Un déficit commercial sans précédent

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La Tunisie a enregistré un déficit commercial sans précédent au cours des cinq premiers mois de 2025, selon les dernières données de l’Institut National de la Statistique (INS).

Par Mohamed Ben Naceur

 Ce déficit, qui s’élève à 8,4 milliards de dinars, reflète les défis persistants du pays en matière d’équilibre des échanges extérieurs et met en lumière les fragilités structurelles de l’économie tunisienne.

Une balance commerciale en dégradation accélérée
Le déficit commercial tunisien a atteint un sommet inédit sur les cinq premiers mois de 2025, s’établissant à 8,4 milliards de dinars, contre 6,4 milliards durant la même période de 2024. C’est une dégradation de 30,5%, une augmentation alarmante qui s’explique principalement par une croissance des importations significativement plus rapide que celle des exportations.
Plusieurs facteurs clés contribuent à cette détérioration :

  1. Forte dépendance énergétique :la Tunisie demeure lourdement tributaire des importations de pétrole et de gaz, qui représentent une part colossale de ses dépenses. Les prix élevés de l’énergie sur les marchés mondiaux ont exacerbé cette vulnérabilité.
  2. Faiblesse structurelle des exportations :les exportations tunisiennes, traditionnellement concentrées sur les produits manufacturés et agroalimentaires, ont enregistré une croissance limitée. Cette stagnation est due à la faiblesse de l’investissement, à la concurrence accrue des pays émergents, à une demande internationale souvent atone, et aux défis structurels internes du secteur exportateur.
  3. Morosité des perspectives économiques : le climat d’incertitude économique continue de peser lourdement sur la confiance des investisseurs étrangers et des partenaires commerciaux, bridant ainsi les opportunités d’expansion pour les exportations tunisiennes.

Les conséquences directes du déficit commercial
Ce déficit commercial record a des implications majeures pour la stabilité économique de la Tunisie :

  1. Aggravation de la balance des paiements :le déficit commercial s’ajoute à d’autres déséquilibres, notamment celui du compte courant, dégradant la situation globale de la balance des paiements et accroissant la vulnérabilité de l’économie aux chocs externes.
  2. Hausse de la dette extérieure : pour financer ce déséquilibre, la Tunisie est contrainte de recourir davantage à l’emprunt international, ce qui contribue directement à l’augmentation de sa dette extérieure. Celle-ci a atteint un niveau jugé très préoccupant par les experts.
  3. Pression sur le dinar tunisien :le déficit commercial exerce une pression constante sur le dinar, qui a connu une dépréciation continue durant les premiers mois de 2025. Cette dépréciation a des effets inflationnistes, exacerbant les difficultés financières des ménages tunisiens.
  4. Érosion des réserves de change :les réserves de change de la Tunisie ont diminué pour atteindre 23,1 milliards de dinars la semaine dernière, soit environ 100 jours d’importation. Cette situation souligne la vulnérabilité de l’économie tunisienne face aux imprévus et aux crises.

Stratégies essentielles pour réduire le déficit commercial
Pour inverser cette tendance et améliorer l’équilibre des échanges extérieurs, plusieurs mesures structurelles et ambitieuses s’imposent :

  1. Diversification et valorisation des exportations : la Tunisie doit impérativement réorienter ses exportations vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée, tels que les technologies de l’information, l’industrie pharmaceutique ou les équipements industriels. Cette diversification est cruciale pour réduire la dépendance aux secteurs traditionnels comme l’agroalimentaire et le textile.
  2. Attraction des investissements directs étrangers (IDE) : une promotion active des IDE dans des secteurs clés (énergie, technologies de pointe, infrastructures) peut stimuler la croissance des exportations et renforcer significativement la compétitivité de l’économie tunisienne.
  3. Accélération de la transition énergétique :développer massivement les énergies renouvelables (solaire, éolien) est fondamental pour réduire la dépendance aux importations d’hydrocarbures. Cette transition non seulement réduirait les coûts d’importation, mais améliorerait aussi structurellement la balance commerciale.
  4. Amélioration de la productivité et de la qualité : les entreprises tunisiennes doivent investir massivement dans la modernisation de leurs processus de production et dans la formation de leur personnel pour améliorer la qualité de leurs produits et se conformer aux normes internationales.
  5. Renforcement des partenariats commerciaux : intensifier les efforts pour consolider les partenariats commerciaux avec les pays voisins, européens et du Moyen-Orient peut ouvrir de nouveaux marchés pour les exportations tunisiennes et réduire la dépendance aux marchés traditionnels.

Au final, le déficit commercial record des cinq premiers mois de 2025 met en lumière les défis structurels profonds auxquels est confrontée l’économie tunisienne. La dépendance énergétique, la faiblesse des exportations et le ralentissement économique sont autant de facteurs qui ont conduit à cette situation préoccupante. Pour surmonter cet écueil, une stratégie globale, audacieuse et bien exécutée est essentielle.
L’engagement inébranlable des autorités, des acteurs économiques et de la société civile sera crucial pour relever ces défis et ouvrir la voie à une croissance économique durable et inclusive. La Tunisie se trouve à un carrefour : les décisions prises dans les mois à venir seront déterminantes pour son avenir commercial et sa résilience économique.

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