Quel bilan des onze ans de la transition démocratique ? L’effondrement. Et pas seulement du système de soins, anéanti par l’épidémie de la Covid-19 que les dirigeants n’ont pas su ou pu ou voulu contenir. La Tunisie est classée Rouge dans tous les domaines. Les instances internationales ont noté l’échec des dirigeants tunisiens à éviter l’effondrement économique et à protéger le peuple contre la pandémie. La démocratie entre les mains de novices de la politique et de pseudo-révolutionnaires, affamés de pouvoir et d’argent, a tout détruit, de l’Etat souverain à l’éthique jusqu’au droit fondamental d’une vie digne à tout un chacun. Que souhaitent, aujourd’hui, les Tunisiens, dont près de 93% se disent pessimistes et n’ont plus confiance en leurs gouvernants ? Se réveiller un matin en apprenant la fuite des actuels gouvernants hors des frontières nationales pour fuir la justice populaire. Sinon, s’unir en un front national pour les chasser du pouvoir et tout recommencer. C’est le scénario qui se dessine dans les esprits en l’absence du moindre espoir d’un changement qui mettra fin à la situation catastrophique économique et sanitaire et à l’avidité insolente des dirigeants politiques influents et de leurs supports lobbyistes.
La dernière tentative de spoliation du peuple tunisien réside dans la détermination et l’insistance des dirigeants d’Ennahdha à financer le fonds d’indemnisation de leurs militants avec l’argent public, des fonds qui, si jamais ils existent, devraient financer en premier les hôpitaux et l’achat de concentrateurs d’oxygène afin de faire face à l’épidémie qui menace la vie de milliers de Tunisiens, dont des jeunes et des enfants. Abdelkarim Harouni, président du Conseil de la Choura d’Ennahdha, et ses collègues exercent une forte pression sur le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, leur homme de main, le sommant de débloquer la totalité des fonds, soit 3000 MD, avant le 25 juillet, date de célébration de la fête de la République. Un ultimatum irresponsable, une enveloppe gargantuesque, une symbolique sournoise et un acte de mauvaise foi. Parallèlement, les dirigeants d’Ennahdha mettent les bouchées doubles, activent les passages en force à l’ARP, usent de violence physique contre leurs opposants par le biais de leur rouleau compresseur que sont leurs alliés radicaux et violents, démontent tous les dossiers judiciaires et montés contre leurs proches et collaborateurs, pour immerger plus profondément dans les rouages de l’Etat.
La spoliation des Tunisiens continue
Le pays étant au plus mal et les citoyens préoccupés par le Corona, tous les abus deviennent permis. Leur dernier tour de passe-passe, est l’obligation du peuple tunisien à indemniser les nahdhaouis, « victimes de la dictature », selon eux, avant que la faillite de la Tunisie ne soit déclarée officiellement, peut-être au cours de ce mois de juillet ou août prochain. Un travail de sangsue. C’est le tout dernier rapport de Fitch Ratings qui le laisse penser. L’agence de notation américaine a baissé la note souveraine de la Tunisie à B- avec perspectives négatives, et mis en doute dans son rapport la capacité de la Tunisie à réaliser les réformes qui s’imposent urgemment, stipulant qu’il sera alors nécessaire de s’adresser au Club de Paris, qui s’occupe des pays en cessation de paiement, « avant d’être éligible à un financement supplémentaire du FMI ». Le trou noir, en perspective. C’est sans doute cette situation apocalyptique qui explique que les dirigeants d’Ennahdha s’activent également avec leurs alliés de Qalb Tounès et Al Karama à mettre en place un nouveau gouvernement au cours de cet été, alors qu’ils devraient se préoccuper de la catastrophe sanitaire. Dans leurs diverses déclarations, les dirigeants islamistes se sont dits prêts maintenant à gouverner (un pays en ruine) et s’empressent à former un gouvernement politique partisan où ils seraient bien présents en nombre. Le scénario des sauveurs de la nation. Un thriller où « les victimes de la dictature » sont devenues les bourreaux. Aujourd’hui, c’est tout le peuple tunisien qui est victime de la dictature des ikhwanes.
A quoi peut-on s’attendre de dirigeants qui apprennent l’exercice politique sur le tas et qui n’en ont cure de l’éthique et de la responsabilité morale ? Ces mêmes dirigeants, qui ont fait leurs premiers pas en politique après les événements de 2011, sont empêtrés, englués, depuis cette date, dans des crises politiques successives, lesquelles ont engendré toutes les autres crises : économique, sociale, sanitaire et morale. La dernière en date, le duel de Ghannouchi avec Kaïs Saïed, qui dure depuis de nombreux mois, a dépassé toutes les lignes rouges du politiquement correct, mettant à nu un Etat démuni et avili, des responsables politiques incompétents et/ou corrompus, un peuple aux abois. C’est l’effondrement général, et pas seulement du système de santé, comme l’a déclaré, la porte-parole du ministère de la Santé, Nissaf Ben Alaya. Effondrement, le mot n’est pas très fort, pour un système de santé connu dans le monde entier pour être exemplaire avec les moyens du bord, notamment dans le domaine de la vaccination, et qui a toujours su rester debout face aux catastrophes mondiales, comme celle du sida dans les années 90.
