Le spectre de l’Open sky ne doit pas planer sur notre compagnie aérienne nationale comme une menace pour sa santé commerciale et financière : il doit être perçu, au contraire, comme un accélérateur de son processus de mise à niveau et de relance de son projet de croissance et de redéploiement sur de nouveaux marchés.
L’Open sky ne doit pas non plus être considéré par nos responsables du tourisme, notamment les hôteliers et agents de voyage comme le sauveur de tous les maux, présents et futurs du tourisme.
Il reste à savoir quelles sont les conditions nécessaires et suffisantes de nature à permettre à l’Open sky, de contribuer de façon efficace à la relance du tourisme tunisien qui, déjà depuis les années 2000, battait de l’aile. Comment les différents acteurs du secteur doivent-ils se comporter pour remporter le challenge qui consiste à faire de nouveau du tourisme, un des moteurs de la croissance économique et du développement social du pays.
D’abord c’est quoi l’Open sky ? C’est la dérégulation du transport aérien.
Nous vivons depuis plus de vingt ans la mondialisation de l’économie, même s’il y a encore des velléités de protectionnisme et des poches de fermetures sur soi. C’est pourquoi, nous ne pouvons pas continuer à protéger des “rentes de situation”. Exemple : telle ligne régulière, très fréquentée entre une ville et une autre est réservée à deux compagnies aériennes qui l’exploitent de façon exclusive, en vertu d’un accord conclu entre deux pays. Cela implique des tarifs élevés et juteux, une offre concertée en matière de nombre de sièges, de fréquences et d’horaires plus ou moins contraignants pour la clientèle, dans le but, d’assurer un taux de remplissage maximum des avions pour des raisons de rentabilité financière évidentes.
Les vacanciers de dernières heures sont exclus de la destination-Tunisie, les TO aux moyens limités, n’ont pas accès au marché, les individuels ne peuvent pas venir chez nous, car les vols sont complets pour la haute saison, six mois avant.
L’Open sky met fin à cette situation de blocage en permettant à toutes les compagnies aériennes de desservir toutes les destinations.
La Tunisie, après avoir reporté depuis une dizaine d’année l’Open sky pour protéger les compagnies tunisiennes d’une concurrence déloyale des grandes compagnies internationales qui disposent de gros moyens, ce qui est légitime, vient d’admettre l’Open sky par étape.
La première étape consiste à instaurer l’Open sky pour tous les aéroports tunisiens sauf pour Tunis-Carthage.
Cela permettra de faire fonctionner des aéroports peu actifs (Sfax, Tozeur et Enfidha) ou tout à fait inactifs comme Tabarka.
Dans une deuxième étape, ce sera le tour de Tunis-Carthage, dès que Tunisair aura réalisé son programme de mise à niveau. C’est un compromis raisonnable qui préserve les intérêts de tous les acteurs en la matière.
Tunisair, jalouse de ses intérêts, ce qui est tout à fait légitime, n’a pas totalement rejeté l’Open sky depuis des années, mais a demandé de le reporter en attendant que l’Etat remplisse ses engagements relatifs à la concrétisation du plan de la mise à niveau de compagnie nationale. Allègement des sureffectifs, rationalisation des coûts, rajeunissement de la flotte, amélioration des prestations de service, redéploiement du réseau de desserte sont en cours de réalisation.
L’instauration de l’Open sky est susceptible d’accélérer le processus de restructuration de la compagnie nationale.
Les compagnies low-cost arrivent à faire leurs tarifs et à conquérir des parts de marchés aux compagnies internationales, car les coûts de structures sont réduits au minimum, les taux de remplissage des avions sont proches de 0 à 5%, les réservations se font sur Internet,… Tunisair devrait créer son propre low-cost, à l’image d’Air France avec Transavia.
N’oublions pas que 70% de la clientèle Tunisair sont constitués par des touristes, même si elle perd 50% du marché actuel du tourisme tunisien, elle gagnera en valeur absolue de passagers si le marché connaît, grâce à l’Open sky, une croissance sensible.
Les opérateurs du secteur touristique, notamment les hôteliers et les agents de voyage plaident depuis de longues années en faveur de l’instauration de l’Open sky, car il s’agit d’un élargissement du marché touristique par le développement du nombre de sièges-avions offerts sur la destination Tunisie et la multiplication des opérateurs de transport aérien.
En même temps, il s’agit de battre en brèche, ne serait-ce que partiellement, le quasi-monopole exercé par les tour-opérators qui, certes font du chiffre et prennent des risques, mais imposent leurs conditions et leurs tarifs aux hôteliers.
Il faut dire qu’au bout d’un demi-siècle de tourisme, notre pays n’est même pas arrivé à créer un seul tour-opérator en Europe, susceptible de concurrencer ceux qui règnent sur le marché tunisien sans partage.
Il est vrai que les dessertes, n’étant plus réservées à des transporteurs privilégiés et donc protégés, les tarifs vont baisser de façon significative au profit d’une clientèle plus nombreuse.
En définitive, on peut dire que la perspective d’une entente concordiale entre l’Open sky, le tourisme tunisien et Tunisair, est tout à fait possible à terme, de quoi faire un mariage réussi à trois. Alors, il ne reste plus qu’à publier les bans.
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