Qui l’eût cru ? Quiconque aurait spéculé, il y a seulement quelques semaines, que dans un monde dominé par la logique de grandes puissances, la Cour internationale de justice investirait dans la défense de l’humain contre la pire des injustices, celle qui planifie, exécute et nie le génocide, serait passé au mieux pour un ignare arrogant, au pire pour un antisémite. Elle a dénoncé, même si avec tiédeur, l’impunité et le négationnisme de cette tragédie humaine en imputant la responsabilité à la force d’occupation israélienne qui a décidé, au nom dune domination totale, de se débarrasser d’un peuple palestinien qui n’entre pas dans le moule de l’homogénéité ethnique, religieuse et raciale sioniste. Dans ce cas, le gouvernement israélien extrémiste, est démasqué. Sa guerre équivaut à une volonté caractérisée d’imposer intentionnellement des conditions de vie insupportables pour entraîner la destruction d’une population, soit la définition de l’extermination telle qu’elle est établie par le statut de Rome, portant création de la Cour pénale internationale en 1998 qui, malheureusement, n’a pas encore donné signe de vie ! Le camouflet est cinglant pour Israël et les États-Unis. La Cour internationale de justice reconnaît, malgré tous les moyens de désinformation mis en œuvre par les pouvoirs politiques et médiatiques occidentaux, un risque de génocide à Gaza en estimant qu’il existait des preuves plausibles qu’Israël commettait des actes de génocide contre le peuple palestinien. Un coup fatal porté au crédit de l’Occident atlantiste, à son discours sur les libertés et les droits de l’homme, à sa notion même de droit international. Bref, un désastre stratégique majeur.
Il faut reconnaître que le concept de «génocide» fait l’objet d’un usage négationniste en Occident depuis le déclenchement de la guerre israélienne contre les Palestiniens à Gaza. Il est devenu très facile et politiquement rentable de le nier. Pourtant, ces mêmes pouvoirs occidentaux, désireux de faire tomber le pouvoir islamiste d’Omar Al-Bechir au Soudan, ont qualifié de «génocide» les atrocités commises par les Janjaouides au Darfour en 2004, alors que nombre de juristes avaient relevé que l’élément crucial de l’intention génocidaire semblait manquer.
L’enjeu pour la Cour internationale de justice dans cette affaire était immense. Le système des Nations unies, établi en 1945 à la suite de la défaite de l’Allemagne nazie, est fondé sur les valeurs humaines et la déclaration universelle des droits de l’homme. Cette institution qui fait partie intégrante de ce système, s’y était implicitement référée lorsqu’elle avait appelé la vérité des crimes présentés par l’Afrique du Sud à subvertir le système du mensonge israélo-américain. Car la paix deviendra impossible si on laisse se répandre dans les méandres de la mémoire collective des peuples opprimés le venin de l’impunité. Il est question de respecter le droit international, de se conformer à ses règles pour conserver ce qui reste de la crédibilité de l’actuel ordre mondial. Ainsi, le droit à l’autodéfense ne doit pas devenir un alibi pour commettre des génocides.
Les Occidentaux doivent reconnaître que les évolutions de ces dernières années ont bouleversé le profil de la scène internationale et ils ont mécaniquement affaibli, et parfois neutralisé, leur mainmise sur les institutions internationales.
Ce bouleversement appelle par sa vastitude, une évolution permettant de poser sans délai les conditions d’une paix juste et durable au Moyen-Orient. Pour tout cela, il faut du courage et, comme des millions de Palestiniens et d’autres peuples opprimés, former le vœu ardent que la communauté internationale n’en manque pas.