Turquie: Tentation autoritariste !

Deux évènements tragiques survenus en l’espace de 24 heures, deux véritables tremblements de terre ont choqué le monde, polarisé l’attention et accentué les inquiétudes sur la sécurité et la stabilité un peu partout sur la planète. Incontestablement, l’attentat terroriste  le plus meurtrier que la France ait connu (84 morts), le  soir du 14 juillet à Nice, a endeuillé la France entière et au-delà et provoqué une vague d’indignation générale et de peur de la prolifération d’un terrorisme aveugle qui n’a ni frontières, ni identité et encore moins de religion.

Malgré la gravité du choc subi par tout un pays, le lourd bilan humain, la colère suscitée et la profonde tristesse des familles endeuillées par la disparition de leurs proches et d’une population en proie au doute, le putsch militaire manqué survenu une journée après en Turquie qui a failli basculer ce grand pays, dont le poids régional et stratégique n’échappe à personne ( membre de l’OTAN), dans la violence et l’instabilité, ont poussé tous les grands du monde à retenir leur souffle. Une grande   crainte a plané de voir se produire un scénario du pire et, après l’échec du coup, de voir le régime exploiter à fond cette affaire pour accentuer sa dérive autoritaire, établir des lois d’exception et bafouer le fonctionnement des institutions démocratiques et les libertés.

Même si le monde entier a exprimé son soulagement après l’échec du putsch, la réussite de la légitimité populaire, à la faveur de l’appel lancé par Erdogan, et du sursaut démocratique du peuple turc qui a refusé, pour la première fois, que les militaires changent l’ordre démocratique, il n’en demeure pas moins vrai que la vaste purge lancée, dans la foulée, par le régime a suscité des doutes et de grandes inquiétudes. Personne, même parmi les partenaires les plus proches de la Turquie, ne semble prêt à donner un blanc-seing pour le rétablissement de l’arbitraire, le blocage du fonctionnement des institutions et de l’Etat de droit ou le recours à des mesures d’exception qui permettraient des règlements de compte et serviraient d’alibi pour laminer l’opposition et transgresser les droits et les libertés.

Ce qui se passe actuellement en Turquie après l’échec de la tentative de coup d’Etat pousse à des questionnements lancinants et à des craintes légitimes. Le grand ménage opéré dans les rangs de l’Armée et de la Justice risquant, à tout moment, de s’étendre à d’autres figures de l’opposition et de la société civile, n’annoncent-ils pas un raidissement d’un pouvoir gagné depuis quelque temps par une tentation autoritariste ?

La Turquie vit depuis quelques années une tension politique et sociale permanente, un grand malaise politique, malgré les avancées qu’il a accomplies sur le plan économique.

La résurgence de la menace terroriste dans ce pays au cours des mois écoulés a été considérée comme une résultante logique du laxisme d’Ankara, longtemps soupçonnée de complaisance à l’égard des groupes terroristes se réclamant de Daech qui ont utilisé ce pays comme base de transit et logistique pour semer la mort et le chaos en Syrie, en Libye et ailleurs.

Au moment où ce pays commençait à payer un  tribut lourd de ses mauvais choix politiques et stratégiques, aux plans régional et même international, que des doutes de plus en plus persistants commencent à être exprimés au sujet de la dérive autoritaire d’un régime qui a tourné le dos à l’héritage kémaliste, il est fort à craindre que le putsch manqué ne soit exploité pour accentuer le  virage dangereux amorcé depuis quelques années, menaçant d’emporter avec lui tous les acquis démocratiques que ce pays a pu construire. A l’heure où le pays continue de vivre dans une véritable tourmente, les prochains jours nous éclaireront sur la propension de ce régime légitime à préserver les fondements desquels il a toujours tiré sa légitimité !

Enfin, la tragédie de Nice nous rappelle que malgré le caractère lâche et barbare de l’acte commis, il est des lignes rouges que les pouvoirs exceptionnels accordés aux forces de sécurité et la liberté dont les médias en France sont dotés, qui ne devraient pas être franchies. La stigmatisation à outrance des Tunisiens, la montée du racisme et du sentiment xénophobe contre cette forte communauté, qui a toujours vécu et travaillé paisiblement dans cette région, est contreproductif. Il serait mal venu d’exploiter ce drame en favorisant l’amalgame et en exacerbant le sentiment de haine contre les Tunisiens en les assimilant tous a des terroristes et de banaliser les exactions contre eux pour simple fait de délit de faciès. 

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