir une manifestation pacifique avec des moyens défensifs non létaux et une autre de se défendre contre des terroristes en armes. Le nombre important de nos pertes, insupportable, est dû au fait que nos soldats sont toujours dans la position d’attaqués et non d’attaquants, qui ont pour eux l’avantage de la surprise…

* Au moment où je poste ce courrier 30/7, on apprend que l’ISIE a enfin décidé de prolonger le délai d’inscription sur les listes électorales au 31 août, pour permettre “à certaines catégories d’électeurs” de remplir leur devoir civique, mais cela sera obligatoirement élargi à tous les retardataires. On reprend espoir ! Mais il faut un effort des partis démocratiques pour inciter les citoyens à s’inscrire, les “autres” le font depuis longtemps…

 

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