Un brin d’espoir dans la grisaille

L’attribution, le 9 octobre dernier, pour la première fois dans l’histoire de la Tunisie du prix Nobel de la paix pour 2015 au quartet qui a piloté le dialogue national (UTICA, UGTT, LTDH, Ordre des avocats tunisiens) au cours de la période la plus délicate que la Tunisie ait connue est un signe d’espoir qui nous fait sortir momentanément de la grisaille dominante et du scepticisme omniprésent.
“Vivre sans espoir, c’est cesser de vivre”, disait Fiodor Dostoïevski. Pour les Tunisiens, qui ont enduré de longues années de braise, de peur, de désespoir et de déceptions, ce signal vaut son pesant d’or et vient à bon escient leur donner des arguments pour garder un bon moral.
Il faut se féliciter de cette reconnaissance mondiale, quoique un peu tardive, de la  « contribution décisive du quartet dans la construction d’une démocratie pluraliste après la Révolution du jasmin de 2011 » et de la portée d’un processus atypique initié par les organisations de la société civile pour éviter au pays bien de tourments, de périls et de convulsions douloureuses, tout en favorisant l’éclosion d’une démocratie, dans cette région sujette à de fortes turbulences, est un motif de satisfaction, d’orgueil même.
Elle vient à point nommé détendre, un tant soit peu, une atmosphère lourde et tendue par les surenchères et les calculs politiques étriqués, les revendications sociales à n’en plus finir et les menaces terroristes récurrentes. Hasard des circonstances, l’annonce a été faite au lendemain d’une attaque terroriste, à nouveau à Sousse, qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses, rappelant, plus que jamais, l’urgence de ressusciter cette union sacrée scellée entre acteurs politiques et organisations de la société civile qui a permis à cette expérience, unique dans la région, de ne pas s’arrêter à mi-chemin et que les dissensions actuelles entre acteurs politiques et sociaux, ne finissent par enfanter un nouveau monstre.
Au-delà de l’hommage et de la reconnaissance du monde à un processus hors pair et à des acteurs qui se sont investis à fond pour la bonne cause, la gravité de la situation actuelle et les aléas de la conjoncture imposent de réinventer un nouveau consensus, une autre forme de compromis entre les forces politiques et sociales. Il faut bâtir sur une expérience aboutie à l’instar de celle de 2013, qui a pu sauver le pays des affres de la division, de l’anarchie en concevant un consensus pour une transition économique et sociale réussie. Le quartet (UGTT, UTICA, LTDH, Ordre des avocats tunisiens) qui a recueilli la reconnaissance de la communauté internationale, est aujourd’hui investi d’une responsabilité aussi grave qu’historique.
Il lui incombera de redonner vie à cette dynamique qui a pris forme grâce à un dialogue franc, pluriel, serein et responsable qui a mis un terme à quatre années de souffrances, de flou et d’incertitudes en s’attelant à la tâche dans un esprit de consensus et de concorde, pour parachever le processus de transition économique et sociale. Un processus, il est vrai compliqué, ne pouvant réussir qu’en transcendant les calculs étriqués, le jeu électoraliste, les considérations partisanes et en mettant en avant l’intérêt du pays, sa sécurité, son unité et son développement.
Réinventer un compromis social, exige que toutes les parties agissent de concert, acceptent de faire des sacrifices, à opter pour des choix difficiles pour que la Tunisie retrouve les chemins de la croissance, du développement inclusif, de la paix sociale et de la sécurité.
Cela suppose de réhabiliter le dialogue et lui redonner tout son sens, toute sa dimension et toute sa valeur. Un dialogue qui doit bannir tout diktat, toute manipulation et toute volonté d’hégémonie.
L’espoir est permis, il suffit d’y croire.

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