Un circuit khroumi

Par Alix Martin

Si vous êtes à Tabarka, en quelque moment de l’année que ce soit, même en hiver, ne vous enfermez pas dans un hôtel ! Allez parcourir cette région singulière où se rencontrent la mer et la montagne. La Khroumirie est une terre pétrie d’histoire : jadis les fauves y rugissaient quand la Kahena, fuyant les Arabes, l’incendiait. Naguère, elle était le sanctuaire des combattants tunisiens, puis algériens, luttant contre les troupes coloniales. Elle est le dernier vestige d’une « Numidie chevelue » que craignaient les légions romaines.

Vers les crêtes

Dès que vous avez franchi le seuil de votre hôtel, vous êtes tentés : une promenade en bateau à la Galite, une baignade sur de grandes plages de sable, une partie sur un immense golfe à 18 trous, une cueillette de délicieux champignons en automne, une montée vers Majen Roumi pour tirer des bécasses en hiver. Choisissez.

Allez, venez, aujourd’hui, faire un grand « tour » en Khroumirie. Nous partirons vers l’est et nous ne nous laisserons pas attirer par les magnifiques plages de sable de Berkoukech, de Ras Rajel ni même celle de la Jabara, à la hauteur du village d’Aïn Sobaa.

Peut-être irons-nous faire un petit tour dans la réserve voisine du Jebel Khroufa. Il y reste (restait ?) quelques magnifiques « poneys » des Mogod : de petits chevaux, remarquables par leur rusticité, leur docilité et la sûreté de leur pied en montagne. Ils ne sont plus à la mode comme cheval d’extérieur. Quel dommage !

Puis, nous tournerons à droite pour emprunter, presque en face de l’aéroport, une petite route de montagne qui nous mènera à Aïn Snoussi.

A part les jours de grosses pluies, elle conduit agréablement au cœur d’une Khroumirie à découvrir, « sans modération ». Très vite, elle est bordée de majestueuses forêts de chênes-lièges et de chênes zéens. Toute l’année, les cris rauques d’un geai-des-chênes, aux ailes teintées de bleu et le martellement d’un « pic de Levaillant », au plumage bariolé, frappant un tronc de son bec, surprennent dans ces bois silencieux et parfumés par les bruyères, les myrtes, les lavandes, les arbousiers et les clématites sauvages.

Tous les soirs, retentissent les glapissements aigus des chacals partant en chasse. En automne, le brame puissant des cerfs de Barbarie, endémiques, résonnent et éveillent les échos.

Le sol souple des sous-bois, tapissé de feuilles mortes, qui masquent des ruisselets limpides, clapotant sous la mousse, invite à la promenade. Le randonneur, enveloppé d’une immense cape fraîche de verdure, fera voler ici la flèche turquoise d’un « Martin pêcheur », là, une « fleur ailée » : un papillon « flambé », plus loin, un « pinson des arbres » aux ailes teintées de noir, de blanc et de rouge. Le murmure des feuillages, bercés par la brise, fournit un « fond » aux roucoulements des « palombes » : les pigeons ramiers à la gorge bleue qui rythment le pas du promeneur et l’invitent à aller plus loin.

Cette route de montagne, longe, parfois, de profonds ravins où coule un filet d’eau claire bordé de bouquets de lauriers tout roses. Elle traverse un ou deux hameaux, accrochés à la pente et cernés par les bois. Au hasard d’une trouée, on distingue d’autres monts : le majestueux Jebel Guessaa dont le sommet dépasse les 2000 mètres d’altitude. Aucune piste n’y monte.

Puis, après une série de lacets, on arrive sur une « esplanade » où sont érigés trois marabouts et une petite école moderne. Ce lieu est singulier depuis bien longtemps, puisque derrière l’école, en plus des trois mausolées rassemblés là, se dresse la « R’cheda touila » : la pierre haute ! C’est un des très rares exemples d’un culte antique voué aux « pierres dressées » pour ne pas dire « menhir », comme en Europe. Elle est encore l’objet d’une vénération puisque parfois des bougies et des pièces de monnaie sont déposées à ses pieds ! Quelques kilomètres plus loin, on débouche, au hameau d’Aïn Snoussi, sur la « route des Chinois » joignant Béja à Aïn Draham.

