Le ministre roumain des Affaires étrangères, Teodor Melescanu, sera, à partir de ce jeudi, en visite officielle de deux jours en Tunisie (19-20 avril), et un certain nombre d’accords dans divers secteurs seront signés dans l’objectif de renforcer la coopération bilatérale.
Cette visite qui fait suite à celle effectuée en 2016 en Roumanie par Khemaies Jhinaoui, ministre tunisien des AE, vise à trouver de nouveaux chemins de partenariat pour renforcer davantage les relations entre les deux pays et répond à la volonté commune de diversifier les champs d’une coopération fructueuse pour les deux parties.
2018 marque le 55e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Tunisie et la Roumanie, l’occasion, pour les deux pays d’aller encore plus loin dans cette relation en consolidant et renforçant leurs échanges. Un certain nombre d’accords dans plusieurs secteurs seront signés entre les deux pays et s’inscriront dans ce sens.
55 ans après l’établissement des relations diplomatiques entre la Tunisie et la Roumanie, le niveau de la coopération bilatérale entre nos deux pays reste symbolique. Votre visite en Tunisie pourrait-elle donner un déclic à un partenariat dynamique dans des domaines d’intérêt commun?
Le programme de ma visite à Tunis est très dense. Il contient des entretiens politiques avec les hauts responsables tunisiens, une série d’activités visant à renforcer les relations économiques et le cadre éducationnel et universitaire, ainsi que la conclusion de plusieurs documents de coopération bilatérale. A part le volet politique, en marge de la visite, il y aura l’inauguration du Centre de culture et de science de la Roumanie à Tunis, auprès de l’Institut Bourguiba des langues vivantes de l’université Tunis El-Manar. Pour ce qui est de ce dernier évènement, la Roumanie fera, aussi, un don important d’ordinateurs et d’équipements électroniques pour les salles de classe de l’Institut Bourguiba, par l’intermédiaire de l’Agence roumaine d’aide au développement, RoAid.
Je dois ajouter que presque 1500 Tunisiens étudient en Roumanie, le plus grand nombre d’étudiants étrangers après ceux provenant de la République de Moldavie, un pays où le roumain est la langue officielle et avec lequel nous partageons un passé commun.
Le tourisme est un autre domaine qui va certainement se développer. Pour cette année, on a déjà envisagé la reprise des vols directs Roumanie-Tunisie qui donnera non seulement une impulsion au tourisme, mais aidera aussi les étudiants tunisiens en Roumanie à voyager plus facilement entre les deux pays.
En même temps, il faut mentionner le soutien que mon pays a toujours accordé à la Tunisie au niveau international, en particulier dans le cadre du dialogue avec l’UE. Pour nous, la Tunisie constitue un centre de diffusion au niveau régional des valeurs démocratiques et de l’esprit d’innovation et du développement basé sur les nouvelles technologies. Nous pensons aussi que le développement approfondi des relations entre l’UE et la Tunisie, que nous soutenons pleinement, peut y apporter une contribution majeure.
Dernier point, mais particulièrement important, je ne qualiferais pas de « symbolique » une relation qui, bien qu’elle célèbre officiellement ses 55 ans, remonte en réalité au XIXe siècle, aux premiers échanges commerciaux entre nos peuples.
Outre le tourisme, le commerce, l’enseignement supérieur et l’assistance technique, a-t-on identifié des domaines de coopération susceptibles de donner une impulsion nouvelle à la coopération bilatérale comme le numérique, la santé, le secteur industriel ?
La Roumanie est reconnue internationalement pour ses performances dans la technologie de l’information et des communications. Je vais seulement dire qu’en 2017, cinq des dix villes du monde qui bénéficient de l’internet le plus rapide sont des villes roumaines. Les spécialistes roumains en informatique sont parmi les plus appréciés au monde. Ainsi, en Roumanie, l’industrie informatique est parmi les plus performantes, sinon la plus performante à l’échelle nationale. Un des meilleurs programmes anti-virus, a été créé en Roumanie. Des contacts ont déjà été lancés entre des start-up roumaines et des start-up tunisiennes et nous encourageons ce processus.
En ce qui concerne la santé, je commencerais par dire que la plupart des étudiants tunisiens en Roumanie étudient la médecine et la pharmacie. Par conséquent, l’échange bilatéral d’expérience dans ce domaine se fait à partir du stade de la préparation des futurs médecins. Les médecins roumains sont estimés dans le monde entier, principalement parce qu’ils sont de très bons diagnosticiens. Bien sûr, nous avons une bonne expérience dans les domaines de la médecine d’urgence, de la télémédecine, du soin balnéaire et gériatrique et du tourisme médical, qui porte un intérêt immédiat et particulier pour la Tunisie. Nous pouvons coopérer dans tous ces domaines d’activité. Concernant les autres domaines économiques, nous avons une bonne coopération en matière d’agriculture, d’industrie textile et de forage de profondeur. Par exemple, la société tunisienne Coficab est déjà présente sur le marché roumain et nous espérons que la gamme des échanges industriels se diversifiera à l’avenir.
Est-ce que la création d’une chambre tuniso-roumaine de commerce et d’industrie et la promotion de la coopération décentralisée entre les villes tunisiennes et roumaines, sont envisageables dans le contexte actuel ?
