Un autre regard: La démocratie et la crise de confiance (2)

La seconde question concerne l’évolution de la question de la confiance et ses expressions pratiques. A ce propos, l’ensemble des études indique que si la question de la confiance n’est pas nouvelle et qu’elle existe depuis des périodes très anciennes, elle a connu des évolutions importantes à travers l’histoire. Ainsi, dans les sociétés traditionnelles, la confiance était fortement liée à la sphère privée et aux relations familiales et communautaires. La confiance avait alors un aspect personnel lié aux relations directes entre les individus dans le cadre familial ou tribal.
Mais, les sociétés modernes ont connu une évolution importante et des transformations majeures de la notion de confiance qui va progressivement quitter l’espace privé pour passer à l’espace public. Elle va ainsi abandonner son aspect personnel pour s’inscrire dans les institutions modernes, dans les sociétés démocratiques. Ainsi, au niveau politique, la confiance sera inscrite dans les institutions démocratiques qui vont devenir la cadre fédérateur des rapports sociaux. Ces institutions vont mettre en place les règles et les lois qui vont assurer le bon fonctionnement des régimes démocratiques et renforcer la confiance des individus et leur légitimité ainsi que leur indépendance par rapport aux intérêts privés et des groupes d’influence et des lobbys.
L’évolution des expressions modernes de la confiance ne se limitera pas aux aspects politiques, mais touchera d’autres aspects de la vie sociale comme la justice, la santé, l’éducation, l’économie, le monde des affaires, la défense ou la culture. Chaque domaine de la vie sociale va construire les institutions nécessaires à la construction des mécanismes et des règles capables d’assurer son bon fonctionnement.
Les sociétés démocratiques se différencient largement des régimes autoritaires dans la place de la confiance et ses modes de fonctionnement. Ainsi, dans les régimes autoritaires l’espace public est fortement limité et se caractérise par une forte domination des pouvoirs. La liberté des individus va alors se limiter à l’espace privé. La spécificité de ces sociétés réside alors dans la faiblesse de la confiance et l’impuissance des institutions devant la domination des pouvoirs. Cette situation explique largement la crise de confiance dans ces sociétés à leur sortie de l’autoritarisme et dans les premiers pas de la transition démocratique.
Mais, la crise de confiance aujourd’hui n’est pas propre aux régimes autoritaires, mais elle est devenue un phénomène global qui sévit dans tous les pays démocratiques. Cette crise se manifeste à travers différentes expressions. Plusieurs sondages d’opinion indiquent ce recul sans précédent de la confiance dans les institutions démocratiques. Ces sondages soulignent également la détérioration de la confiance dans la justice. Même les organisations sociales comme les syndicats n’ont pas échappé à cette crise de confiance. De même, les relations sociales entre les individus ont connu ce recul dans les rapports de confiance.
L’ensemble de ces expressions est significatif de la détérioration de la confiance dans les institutions démocratiques et dans les rapports entre les individus. Cette crise de confiance va contribuer à la montée des forces populistes qui vont mettre l’accent sur la trahison des élites et la rupture du pacte de confiance avec les peuples.
Elle a été à l’origine de quelques tentatives et expériences de réforme afin de rétablir de nouveaux rapports avec les citoyens. Parmi ces expériences, on mentionnera la question du droit de veto que certains régimes démocratiques accordent à leurs citoyens pour s’opposer à l’application de certaines législations. Ainsi, en Suisse et en Italie, le système politique accorde aux citoyens la possibilité d’organiser un référendum populaire pour arrêter l’application d’une loi s’ils parviennent à réunir une pétition rassemblant 1% des électeurs.
On peut également mentionner d’autres expériences comme l’initiative « Recall of MPs act », appliquée aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, qui donne la possibilité de démettre des élus s’ils ont été condamnés pour des affaires de corruption ou de mœurs.
Il existe d’autres expériences comme celle en France et la décision prise en 2013 après l’affaire de l’ancien ministre des Finances, Jérôme Cahuzac, condamné pour fraude fiscale, de mettre sur pied une Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Cette nouvelle institution accorde le droit à tous les citoyens de vérifier le conflit d’intérêt pour toutes les personnes publiques.
L’ensemble de ces réformes cherché à renforcer les institutions démocratiques et à sortir de la crise de confiance que vit l’ensemble des sociétés démocratiques. Mais, ces réformes et ces expériences, en dépit de leur importance, ne seront pas en mesure de rétablir la confiance en l’absence d’un nouveau projet et d’un nouveau contrat politique capables de créer une espérance nouvelle et redonner confiance dans la capacité de l’homme à changer le monde. n       

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