Il n’est déjà pas si facile dans une période marquée par la gabegie de se convaincre de l’utilité des syndicats ; mais lorsque, le plus important d’entre eux, à savoir l’UGTT appelle, purement et simplement, à la rébellion on est droit de se poser la question de leur nocivité.
Le dernier communiqué émanant d’une des fédérations relevant de L’UGTT restera dans les annales comme un appel à la rébellion contre l’autorité de l’Etat. Comment qualifier autrement un tel comportement ? Quand une centrale syndicale se prétendant républicaine appelle les fonctionnaires à désobéir à leur tutelle et à ne pas assurer le samedi des permanences décidées par le ministre de la fonction publique, elle bascule forcément dans la rébellion : un fonctionnaire n’est pas un soldat mais désobéir aux décisions de sa hiérarchie en fait un mutin, une sorte de déserteur en temps de paix.
Je conçois volontiers que la décision d’Abid Briki, ministre de la fonction publique, déplaise à l’UGTT qui considère tout droit acquis, même de fraîche date, comme une ligne rouge infranchissable. Mais de là à souffler sur le brasier de la révolte et à appeler les fonctionnaires à se rebeller contre les décisions gouvernementales, il y a un pas que l’UGTT n’aurait jamais dû franchir. Fort heureusement, l’exécutif dudit syndicat s’est ravisé en donnant du bout des lèvres son accord à la décision gouvernementale moyennant quelques garanties.
Même si la crise a été évitée de justesse, il convient de souligner qu’aucune légitimité historique n’autorise l’UGTT à défier l’Etat et à soulever contre lui ses agents. Le vertige de puissance qui semble saisir l’UGTT lui a fait perdre tout sens de la mesure et, plus grave encore, celui de l’intérêt national.
Un jour, il faudra dresser l’inventaire des ravages causés le jusqu’au-boutisme syndical sur l’économie tunisienne : des centaines d’entreprises étrangères ont pris la clé des champs face à l’agitation sociale savamment entretenue par des syndicats irresponsables et démagogues. Des centaines d’autres ne viendront pas pour ne pas se retrouver livrées à une dictature syndicale aveugle. Il faudrait des dizaines de conférences internationales sur l’investissement telles que nous sommes sur le point d’accueillir pour effacer les dégâts occasionnés à notre économie par les syndicats durant ces 5 dernières années.
La propension de l’UGTT à vouloir jouer un rôle politique et à imposer ses diktats au gouvernement constituent un dévoiement flagrant de son rôle de partenaire social. Contester, négocier, faire grève rentre dans le cadre des missions naturelles d’un syndicat. En revanche, appeler à la désobéissance et à la rébellion contre l’Etat la ravale au niveau d’une organisation séditieuse.
Lorsque les voyous des Ligues dites de protection de la révolution prirent d’assaut, en décembre 2012, les locaux de l’UGTT, je fus de ceux qui fustigèrent avec force cette agression sauvage. C’est, justement, parce qu’il est dans l’intérêt de tous que ce syndicat reste fort et digne de l’héritage de Farhat Hached que nous ne pouvons nous résoudre à ce qu’il sombre dans un populisme de mauvais aloi et se prenne pour un Etat parallèle.
*avocat et éditorialiste