Un musée des parfums, enfin !

Par Aïssa Baccouche

Oui, j’ai la faiblesse d’avouer que j’ai plusieurs amours : Jerba ; l’île de mes aïeux, l’Ariana, mon doux cocon natal, Paris, ma conquête de jeunesse et Tunis dont l’enfant du mon village, Sidi Mehrez, devint, il y a mille ans, sultan.

Tunis est une ville singulière et plurielle à la fois.

Singulière de par sa morphologie. Blottie entre trois lagunes – El Bhira, Essijoumi et Sebkhat Ariana, -elle est fixée par trois collines – Sidi Belhassen, Sidi El Gorjani et le Belvédère-.

Ah, si elle était traversée par un fleuve, cette ville aurait supplanté les plus belles villes du monde.

Elle est plurielle en raison de son melting pot.

Comme le martelait l’illustre Mohamed Driss dans sa pièce mémorable « Salut l’instit », tout le monde y fit son nid.

Les numides, les phéniciens, les romains, les vandales, les byzantins et les arabes avec toute leur palette : les koraïchites, les aghlabites, les fatimides, les zirides, les hafsides, les ottomans et les husseinites, sans oublier les andalous, les grecs, les siciliens et les maltais.

Que du beau monde, si on excluait les beni-hilel ces nuées de sauterelles comme les qualifiait notre maître Ibn Khaldoun (1332-1406) dans son « livre des exemples ».

Des sultans, des rois, des émirs, des gouverneurs, des deys, des beys, des visirs se sont relayés à la Casbah, centre névralgique de la capitale pour asseoir leur pouvoir, par essence, volatil.

Car s’il était éternel pour l’un, il ne pouvait guère échouer au suivant.

Dans cette galerie de monarques qui se sont succédé au sommet de cette berberie orientale selon l’expression de Robert Brunschvig (1901-1990) j’avoue avoir une préférence pour celui qui a élevé Tunis au rang de capitale de cette Ifriquia – j’ai nommé Abou Zakaria (1203-1249) fondateur de la dynastie hafside. Cet ancien gouverneur de Séville pétri de bon goût et de bonnes manières, a eu l’idée flamboyante de créer au voisinage de la Grande mosquée Ezzitouna la galerie des parfumeurs – Souk El Attarine. En même temps il édifié à la Kasbah la 3ème mosquée importante de la ville après celle d’El Ksar due aux khorassinides.

Plus tard, l’un de ses descendants Abi Amr Othman (1418-1488) qui a régné pendant plus d’un demi-siècle nous gratifia d’une salle monumentale d’ablution – Midhat Essoltane.

Après avoir initié en 1982 une fête de roses, j’entrepris de créer dans la ville des roses en coopération avec le musée international de Grasse ville jumelée avec l’Ariana un musée de parfums.

A mon corps dépendant, le projet n’a pas abouti. Mais il n’en démordrait pas. J’entrepris depuis quelques années une démarche visant à héberger cette fois-ci le musée dans la Midha abandonnée sur le flanc du souk des parfumeurs mais qui garde de beaux atours.

J’en ai parlé à mon cher ami Si Abdelaziz Doulatli, l’apôtre du patrimoine tunisois et président en exercice de l’association « sites et monuments » créée par notre guide bien-aimé Zakaria Ben Mustapha (1925-2019).

Il en a fait en ma présence la proposition à Mme Raja Ben Slama, conservatrice alors de la Bibliothèque Nationale, propriétaire des céans. La grande dame a tout de suite opiné du chef et du cœur. Elle a vite réclamé et obtenu un préfinancement du projet.

Maintenant qu’elle est revenue à ses chères études il est à espérer que son successeur, un fin lettré, s’attellera à donner corps à cette envoûtante idée. Des effluves, embaumeraient l’espace sultanien dédié à l’origine à la purification des corps et à la quiétude de l’âme. L’on déclamera alors avec Charles Baudelaire (1821-1867) :

« Là tout n’est qu’ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté »

 

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