La communauté médicale tunisienne est en état de choc et de colère après le décès du Dr Mohamed Hajji, psychiatre, survenu la semaine dernière dans la prison de Bizerte. Le Dr Hajji, âgé de 63 ans et exerçant depuis plus de 30 ans, avait été placé en détention préventive pour des accusations de trafic de médicaments présumé.
Ce drame a déclenché une vague de protestations et d’indignation au sein de la profession. Des centaines de médecins se sont rassemblés ce mercredi au siège du Conseil de l’Ordre National des Médecins, mercredi 20 mars, pour dénoncer les conditions de détention du Dr Hajji et exiger l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de son décès.
« Un médecin qui meurt en prison, c’est un précédent dangereux », a déclaré la Dr Rym Ghachem, psychiatre et membre du bureau exécutif de l’Ordre des médecins. « Il était âgé et malade, et il n’a pas reçu les soins dont il avait besoin en prison. »
Dr. Ridha Dhaoui, Président du conseil national de l’ordre des médecins de Tunis, a exprimé sa profonde tristesse lors d’une réunion, soulignant la perte tragique de leur confrère en détention provisoire. Il a rappelé « les défis auxquels sont confrontés les professionnels de la santé, en particulier les psychiatres, en raison de problèmes liés à la prescription de psychotropes ». Il a souligné que les ordonnances bleues, introduites en 2013 pour assurer une meilleure traçabilité, sont délivrées conformément aux règles établies par l’ordre des médecins. Il a également mentionné la nécessité de solutions concertées avec le ministère de tutelle et les syndicats pour résoudre les problèmes rencontrés.

Dr Khemais Zaied, président du syndicat tunisien des médecins libéraux
Au demeurant, le Dr Khemais Zaied, président du syndicat tunisien des médecins libéraux, a présenté ses condoléances à la famille du défunt et a mis en avant la nécessité d’éviter que d’autres médecins ne décèdent en détention en raison de l’exercice de leur profession. Il a appelé à « des réformes législatives pour mieux protéger les médecins dans l’exercice de leur métier, notamment en révisant les lois liées à la profession médicale, en adaptant les textes relatifs à la prescription de médicaments, et en repensant le projet de loi sur les droits des patients et la responsabilité médicale ». Il a, par ailleurs, insisté sur l’importance de la participation des médecins à l’élaboration de ces réformes, soulignant leur expertise et leur intérêt direct dans ces questions.
Le Dr Hajji n’est pas le seul médecin à être incarcéré en Tunisie. Cinq autres médecins et pharmaciens croupissent actuellement en prison pour des accusations liées à l’exercice de leurs fonctions.
« Pourquoi on arrête les médecins ? Pourquoi on les garde en détention préventive ? », s’est interrogé un médecin lors de la réunion. « Ils ne représentent pas un danger pour la société. »
La Coordination des structures de santé, regroupant l’Ordre des médecins, l’Ordre des pharmaciens et l’Ordre des dentistes, a exigé l’ouverture d’une enquête sur le décès du Dr Hajji et la mise en place de mesures pour garantir le respect des droits des professionnels de santé.
« Il est inacceptable que des médecins soient emprisonnés pour des actes commis dans l’exercice de leurs fonctions », a déclaré le Dr Mohamed Salah Ben Aissa, président du Conseil national de l’Ordre des médecins. « Nous demandons à la justice de traiter les dossiers des médecins avec diligence et respect. »
Le décès du Dr Hajji a également mis en lumière la situation dégradante du système de santé tunisien. Plus de 1300 médecins ont quitté le pays l’année dernière, en raison des conditions de travail difficiles et du manque de moyens.
« Si la situation ne s’améliore pas, nous risquons de voir une fuite des cerveaux encore plus importante », a averti le Dr Ghachem. « Il est urgent de prendre des mesures pour sauver notre système de santé. »
Photos, réalisation et montage: Riadh Sahli