Un mandat d’arrêt international à l’encontre de Moncef Marzouki : La descente aux enfers d’un braillard populiste!

«Je me retire ! Qu’est-ce-que je viens foutre  dans cette putain de télévision de merde !» La scène se déroule en hiver 1990 au studio dix de la télévision nationale avenue de la liberté, pendant l’enregistrement de l’émission culturelle «mou’ânasset» (en bonne compagnie) que je présentais. Je viens de lui poser une question qui ne lui a pas plu. Comment celui que l’on croyait à l’époque, chantre supposé de la liberté d’expression a-t-il fini par tomber dans le bas-fond de l’arrogance ? C’était malintentionné, irrévérencieux et furieusement stupide. Je n’ai pas tardé à lui signifier que ses enfantillages ne passeront pas. Devenu président provisoire après plus de trois décennies, il lança : «Je n’ai jamais mis les pieds là où doivent être  les excréments»! Ce n’est pas nouveau, mais ça surprend à chaque fois : ce n’est qu’une refonte actualisée du narcissisme. Même culte de la personnalité, mêmes déclarations comme des allumettes prêtes à flamber, même sentiment d’être le «sauveur» : quand la paranoïa est si dramatique qu’elle fait sourire ! La morale n’aura qu’à patienter un peu, et, après tout, qui s’en plaindra ?  Nos politicards de la dernière décennie font toujours se côtoyer abîmes et bassesses. Moncef Marzouki se définit «chasseur à l’arc», en référence à une formule d’Hérodote : «Tirer de l’arc et dire la vérité». Mais malheureusement, il ne dit jamais la vérité et son plaisir de tirer aveuglément l’emporte grandement sur l’utilité de viser juste ! Ses déclarations sur le plateau d’une chaîne de télévision étrangère ont touché le fond. C’est une provocation que l’on voudrait croire bien calculée. Or elle contient une part de menace qui procède de la terrible mécanique des fluides haineux, donnant raison à l’essayiste français Charles Péguy (1873-1914) lorsqu’il écrit : «Les diatribes des démagogues sont passagères. Mais les ruines sont éternelles». Et voilà, on s’apprête à assister à la descente aux enfers de l’ex-président provisoire : le juge d’instruction au tribunal de première instance de Tunis a émis un mandat d’arrêt international à l’encontre de Moncef Marzouki. Comme l’écrivait la Fontaine à propos de la chute du pot au lait de Perette : «Adieu veau, vache, cochon, couvée». Le semeur des idioties à pleines mains, le lanceur des déclarations pleines d›aigreur, le braillard populiste, le faux modeste qui dissimule une ambition politique dévorante enfin mis à nu. Bien sûr, tout homme politique qui a maille à partir avec la justice a tendance à voir dans sa mise en cause un complot ourdi contre le combat qu’il mène pour les libertés et les Droits de l’Homme. Cette stratégie de défense plus ou moins efficace, repose bien souvent sur des fantasmes qui se nourrissent avant tout d’un passé récent où la justice savait obéir au pouvoir. À ce jeu de défense,  Marzouki excelle. Mais quand même, c’est lui qui risque, une fois de plus, d’y abîmer un peu plus son image. C’est faire preuve, me semble-t-il, d’inconséquence, étant donné le contexte politique dans lequel on se situe, qui est celui d’une pression terrible sur le principe même de l’État de droit. Opposer la liberté d’expression à l’État de droit revient à créer une anarchie, l’anarchie même sur laquelle repose l’impunité. L’apparent respect des règles du jeu démocratique dans les propos de Moncef Marzouki ne saurait cacher la réalité de sa dangereuse dérive anarchiste. Ses attaques contre l’État de droit, qui se manifestent dans un déplacement des limites rhétoriques de l’acceptable n’ont jamais été aussi criardes. La liberté d’expression et l’État de droit : la grande discorde. Une ligne de faille qui devient si vite dans un pays où tant d’enjeux se recoupent, une ligne de front. Le philosophe français Claude Lefort (1924-2010) définissait le droit d’expression comme une «condition nécessaire, quoique non suffisante, qui permet juste que le débat s’opère d’une façon respectueuse de l’égalité des droits de tous». Nous sommes encore très loin !

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana