Changer au plus vite de politique économique et effectuer de nombreuses réformes afin de sortir de l’économie contre-productive de la rente… Telle est en substance la conclusion du rapport de l’initiative citoyenne Nabni. Intitulé « Cinquantenaire de l’indépendance : enseignements et vision de l’Algérie 2020 », le document, élaboré par une cinquantaine de spécialistes dans différents secteurs, a été remis au gouvernement.
«Aujourd’hui, on est à la croisée des chemins», a estimé Abdelkrim Boudraâ, membre du collectif Nabni. Selon ce dernier, deux scénarios s’offrent à l’Algérie aujourd’hui : le scénario du «pire» — ou du statu quo — ou celui de la «voie de salut» au terme duquel les autorités optent pour un nouveau pacte économique et social. Pour ce faire, une cinquantaine de spécialistes réunis dans le collectif Nabni ont proposé dans un document des mesures à moyen terme sous la forme d’une stratégie à l’horizon 2020. Ce rapport s’articule autour d’une vision dans les secteurs économiques, sociaux, culturels, etc. Et la sentence ne laisse aucune place au doute. En «l’absence d’une coordination entre les politiques publiques et d’une vision globale», l’Algérie risque «le blocage».
Un bilan économique catastrophique
Avant de définir la stratégie, le rapport a tout d’abord dressé le bilan. «L’idée d’une rente perpétuelle, isolant l’Algérie de la compétition mondiale et la protégeant de tous les défis futurs, dont ceux liés au climat, à l’environnement et à la raréfaction des ressources n’est qu’un mirage», note le rapport. Selon les experts, toutes les conditions du naufrage sont réunies. D’abord, le niveau de consommation de l’énergie ne cesse d’évoluer, alors que les exportations d’hydrocarbures enregistrent des baisses. Résultat ? D’ici 2020 l’Algérie, qui pourrait ne plus avoir de réserves de change, serait alors obligée de recourir à l’endettement extérieur pour couvrir ses importations. Le changement doit avoir lieu le plus tôt possible, ont estimé les experts, car «si le statu quo se poursuit, les réserves de changes de l’Algérie seront consommées à l’horizon 2025 et la dette publique pourrait atteindre 80 milliards de dollars à cette date». Par ailleurs, le rapport met l’accent sur l’urgence à effectuer des réformes, car le modèle économique est dans «l’impasse», surtout avec l’échec du pari de diversifier l’économie hors hydrocarbures. La croissance du secteur privé, affirme le rapport, est «insuffisante» pour créer suffisamment d’emplois.
Les recommandations
Mettre fin à l’économie de rente, créer des richesses, rendre le climat des affaires plus attractif, lutter contre l’informel et surtout instituer la gouvernance publique… Voilà les principaux axes proposés par Nabni 2020. Des «chantiers de rupture» que le rapport préconise de toute urgence. Et l’économie n’est pas la seule à être dans la ligne de mire des experts. D’autres gros chantiers de rupture sont présentés par le collectif dans les domaines de l’éducation, de la santé, etc. Ainsi, l’Algérie doit investir une partie de sa rente dans le développement de la recherche et l’innovation et généraliser un accès à la santé de qualité. Autre point à réformer, la gouvernance publique. Il est nécessaire de «restaurer un État de droit, des institutions redevables, mettre en place un État moderne et enfin une société civile plus libre», affirment les experts qui souhaitent que l’Algérie «saura alors profiter de la fenêtre d’opportunités unique que lui offre la rente tirée des hydrocarbures entre 2013 et 2020». En 2012, les membres de Nabni avaient soumis au gouvernement une série de mesures à court terme, mais qui «n’a pas eu un écho considérable». Ils espèrent être entendus cette fois-ci par les autorités.
A.T