« Internet a été coupé, nous ne pouvons plus utiliser notre système », a rapporté à l’AFP l’un des journalistes de Zaman, ajoutant que « l’édition de dimanche n’a pas été faite par du personnel de Zaman ».
Provoquant l’étonnement de ses lecteurs, le quotidien turc à gros tirage Zaman a paru dimanche pour sa première édition depuis sa mise sous tutelle par le président Erdogan, en affichant une ligne nettement progouvernementale.
En Une du journal, un article sur un ambitieux projet du gouvernement de construction d’un pont a remplacé les habituelles critiques de Zaman.
A l’unisson de la presse progouvernementale, Zaman publie également en Une des clichés de funérailles de « martyrs » tués lors d’affrontements avec des rebelles kurdes dans le sud-est de la Turquie.
Et enfin le comble: Zaman affiche aussi en Une une photo de M. Erdogan.
« Internet a été coupé, nous ne pouvons plus utiliser notre système », a rapporté à l’AFP l’un des journalistes de Zaman, ajoutant que « l’édition de dimanche n’a pas été faite par du personnel de Zaman ».
La Une de Zaman du dimanche 6 mars 2016, réalisée par la police politique d’Erdogan
Washington et l’UE ont rappelé M. Erdogan au respect de la liberté de la presse.
Le quotidien, au tirage de quelque 650.000 exemplaires, avait titré samedi sur un « jour de honte » pour la liberté de la presse en Turquie, ayant pu sortir une dernière édition juste après sa mise sous tutelle.
En début d’après-midi, la police avait mis fin avec des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène au rassemblement à Istanbul de quelque 500 personnes devant le siège du plus grand quotidien de Turquie, qui avait été investi dans la nuit par les forces de l’ordre.
Les administrateurs de tutelle mis en place par les autorités turques ont limogé le rédacteur en chef du groupe, Abdülhamit Bilici, selon plusieurs médias.
Cette reprise en main a soulevé l’inquiétude de Washington et de l’UE, qui ont rappelé M. Erdogan au respect de la liberté de la presse.
Elle survient juste avant un sommet lundi entre l’UE et la Turquie sur la crise des migrants, au cours duquel Bruxelles attend d’Ankara des efforts pour enrayer le flot des candidats à l’exil.
Le gouvernement turc a nié toute interférence, le Premier ministre Ahmet Davutoglu assurant qu' »il ne s’agit pas d’une procédure politique, mais juridique ».
« Il existe de nombreux organes de presse en Turquie qui critiquent notre gouvernement. Aucun n’est soumis à une procédure judiciaire », a affirmé dimanche M. Davutoglu à la télévision A Haber.
« Parce que la critique est le droit le plus naturel et que ce qui est en question, ce n’est pas une simple activité de presse mais plutôt une opération visant un gouvernement légitime arrivé au pouvoir avec le soutien du peuple », a-t-il ajouté.
La dictature d’Erdogan se met en place
Selon Mustafa Edib Yılmaz, journaliste à Zaman, aujourd’hui en Turquie, tout le monde a peur. Mais il y a une différence entre avoir peur et être empêché de parler. Il est crucial que le reste du monde soit au courant de ce qui se passe ici en Turquie. Lorsque les manifestants ont été aspergés de gaz lacrymogène vendredi, une seule chaîne de télé locale était sur place pour en témoigner. La seule autre source d’information à ce sujet était notre site Internet. Autrement dit, il y a de fortes chances pour que les gens qui se sont contenté de lire ou regarder les autres grands médias turcs ce weekend soient passés à côté de l’information. Je me devais de prendre la parole, parce la plupart des autres voix ont été muselées.
La dérive totalitaire d’Erdogan est de plus en plus évidente.