Bien sûr, la création d’une chambre tuniso-roumaine de commerce et d’industrie pourrait faciliter les liens entre les milieux d’affaires des deux pays. Nos économies sont soumises aux règles du marché libre, raison pour laquelle les hommes d’affaires des deux pays ont besoin d’une plateforme qui leur permet de se réunir librement et de faciliter leurs activités conjointes sans que l’État leur dise quoi faire. À cette fin, l’Association de commerce et d’industrie tuniso-roumaine, apporte une vraie valeur ajoutée.
En ce qui concerne le jumelage des villes, je suis heureux de rappeler que des projets dans ce sens sont déjà en cours entre les localités tunisiennes Tunis, Sfax, Bizerte, Sousse, Sidi Bou Saïd et les localités roumaines Bucuresti, Timisoara, Constanta, Alba Iulia et Bran. L’échange d’expériences en termes de meilleures pratiques dans l’administration locale, ainsi qu’au niveau du développement économique, touristique, académique ou culturel, peut conduire aux projets concrets portant un impact direct et rapide sur la vie des gens.
Les échanges dans les domaines de la jeunesse et des enfants ont une valeur particulière, car le contact avec des cultures différentes à un âge précoce aide les futurs adultes à mieux s’adapter aux développements mondiaux très rapides.
Que faire pour inciter la communauté d’affaires des deux pays qui se connaissent très peu à saisir les opportunités qui existent dans les deux pays? Le temps n’est-il pas venu pour impliquer les organisations patronales de la Roumanie et de la Tunisie dans le déplacement sur le terrain et l’établissement de contacts professionnels entre les chefs d’entreprises ?
Les contacts directs entre les professionnels qui travaillent dans les mêmes domaines d’activité sont les plus précieux parce que, de cette manière, des liens mutuellement bénéfiques peuvent être établis. Les discussions politiques ont le rôle de transmettre un signal important et de définir des stratégies d’action à portée plus large. Mais les projets sont toujours mis en œuvre par des gens. C’est pourquoi nous pensons que tout moyen de rassembler les professionnels dans certains domaines doit être encouragé. Il est très important que les employeurs des deux pays aient l’initiative d’explorer ensemble les voies de la coopération. Les décideurs peuvent signaler les opportunités, mais ça ne suffit pas en l’absence d’initiative des communautés d’affaires.
Quel rôle pourrait jouer la Roumanie au sein de l’Union européenne pour mobiliser un plus grand appui qui permettrait à notre pays de réussir sa transition économique et sociale, de maîtriser les difficultés auxquelles elle est en train de faire face et de soutenir son développement économique et social?
La Roumanie joue déjà un rôle dans la mobilisation de l’UE au soutien de la Tunisie dans son processus de transition. Je pense que la Roumanie peut mieux expliquer les difficultés inhérentes à ce processus, car nous avons également traversé récemment une période de transition, et nous comprenons qu’il n’y ait pas de répertoire unique des mesures qui soient appliquées en termes de transition. Chaque société a ses particularités et toute aide doit être donnée en tenant compte de cette réalité.
En ce qui nous concerne, nous ne voulons pas donner de leçons, mais plutôt expliquer les difficultés auxquelles nous avons été confrontés et quelles sont les erreurs que nous avons dû apprendre à éviter. La construction institutionnelle est un domaine dans lequel nous pouvons contribuer concrètement, qu’il s’agisse de connaissances techniques ou de principes de bonne organisation et de fonctionnement des institutions. L’Agence roumaine d’assistance au développement, RoAid, est prête à soutenir ce processus sur la base des besoins identifiés par le côté tunisien. De plus, nous sommes impliqués au niveau de l’Union européenne dans tous les processus qui visent le développement soutenable de voisinage sud-méditerranéen. Egalement, nous sommes engagés dans l’effort commun de combattre le terrorisme, un des grands défis pas seulement pour la Tunisie, mais pour le monde entier.
2018, une année importante dans l’histoire de la Roumanie. Une année qui célèbre le Centenaire de la Grande Union. Quels enseignements le peuple roumain tire-t-il de cet événement?
Un enseignement précieux que la mémoire collective roumaine retient, comme c’est le cas d’ailleurs de beaucoup d’autres peuples à travers l’histoire, lié à l’importance de l’unité autour d’un projet national. En 1918, les Roumains, qui ont vécu une histoire mouvementée, à l’intersection de grands empires, ont trouvé les ressources nécessaires pour accomplir leur plus cher idéal: celui d’unir toutes les provinces roumaines.
Aujourd’hui, quand nous célébrons le Centenaire de la Grande Union du 1er décembre 1918, nous avons le devoir non seulement d’honorer l’histoire et les personnalités emblématiques du passé, mais également de songer à donner de nouveaux sens à de tels principes comme l’unité et la solidarité qui se trouvent au cœur même de la fondation de notre société. Au plan international, les valeurs d’unité et de solidarité resteront un point d’appui privilégié de nos actions, de pair avec les principes du droit international, le dialogue et le respect réciproque, qui constituent les traits de base du profil international et de la politique étrangère de la Roumanie.
Propos recueillis par M.B.B