Ennahdha n’assume rien et veut encore gouverner
Ennahdha et Rached Ghannouchi ont pris le pouvoir, mais ils ont échoué à maintenir la Tunisie au moins à son niveau de développement et de richesse de 2010. Leurs alliés nationaux et étrangers qui les soutiennent contre vents et marées ont aussi échoué. Le comble de l’inadmissible est qu’ils renient toute responsabilité. Pour cause. Parce qu’ils ne savent pas gouverner, les islamistes ont choisi de se cacher, de tout contrôler derrière les rideaux, derrière des prête-noms, des épouvantails ; ils ne gouvernent pas, mais cherchent à mettre la main sur les différents centres du pouvoir et leurs acteurs : hommes d’affaires, médias, personnalités politiques, activistes… Là, ils ont bel et bien réussi. Le résultat est que le mouvement est devenu plus fort et plus riche. Mais au détriment de la Tunisie qui a besoin aujourd’hui d’être secourue par d’autres pays pour ne pas mourir asphyxiée par la Covid-19. Par leur incompétence, leur arrogance, leur avidité, les islamistes ont affamé et tué tout un peuple. Ils ont tué la Tunisie. Ils ne sont certes pas les seuls responsables de ce génocide économique, social et sanitaire, ils ont bien sûr des complices de l’intérieur comme de l’extérieur. Ils se reconnaîtront et seront les premiers à s’en laver les mains dès que le bon et misérable peuple se réveillera pour siffler la fin de la récréation.
Entre-temps, c’est le black-out. La communication officielle est carrément absente. Les médias se contentent de relayer des chiffres sur les contaminations et les décès de la Covid et souvent des déclarations contradictoires de responsables politiques. Les trois présidents vaquent à leurs querelles égocentriques et se disputent « le mérite » d’avoir poussé la Tunisie jusqu’à quémander les dons des pays frères et amis en vaccins et en équipements médicaux.
Seuls face à la pandémie
Où va la Tunisie ? Nul ne sait. Le ressenti général est que la Tunisie va droit au mur. Face à la pandémie de la Covid, les Tunisiens sont quasiment à l’abandon. Sans un programme de vaccination agressif, c’est le carnage annoncé. D’ores et déjà, le spécialiste oncologue et scientifique émérite à l’échelle internationale, Moez Ben Ali, a assuré sur les ondes de RadioMed que la barre des 20 mille décès du Covid sera dépassée au cours des prochaines semaines, expliquant qu’« en novembre 2020, les autorités sanitaires tunisiennes n’avaient toujours pas un programme de vaccination, toute la stratégie a été basée sur le programme Covax, le don du vaccin à travers la solidarité internationale, ce qui a engendré un cumul d’erreurs et de retards dans la réception des vaccins ». Dans quelques jours, ce sera au tour de l’agence Moody’s de sonner le glas de la Tunisie, puisque la note souveraine qui sera attribuée à la Tunisie devrait être baissée à C, et les autorités monétaires seront sans doute obligées d’annoncer, si elles ont le courage, la faillite de la Tunisie.
Un dramatique bilan d’une décennie de tâtonnements, de contre-gouvernance, de pillage et de sabotage. Les gouvernants de ces dix années de braise n’ont aucune pudeur réfutant toute responsabilité, y compris celle de l’hécatombe sanitaire actuelle qui est le résultat de leur incompétence et leur laxisme. La progression fulgurante du virus et les records de décès enregistrés en 24 heures n’ont rien changé dans les habitudes des gouvernants, ni modifié la méthode de lutte contre la pandémie de la Covid-19. Alors que le virus et ses variants ont déjà fait plus de 16 mille morts et qu’ils menacent quatre mille supplémentaires prévus, rien que pour ce mois de juillet si la vaccination ne s’accélère pas, le Parlement se transforme en une foire d’empoigne et les politiques scrutent les postes dans le probable nouveau gouvernement, qui par miracle sortira la Tunisie de l’impasse financière et sanitaire, dans laquelle ils l’ont eux-mêmes embourbée. Leur bilan de gouvernants révolutionnaires est implacable. Ils ont fait tout faux. Mais l’échec ne leur fait pas honte. n