UGTT- Pouvoir : le point de non-retour !

Les militants de l’Union générale tunisienne du travail UGTT commencent à affluer vers la place de la Kasbah pour assister au rassemblement que leur Centrale syndicale organise, ce samedi 2 mars 2024, en signe de contestation “contre la politique de fuite en avant que le pouvoir en place adopte”.
En effet, d’après des sources syndicales, de nombreux slogans hostiles à la politique d’ »unilatéralisme » et de “sourde oreille” du gouvernement seront scandés lors de ce rassemblement qui prendra la forme d’une démonstration de force contre le régime de Kaïs Saïed, qui semble vouloir chercher à réduire au strict minimum le rôle de l’organisation syndicale.
D’ailleurs, il n’est plus un secret. Depuis le coup de force de 25 juillet 2021 mené par le président de la république Kaïs Saïed, les choses ne sont plus comme avant. Dès les premiers mois, le locataire de Carthage a affiché la couleur quant aux rôles que la société civile et les corps intermédiaires devraient jouer. L’UGTT figurait parmi les visés de cette politique. Ainsi, il n’était pas aussi difficile pour les dirigeants de la Centrale syndicale dont le secrétaire général Noureddine Taboubi, de saisir le message : la principale centrale ouvrière doit se contenter de son rôle de défendre les intérêts et les droits syndicaux de ses adhérents et ses bases. Point à la ligne !

Le ver est dans le fruit !
Derrière cette mésentente qui s’est transformée en un bras de fer entre Carthage et la Place Mohamed Ali était l’initiative menée par l’UGTT,  préparée avec l’Ordre des avocats, la Ligue des droits de l’homme et le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes) portant sur un dialogue national “pour faire sortir le pays de la crise politique et économique.
C’était le point de non-retour dans la relation de deux “grandes forces” du pays. Pour les responsables de l’UGTT, il n’est plus question que l’organisation de Farhat Hached, l’un des principaux militants politiques ayant mené le combat contre le colonisateur français, soit exclue de la scène politique. Il serait ainsi inconcevable que le membre du quartet Nobel de la paix, pour son rôle dans le dialogue social ayant épargné le pays la dérive, soit écarté ou encore maté.
Ainsi le fossé se creuse de plus en plus entre un président qui veut faire la pluie et le beau temps et un syndicat qui s’est vu, après la Révolution du 14 janvier, prendre d’autres dimensions pour devenir l’un des acteurs clé de la scène politique.
Les “clashs” entre les deux parties n’ont pas manqué. La décision des autorités tunisiennes de sommer la Secrétaire générale de la confédération des syndicats européens (CSE), Ester Lynch, de quitter la Tunisie dans un délai ne dépassant pas les 24h, après sa participation, le 19 février 2023, à un rassemblement syndical en signe de soutien, d’appui et de solidarité à la centrale ouvrière, était le vrai exercice devant l’UGTT pour délimiter son territoire.
Bien qu’ayant rejeté les accusations d’ingérence contre Esther Lynch, l’UGTT n’a pas manqué sa colère contre  “les manœuvres dont le but est d’inciter l’opinion publique contre l’UGTT et de mettre en doute sa crédibilité”.
Le ver est désormais dans le fruit. Avec les arrestations orchestrées contre de nombreux dirigeants syndicaux, la rupture est consommée entre les deux parties. La dernière en date est celle du Secrétaire général adjoint chargé du secteur privé, Tahar Mezzi, sur fond d’une plainte déposée en rapport avec la mise en disponibilité syndicale.

Pour le bureau exécutif, réuni le 29 février, sous la présidence de Noureddine Taboubi,  cette arrestation s’inscrit dans le cadre “d’une série des procès injustes qui visent un nombre de syndicalistes” dont Anis Kaabi, Sanki Assoudi et bien d’autres qui font l’objet de plusieurs poursuites judiciaires.
Ce rassemblement du 2 mars que l’UGTT, un moteur de la révolution du 14 janvier, organise sera déterminant dans les rapports entre le pouvoir et la Centrale syndicale dans la mesure où seule une mobilisation massive lui permettra de préserver son rôle d’une force d’équilibre qu’elle a toujours joué. Le cas échéant, des jours difficiles attendent cette organisation qui perd de jour en jour sa popularité et sa notoriété.

Related posts

Charles-Nicolle : première kératoplastie endothéliale ultra-mince en Tunisie

Affaire du complot : Qui sont les accusés en fuite ?

Une opération sécuritaire inédite : Saisie de plus d’un million de comprimés d’ecstasy (Vidéo)