Un accord fragile réalisé au forceps

Depuis le déclenchement du soulèvement démocratique du 14 janvier 2011, le secteur énergétique n’a pas manqué de susciter de multiples contestations juridiques, troubles sociaux et populaires, revendications salariales et exigences de recrutement de complaisance. Même la légitimité des concessions accordées a souvent été dénoncée, outre les suspicions de corruption et les soupçons qui rodent autour des contrats et les doutes mettant en cause la sincérité des volumes et des quantités de gaz et de pétrole extraits du sous-sol tunisien.
Il faut dire que dans l’imaginaire collectif arabo-musulman, prononcer le mot pétrole évoque tout de suite un déferlement chimérique de richesses qui éclabousserait une bonne partie de la population.
D’où le déchaînement des convoitises de la population des régions défavorisées, où le taux de chômage est élevé, et où il n’y a pas de ressources naturelles autres que l’énergie.
C’est aussi l’effondrement de l’autorité et la perte de la souveraineté de l’Etat depuis 2011 qui ont poussé les contestataires à imposer la fermeture des vannes qui permettent l’exploitation du pétrole et du gaz.
Pourtant, ces zones de Kebili : Douz, El Faouar et Kalaa ont été déclarées zones militaires, donc inviolables en principe et mises sous bonne garde sécuritaire. Mais c’est la crainte d’un affrontement sanglant avec les protestataires qui a engendré le laxisme des responsables politiques.
Il faut reconnaître que l’Etat, depuis plus d’un demi-siècle a été plus que défaillant en matière d’investissements relatifs à l’infrastructure de base dans le Sud et l’extrême Sud tunisien. Ni l’Etat, ni les investisseurs privés n’ont créé des projets de développement dans ces régions déshéritées, ni créé de l’emploi.
L’Etat s’est contenté d’exploiter les richesses du sous-sol sans améliorer de façon sensible les services socio-collectifs destinés à la population.
Pire, depuis le soulèvement du 14 janvier 2011, tous les espoirs légitimes et les promesses faites par les différents gouvernements relatifs au développement régional n’ont pas été tenues.
Le drame énergétique que connaît notre pays avec un grave approfondissement du déficit extérieur depuis plusieurs années a failli se transformer en un véritable boycott de toute exploitation de pétrole et de gaz par la volonté farouche des protestataires, soutenus par des politiques de l’opposition sur une toile de fond tribale et régionaliste.
Le diagnostic du différentiel de la production est sans appel, il est significatif d’une disparition progressive de toute production énergétique et par conséquent d’une dramatisation de la crise socio-économique.
En effet, en 2010, notre pays produisait 110.000 barils de pétrole brut par jour. Cette production a chuté en 2016 à 48.000 barils par jour, en raison des multiples perturbations sociales menées par les chercheurs d’emplois dans les zones de production qui ont découragé les compagnies pétrolières à continuer à investir et les ont incitées à quitter le pays et à abandonner leurs concessions.
En 2017, la production s’est effondrée à 22.000 barils par jour alors que nous consommons 90.000 barils par jour, d’où l’inflation des importations en devises.
Les compagnies pétrolières actives dans les régions de Tataouine, victimes de la fermeture des vannes depuis plus de trois mois à cause du sit-in d’El Kamour ainsi que celles victimes de la fermeture des vannes d’El Faouar et Douz à Kibili s’apprêtaient à plier bagage et à licencier leur personnel. Le spectre du chômage plane encore plus sur la région. C’est alors que l’UGTT s’alarme et décide d’intervenir avec tout son poids.
En effet, les négociations entre le gouvernement et les sitinneurs, après avoir abouti à un accord sur les exigences les plus sévères des protestataires soit 214 points, ont présenté des demandes complémentaires et des ajustements nouveaux.
Mais aussi, ils ont demandé à négocier directement avec les compagnies pétrolières et l’emploi de tous les chômeurs de la région pour les sitinneurs de Kébili. Mission impossible.
Il y a incontestablement un comportement de refus de tout accord et de tout compromis de la part des protestataires de Kébili, une tentative de mise en échec vis-à-vis des efforts du gouvernement pour trouver une solution à l’amiable à la crise qui perdure depuis trois mois, en imposant des conditions impossibles à réaliser par les responsables du pouvoir exécutif.
Le patron d’OMV (Autriche) principal investisseur pétrolier et gazier d’Europe centrale, titulaire de la concession de gaz de Nawara qui a contracté en partenariat avec l’ETAP un important crédit auprès de la BEI pour la construction du gazoduc Tataouine-Gabès, alarmé par le blocage des travaux depuis trois mois, est venu rencontrer le Chef du gouvernement pour lui demander de débloquer la situation. C’est dire que la production énergétique est menacée dans le pays.
Heureusement qu’un accord est finalement intervenu pour toutes les régions concernées le 27 août, encore faut-il qu’il soit appliqué à la date prévue soit le 15 septembre.
Mais les signataires tiendront-ils le coup et respecteront-ils leurs engagements, car il s’agit de recrutement allant au-delà de 1500 outre les investissements prévus qui dépassent 80 MD.                                 

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