Affaibli récemment par un scandale de corruption sans précédent, le Premier Ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, n’a pas hésité à défendre à nouveau une loi portant potentiellement atteinte à la vie privée des internautes et à la liberté de navigation sur la toile. Retour sur les dérives orwelliennes d’un état conservateur.
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement limite l’accès à Internet en Turquie. À titre d’exemple, le site youtube a été bloqué pendant trois ans entre 2008 et 2010. Ce sont aussi plus de 7000 sites qui ont été bloqués. En 2011, Reporters sans frontières rapporte que « La TIB [Haute instance de la télécommunication] a fait parvenir aux hébergeurs et fournisseurs d’accès à Internet une liste de 138 mots-clés à bannir des noms de domaine turcs ». Des mots clés parfois très anodins comme jupe ou animaux.
Cette fois, ci, le parlement turc dans lequel le Parti de la justice et du développement (AKP) dispose d’une très large majorité, a fait voter une loi renforçant le contrôle d’internet et délégant à la TIB la possibilité de censurer un site sans décision de justice. Aussi la TIB pourra réclamer auprès des fournisseurs d’accès toutes les données sur les sites visités par les internautes, car ces FAI seront obligés de les conserver durant deux ans. Cependant, Erdogan affirme qu’« il n’y a absolument aucune censure imposée sur Internet avec ces dispositions […] Au contraire, elles le rendent plus sûr, plus libre».
Un membre du principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple considère que ce type de mesures vise à « intimider le peuple en lui disant «Big Brother te regarde»». Et compare la Turquie à d’autres pays censeurs du web :« Ces interdictions ne mettent pas la Turquie au même rang que l’Iran ou la Chine, mais elles la placent dans une catégorie où les libertés individuelles sont totalement bafouées ».
Du côté européen, on s’inquiète de ce genre de mesures car en effet, la Turquie est toujours en lice pour intégrer l’Union. Le porte parole du commissaire à l’élargissement de l’Union européenne considère que « L’opinion turque mérite plus d’informations et de transparence, pas davantage de restrictions ». Et si la Turquie est candidate, cette loi doit « être révisée conformément aux standards de l’UE ».
Malgré les manifestations de la place Taksim, à nouveau fortement réprimées, et les mises en garde le l’UE comme des États-Unis, ainsi que de nombreuses ONG, Ankara ne semble pas prête pour le moment à faire marche arrière.
M.P.