Turquie : Vrai-faux coup d’Etat ?

La question se pose surtout au vu des différentes versions et analyses qui viennent de toute part surtout, comme ça était toujours le cas en pareille circonstance, les analystes de tous bords s’en donnent à cœur joie.
Un coup d’Etat militaire en Turquie ? Cela aurait pu ne pas surprendre du fait du nombre d’actes similaires menés par cette même armée à chaque fois que le pays risquait un dérapage quant à sa laïcité. Par contre, c’est le timing et son déroulement qui laissent perplexe voire dubitatif.
Jamais, à aucun moment, l’armée turque n’a procédé de cette manière à chaque fois qu’elle a décidé de prendre le pouvoir. Se contenter de deux ponts, de quelques bâtiments officiels dont la télévision publique et l’aéroport Atatürk et de quelques artères d’Istanbul et d’Ankara, ne laissait pas croire à une autre issue que celle qu’elle a connue à cette tentative de putsh contre un président qui détient tous les pouvoirs et contrôle tous les rouages de l’Etat, notamment l’armée dont il est le chef suprême.
Pour mémoire, une lecture dans les putschs militaires turcs de ces dernières années, il y eut occupation de toutes les grandes artères et places des grandes villes du pays, particulièrement Ankara et Istanbul, et des aéroports, la prise en main de tous les médias publics et privés et même des représentations des médias étrangers, occupation des institutions de l’Etat (présidence, parlement…), la suspension des services d’Internet,l’arrestation des principaux chefs politiques du pays…et surtout la publication d’un communiqué clair à l’dresse du peuple. Alors que c’est-il passé cette fois-ci pour qu’un petit groupe de l’armée entreprenne une telle action ? Au regard de l’âge de ce groupe, en majorité des jeunes, s’ils ne le sont pas tous, la question de savoir qui les a poussés à tenter ce coup, renvoie à plusieurs réponses et suscite des doutes.
Pensaient-ils réellement pouvoir renverser Recep Tayyip Erdogan avec cette facilité et cette désinvolture ? Invraisemblable !
D’un autre côté, comment expliquer qu’un service de renseignements qui ne s’est pas aperçu de la préparation de ce putsch préparé par des soldats amateurs de quatrième catégorie puisse découvrir en un temps record – moins de dix heures – l’implication de nombreux juges dans cette tentative ?Au total, quelque 6.000 militaires ont déjà été placés en garde à vue et près de 3.000 mandats d’arrêt ont été délivrés à l’encontre de juges et de procureurs. 103 Généraux et Amiraux turcs ont eux aussi été placés en garde à vue. Parmi eux figure l’ancien chef de l’armée de l’air, le Général Azin Oztürk, soupçonné d’être l’un des meneurs de la tentative de coup d’Etat. Tous sont soupçonnés d’être liés au prédicateur Fethullah Gülen, un ancien allié d’Erdogan qu’il accuse d’être l’instigateur du putsch.Encore invraisemblable.
La purge ne s’est pas arrêtée là. 9.000 fonctionnaires du ministère de l’Intérieur dans tout le pays ont été limogés et Erdogan ne semble pas se satisfaire de cela. Il ne cesse d’affirmer que le « virus » factieux sera éliminé de l’ensemble des institutions de l’Etat, déplorant au passage le fait que, « hélas, ce virus, comme un cancer, s’est propagé à tout l’Etat ».
Et, c’est à partir de là, que certains analystes s’interrogent sur le fondé des origines de cette tentative. Et nombreux sont ceux qui pensent même qu’il s’agissait d’une provocation organisée par Erdogan lui-même.
Si l’ancien ami d’Erdogan s’est défendu en démentant ses allégations – ses alliés n’ont pas arrêté de le crier haut et fort malgré la répression -, le président turc s’est cloîtré dans un silence de mort à propos de cette question en s’investissant dans une diatribe aussi virulente que menaçante à l’encontre de ses adversaires politiques.
Aussi, cela confirme-t-il, selon certains analystes, que l’échec du putsch et le retour à l’ordre constitutionnel n’étaient qu’une mise en scène soigneusement orchestrée par Erdogan pour faire avancer son projet de modification constitutionnelle et imposer une dictature islamiste, prélude à la restauration d’un califat néo-ottoman, son rêve de toujours.
Entre un pouvoir qui savoure sa victoire sur les putschistes et saisi l’opportunité qui lui est offerte pour mener une grande purge au sein de ses adversaires, quitte à rétablir la peine de mort et les spéculations et autres supputations sur un scénario bien mené par Erdogan, les  civils tués sur le pont du Bosphore ne sauront jamais la vérité.

F.B

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