La route des crêtes

On peut tourner à gauche et gagner par une toute petite route en lacets, le village de Kef El Blida, son groupe de tombeaux berbères : haouanet dont l’un est orné d’une peinture pariétale unique au monde.

On peut aussi tourner à droite vers Aïn Draham. A quelques kilomètres, avant d’arriver au « marché » montagnard de « Souk Essebt », où l’hiver, les chasseurs attendent les bécasses à la passée, on s’arrête à gauche de la route, sur un terre-plein couvert de gravillons où débouche une piste. Elle conduit, 500 à 600 mètres plus bas, à un lieu-dit appelé Zouaïniya. Sur le chemin, des paysans vous y conduiront. Vous découvrirez toute une falaise creusée de 4 rangs superposés de tombeaux rupestres curieux. Ils sont presque tous dotés d’une deuxième chambre sépulcrale plus petite, creusée, souvent, sur le côté de la chambre principale.

Mais la matinée s’est écoulée très vite et un bon repas à Aïn Draham est accueilli avec plaisir. Ensuite, on peut aller vers Béni Metir, son village curieux aux maisons « européennes », son énorme barrage et son lac de retenue dont l’eau douce est la seule capable de « dessaler » celle qui est bue dans les villes du littoral. Il paraît qu’on y construit un centre « thermal » sur la petite source qui naguère engendrait un hammam rural très fréquenté. Tout autour, au printemps, fleurissent au pied des grandes fougères royales, de superbes orchidées violettes : les limodores et en automne, de délicieux champignons. En hiver, les chasseurs viennent y traquer les sangliers et chasser les bécasses.

Puis, on descendra vers Fernana. Le grand chêne de la légende qui a donné son nom au village n’existe plus. Dommage ! Nous emprunterons donc la route, assez récente qui mène au grand barrage sur l’Oued Berbera. Comme les autres lacs de retenue, tels que celui de Béni Metir et du Bou Herthma, celui-ci devrait être empoissonné. On pourrait y mettre, en plus de poissons herbivores tels que la carpe, le gardon ou le rotengle, des poissons carnassiers tels que le sandre et le black Bass américain, de la famille des perches. Presque partout ces tentatives d’empoissonnement ont bien réussi. Les poissons fournissent un apport de protéines intéressant aux populations locales qu’il est difficile d’approvisionner en poissons à partir de la côte.

Parfois, un grand « aigle botté », aux ailes bordées de noir ou un aigle de Bonelli au plumage plus clair décrivent des orbes dans le ciel au-dessus des forêts ou des maquis dont ils ne s’éloignent pas.

Ensuite, après avoir longé les falaises du Jebel Adissa, on arrive à Hammam Bourguiba, à point nommé. A ce moment, de l’après-midi, un café, un thé, un apéritif ou un verre d’eau fraîche sont les bienvenus.

Chaque fois qu’on y passe, on se promet de revenir y séjourner tant l’hôtel, le cadre et le service y sont agréables. On s’est proposé, bien des fois, de venir bénéficier des soins prodigués à la station thermale ! Une autre fois !

Maintenant, il est temps de rejoindre le village de Babbouch et puis Tabarka. A Tabarka, il y a bien d’autres choses à faire que de rester à l’hôtel ou de « lézarder » sur la plage. Par exemple, on pourrait partir vers l’ouest : vers Melloula ou Aïn Baccouch ou remonter, en face de la faïencerie, vers Majen Roumi et, par de grandes pistes forestières, aller jusqu’à la tourbière de Dar Fatma et Aïn Draham.

Histoire, mer, montagne et forêt se mêlent en Khroumirie pour vous y accueillir.

 

A.M.

 

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