Ianoukovitch, quant à lui, a déclaré ne pas être en fuite et qu’il a « l’intention de se battre pour l’avenir de l’Ukraine ». Alors que des hommes armés prenaient d’assaut le parlement de Crimée, la présidence ukrainienne a dénoncé une « invasion armée » de cette région. Blindés, camions de transports de troupes aux couleurs russes ont été identifiés entre Sebastopol et Simferopol. Pour Kiev, la menace est réelle. Le nouveau président ukrainien accuse : «La Russie a envoyé des troupes en Crimée et s’est non seulement emparé du Parlement et du gouvernement de Crimée mais cherche aussi à prendre le contrôle des moyens de communications. Elle doit arrêter immédiatement cette provocation et rappeler ses militaires [débarqués] en Crimée ». Quant au commandant en chef de la marine ukrainienne Berezovski, il a déclaré : «je prête allégeance aux habitants de la république autonome de Crimée (…). Je jure d’obéir aux ordres du commandant suprême de la république autonome de Crimée», deux jours après avoir été nommé amiral par le président par intérim Tourchinov. Samedi, le Sénat russe a approuvé la demande d’intervention militaire de l’Ukraine par Vladimir Poutine.
La foule a battu le pavé dimanche. Près de cinquante mille manifestants sont descendus sur la place Maiden pour crier des slogans anti-guerre, hostiles au pouvoir russe et à Poutine. Côté Crimée, l’hostilité se tourne vers le nouveau gouvernement qui, aux yeux des pro-russes, apparaît comme illégitime. En effet, la péninsule de Crimée est composée d’une population d’origine russe à 60%. De fait, les sources d’informations sont principalement les médias russes, qui dressent un tableau très alarmiste à propos de la sécurité des populations civiles de la région. Quant à la communauté Tatar musulmane, elle est présente sur le territoire depuis le 13e siècle, et compose 12% des habitants de Crimée. Ceux là se rangent du côté des pro-européens. Les blessures laissées par les déportations vers les camps de Sibérie par Staline sont encore profondes et rejaillissent aujourd’hui. Ainsi, ce que craignent pro-européens et occidentaux c’est de revoir le scénario géorgien de 2008 se reproduire, lorsque Moscou avait soutenu militairement les républiques autoproclamées d’Ossétie du sud et d’Abkhazie.
Après les démonstrations de force de la Russie de ce week-end, de nombreux chefs d’États et diplomates ont enchaîné les déclarations. «Nous appelons les parties à s’abstenir d’actions susceptibles d’alimenter les tensions et de porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine» déclarait Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères français. Et son homologue anglais de rajouter «Nous sommes très inquiets de la situation». Les dirigeants de sept pays membres du G8 (G7 + Russie) ont ainsi condamné la « claire violation » de la souveraineté de l’Ukraine par Moscou et annoncé la suspension de leurs préparatifs en vue du sommet du groupe à Sotchi (Russie) en juin. C’est Angela Merkel qui propose la création d’un « groupe de contact » pour étudier une possibilité de sortie de crise. Ce groupe comprendrait l’ONU, l’UE, l’Ukraine et la Russie qui devraient se réunir pour éviter une aggravation de la situation actuelle et de poser à nouveau sur la table des négociations, entre autres, la question du gaz.
L’heure est elle à la diplomatie ? Rien n’est moins sûr. Lundi 3 mars, l’OTAN a demandé le déploiement d’observateurs internationaux par la voix de son Secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen. «Nous appelons les deux parties à rechercher immédiatement une solution pacifique par le dialogue, et le déploiement d’observateurs internationaux, sous les auspices du Conseil de sécurité des Nations unies ou de l’OSCE» (Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe). Pour le moment, face à une Russie offensive, Kiev semble choisir la prudence.
Marieau Palacio