Le secteur de la presse est en proie à des tensions bien dissimulées, et ce depuis la nomination d’Elyes Gharbi à la tête de l’établissement de la Télévision Tunisienne.
Les réticences concernant ce dossier et selon des sources bien informées, viendraient de la part d’Ennahdha, qui aurait exprimé son refus de voir des partis politiques comme Nidaa Tounes s’approprier le service public. Les mêmes sources ont indiqué que le parti islamiste aurait réclamé sa part du gâteau dans les nominations, notamment pour la présidence de la radio nationale, Al Watanya 1 et 2.
En ce qui concerne Elyes Gharbi à la Télévision Tunisienne, les critiques ont déferlé, par ailleurs, sur l’objectivité de ce choix. L’indépendance de la HAICA a même été remise en question, puisque ses prérogatives lui permettent de donner son avis sur les nominations au sein des médias du secteur public. Et les syndicats dans tout ce brouhaha ? Taxés de copinage, on ne peut que leur reprocher leur manque de réactivité face à une telle ingérence de la politique dans la presse.
On apprend, d’un autre côté, que Noureddine Ben Ticha, conseiller du président de la République, s’est investi corps et âme pour clôturer le dossier des nominations dans les médias publics, notamment en ce qui concerne Shems FM.
Plus étonnant encore, Mehdi Ben Gharbia, ministre chargé des droits de l’Homme et des relations avec la société civile, se serait aussi permis de réclamer sa part du gâteau médiatique. Selon des sources citées par Hakaek Online, ce dernier, main dans la main avec Mofdi Mseddi, conseiller média à la Kasbah, serait en train de préparer la désignation de certains journalistes dans des postes d’envergure, à l’exemple de Sofiene Ben Farhart ou encore Zied Krichen. Le premier a renié cette offre et choisi de demeurer un chevalier de la plume, libre de toute attache partisane.
Peut-on encore parler de liberté de la presse en Tunisie ? En apprenant ce genre de nouvelles, difficile de le faire. Où est la HAICA dans tout cela, cette haute autorité qui se veut indépendante ? Et le SNJT, fervent défenseur des journalistes et d’un journalisme libre ? Leur silence n’a d’égal que leur manque d’efficacité, face à un secteur qui se détériore jour après jour en Tunisie…
Nos dirigeants doivent savoir que la liberté de la presse est responsabilité et indépendance, d’abord de ses maîtres d’œuvre : les journalistes, ensuite des supports qui véhiculent leurs produits.
A quelque poste qu’ils soient, ils doivent comprendre que le service public n’est nullement la propriété des gouvernants ou des partis politiques et qu’il ne peut survivre à un quelconque partage.
Un service public performant est un service qui bénéficie d’une totale autonomie et d’une neutralité à toute épreuve, avec des dirigeants d’entreprises, des conseils et des directeurs de rédaction élus et non désignés pour satisfaire une partie ou se mettre au service de l’autre.
La situation du secteur est, aujourd’hui, à l’image de la situation générale du pays, voire pire. Laissons les gens de la profession choisir les personnes à même de garantir la viabilité des entreprises de presse, fussent-elles confisquées.
Ce gâteau sera difficile à se laisser partager.