Le collectif « Ansar Al Watan » (Le collectif des citoyens défenseurs de la Patrie, un collectif pro Kais Saied), a donné ce mardi 21 septembre 2021 le coup d’envoi du dialogue sociétal citoyen sur le thème: « Quel régime politique et quelle loi électorale réclamons-nous après le 25 juillet ? ». Il s’agit d’une initiative ayant pour objectif d’engager un débat politique directement avec les citoyens un peu partout à travers la République et ce à travers l’organisation de sessions de réflexion accessibles au grand public. L’objectif étant d’atteindre le maximum de citoyens et de les faire participer au débat. Selon le collectif, certaines sessions se dérouleront dans des cafés populaires situés dans les régions intérieures du pays.
Lors de son allocution de bienvenue, le porte-parole du collectif Souhail Nemri a indiqué que ce dialogue constitue un espace de réflexion profonde et collective sur des questions juridiques éloignée des tiraillements des partis politiques rejetés par le peuple et qui cherchent à tout prix à réintégrer la table des négociations.
« Il faut qu’il ait plus de cohésion et d’efforts collectifs pour que l’on puisse avancer et cette session de réflexion permettrait d’ouvrir le débat sur les questions juridiques. Les partie rejetés par le peuple tunisien au lendemain du 25 juillet cherchent à tout prix, en ayant recours à des méthodes méprisables, à s’imposer de nouveau sur la table des négociations d’où la nécessité de leur barrer le chemin. Aujourd’hui, la question est très critique et est purement juridique voire constitutionnelle et c’est aux intervenants spécialistes en droit de nous éclairer sur la situation actuelle et surtout sur la nouvelle direction» a-t-il affirmé.
Le professeur de droit public Sghaier Zakraoui a affirmé que le régime parlementaire a fait essuyé un échec monumental en conduisant le pays vers une catastrophe socioéconomique et en prenant en otages les citoyens par la faute d’une « constitution piégée« . Selon lui, pour rompre avec un système politique incapable de se réformer, le président de la République devait obligatoirement passer par l’activation de l’article 80 de la Constitution. « Les mesures entreprises le 25 juillet ne constituent, en aucun cas, une violation de la Constitution et si j’étais à la place du président de la République je serais allé plus loin en annonçant carrément la suspension de la constitution. Dans les situations exceptionnelles, la nécessité fait loi. »a-t-il affirmé.
Selon Sghaier Zakraoui, l’instauration de la stabilité politique, socio-économique et l’amélioration du rendement du gouvernement ne seront atteignables qu’au travers l’instauration d’un régime présidentiel équilibré qui trouve ses racines dans la « petite Constitution » (NDLR: la loi constitutionnelle provisoire qui a régi le pays de 2011 à 2014).
Il ajoute que ce régime devrait garantir la séparation des pouvoirs tout en se basant sur un pouvoir exécutif dualiste offrant au président de la République comme au premier ministre des prérogatives importantes. Néanmoins, en appliquant ce régime présidentiel, il faudra veiller à mettre en place une série de règles et de principes évitant une éventuelle dictature bien que cette hypothèse soit exclue selon l’expert juridique.
Pour ce faire, il faut mettre en place tout un écosystème adéquat à commencer par l’instauration urgente de la cour constitutionnelle. « Un Etat qui ne dispose pas d’une cour constitutionnelle n’est pas démocratique » -t-il affirmé. Et d’ajouter : « L’élaboration d’une nouvelle loi électorale et l’amendement des textes de loi régissant les associations et les partis politiques sont également une urgence ».
Pour sa part, Boutheina Ben Brikis, professeur en droit international, considère que la question dépasse l’instauration d’un simple régime présidentiel ou parlementaire. Pour elle, le défi réel réside dans la nécessité de réviser les chapitres de la constitution régissant les pouvoirs exécutif et législatif afin de donner plus de cohérence entre les pouvoirs et un équilibre quant à la répartition des prérogatives. L’objectif étant d’éviter toute volonté de concentration des pouvoirs.
Dans ce contexte, elle considère que le changement de la loi électorale dans sa version actuelle est une nécessité ajoutant l’urgence de réformes structurelles sur le pouvoir législatif pour faire en sorte que le Parlement puisse être formé de membres élus à l’échelle locale. « Ces élus sont conscients des problèmes dont souffrent leurs régions et connaissent les projets dont elles ont besoin. Ainsi, le Parlement ne fonctionnera plus jamais sur fond de calculs politiques et ne sera plus un outil servant les intérêts de partis politiques bien déterminés. » a-t-elle expliqué au micro de Réalités Online.
De son coté, Rabah Khraifi a considéré que la Tunisie a besoin d’un régime présidentiel dans lequel un Parlement élu, une société civile puissante et des médias libres puissent agir de façon significative. Selon lui, le régime présidentiel serait le régime politique le plus adéquat pour l’étape suivante et il souligne la nécessité de mettre en place, en urgence, la cour constitutionnelle. Il ajoute enfin que la révision des textes de loi régissant le secteur des médias, les partis politiques, les sondages, les associations et la société civile est désormais une nécessité absolue.
Hajer Ben Hassen