Un comité de l’ONU épingle le Vatican sur le dossier de la pédophilie

Habitué des scandales de pédophilie, le Vatican fait à nouveau la Une des rubriques internationales. Le comité de défense des droits de l’enfant des Nations Unies a rendu un rapport qui dénonce la passivité du Saint-Siège face aux plaintes à répétitions de victimes, et le somme de « retirer immédiatement» tout membre du clergé soupçonné de pédophilie. Bien que ces quatre dernières années ont marqué un tournant dans la politique papale sur ces questions, les réactions du Vatican suite à la publication de ce rapport ont été vives.

C'est aux États-Unis dans les années 80 que les premiers scandales d’abus sexuels sur mineurs commis par des prêtres et religieux éclatent. Les premières associations de victimes sont créées et récoltent de nombreux témoignages, y compris datant des années 40 et 50. Ces organisations vont peu à peu interpeller à la fois la justice d’État et le Vatican. À Saint Pierre, ces révélations au grand public sont accueillies favorablement. Des commissions d’étude sont créées, puis des décisions sont prises. C’est le Pape Joseph Ratzinger qui, dans une lettre pastorale de mars 2010, sera le premier à s’exprimer. En cause, une plainte collective déposée par des milliers de victimes dans la très catholique Irlande. Le pape se dit « scandalisé et blessé » par les actes de ces prêtres et affirme « la honte et les remords » de toute l’Église.

En 2011, une circulaire est éditée ordonnant le déferrement devant la Justice des membres du clergé soupçonnés. Mais il y a ambigüité. Cette circulaire incite effectivement les évêques à mettre au point des « procédures claires et coordonnées », sans pour autant mentionner de sanctions si ces mêmes évêques ne s’y soumettent pas. Régime du secret ou conflit à la curie romaine ? Les avancées sont là mais restent insuffisantes pour les victimes.

Les avocats de l’association NSAP (network survivors abused by priests) déposent une plainte auprès de la cour pénale internationale contre le pape et de hauts responsables de l’Eglise catholique pour crime contre l’humanité. Un dossier de 20.000 pages récapitulent les accusations contre le Vatican. Mais le Vatican n’est pas signataire du traité de Rome qui a permis la mise en œuvre de la CPI et ce dossier est toujours en cours. En revanche, le Vatican a adhéré en 1990 au comité de défense du droit de l’enfant de l’ONU qui a pour charge de superviser l’application de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant auprès des états signataires.

Mercredi 5 février, pour la première fois, un rapport fustigeant le Saint-Siège a été publié par le comité de défense des droits de l’enfant de l’ONU. Ce qu’il dit est très clair, il exige le « renvoi immédiat » de tout ecclésiastique impliqué dans une affaire d’abus sexuel sur mineur.  Il se dit aussi « gravement préoccupé [de voir] que le Saint-Siège n’a pas reconnu l’étendue des crimes commis, [et] n’a pas pris les mesures nécessaires pour faire face à ces affaires de pédophilie pour protéger les enfants ». En outre, c’est l’efficacité des mesures prises antérieurement par le Vatican qui sont pointées du doigt. Le comité incite à la réforme du droit canon par la mise en œuvre de « règles, de mécanismes et de procédures clairs ».

Tribunal des hommes et tribunal de Dieu

Interrogé par Réalités sur la question, Monseigneur Ilario, évêque de Tunis explique : « Il y a le tribunal des hommes et le tribunal de Dieu. L’enquête doit en premier lieu être menée par la Justice de l’Église, nous avons des tribunaux, des avocats. Et ensuite, si les faits sont vérifiés, alors cela peut passer à la justice d’État ».

Ainsi, tout en réaffirmant son engagement « à défendre et à protéger les droits des enfants », un des membres de la délégation du Vatican auprès de l’ONU persiste : « Le suivi des cas individuels est laissé aux églises locales, car c’est là où se trouve le problème ». En effet, le conflit est là. Bien que le Pape François qualifie de « honte de l’Église ces agissements », encore faut-il que la curie romaine s’accorde sur les moyens d’y mettre fin. Et le comité onusien le dit aussi de façon ferme : «  En raison de la « loi du silence » imposée à tous les membres du clergé, sous peine d’excommunication, il a toujours été très difficile de renvoyer des cas d’abus sexuels sur des enfants devant la justice des pays concernés ». 

Monseigneur Ilario tient à rappeler qu’en effet « il y a des prêtres qui se comportent mal, et qui ne sont pas dignes de l’Eglise catholique. Ceux là doivent répondre de leurs actes ». Sur cette affirmation tous sont d’accord. En amenant l’affaire à l’échelle internationale, une nouvelle étape a certainement été franchie. La question des procédures juridiques reste néanmoins posée.

Marieau Palacio

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