Un pays au bord de la crise de nerfs !

D’une semaine à l’autre, la panne que vit le pays a tendance à se généraliser, le désenchantement aussi. Comme par magie, il n’y a pratiquement aucun secteur qui n’ait échappé à cette damnation de grèves sauvages. Régions entières, écoles, ministères, certains services publics sensibles comme l’électricité, le transport ferroviaire et la santé, ont été fortement paralysés, des jours durant, par des grèves non annoncées, frustrantes et non justifiées.Par les temps qui courent, la grève devient une arme de premier recours et le moyen le plus efficace pour imposer le fait accompli. La valeur travail, on n’en a cure. Au diable la création de richesses, l’impulsion de la croissance et la promotion de l’emploi.

Face à cette déferlante, ni le gouvernement, ni l’UGTT n’ont été au rendez-vous pour prendre des  décisions courageuses et responsables, capables d’arrêter cette lente et inexorable descente du pays  aux enfers de l’anarchie et du chaos. On a l’impression qu’on s’est résigné à cette fièvre demandeuse que le pays, croulant sous les difficultés, n’est ni en mesure de supporter ni de satisfaire.

L’UGTT, constamment prise au dépourvu par des mouvements sociaux organisés par des structures qu’elle n’arrive plus à contrôler ou à encadrer, a opté pour la fuite en avant. dénonçant du bout des lèvres ces grèves sauvages, qu’elle impute,( sic), à un travail de sape ourdi par des parties étrangères. On pointe du doigt des partis politiques, sans les nommer, qui cherchent à faire tomber le gouvernement et à nuire à l’UGTT et des médias qui font tout pour diaboliser le droit de grève, pourtant garanti par la Constitution.

Certains membres du Bureau exécutif de la centrale syndicale sont allés plus loin encore dans cette logique implacable, estimant que ces mouvements ne sont que des petits dérapages contrôlés, exigeant en retour du gouvernement, d’assumer pleinement ses responsabilités en matière de développement et de protection des intérêts de la classe ouvrière. Répartition des rôles au sein de la centrale ? Cela mérite réflexion.

Dans tout cela, ce qui laisse un sentiment d’aigreur, c’est l’absence de tout discours sérieux propre à mettre un terme à cette spirale infernale et à mettre chaque partie devant ses responsabilités. Alors que le pays est au bord du gouffre et que l’activité est paralysée, on se plait à annoncer le démarrage prochain des négociations salariales pour 2015 dans le secteur public et l’invitation de la centrale patronale de faire de même. On affiche même surprise et circonspection après la décision unilatérale prise par le gouvernement d’appliquer, enfin, la loi au sujet du prélèvement des jours de grève sur les salaires des agents de l’Etat. Ce qui compte le plus pour certains, à l’heure où les Tunisiens sont au bord de la crise de nerfs, c’est de plier l’Etat, il est vrai affaibli et pris dans le tourbillon des problèmes sécuritaires, économiques et sociaux, à leur volonté, à leurs propres exigences. Cela profitera à qui ? Ça mérite également une profonde réflexion.

Pendant ce temps, on daigne ne pas prendre en considération un postulat selon lequel personne ne sortira gagnant de l’entretien de cette grave escalade. On oublie que la Tunisie court de graves risques,  dont les répercussions peuvent être, aussi bien fâcheuses que difficilement réparables. Au rythme où vont les choses, le rang des pauvres ne pourra que se renforcer davantage par la destruction de l’emploi et des entreprises, les revendications excessives et la baisse de la production. L’ultimatum adressé ces derniers jours par le Fonds monétaire international au gouvernement tunisien pour finaliser les réformes et les engagements pris dans un délai de sept mois, laisse pantois. Il est lourd de conséquences et constitue, en même temps, un signal d’une gravité sans précédent. Voir le pays subir, pour la première fois de son histoire, le diktat de cette institution financière, n’est nullement réjouissant. Il est, néanmoins, une résultante directe d’une gestion calamiteuse des affaires de la Tunisie post révolution. Aujourd’hui, avec un niveau de croissance au cours du premier trimestre au plus bas, qui ne permet même pas de rembourser la dette publique, un investissement qui ne décolle pas et des secteurs d’activités stratégiques sinistrés, le pays est en train d’hypothéquer son avenir. Il avance chaque jour un peu plus vers le scénario grec, à une différence près, la Tunisie ne trouvera pas derrière elle un ensemble régional puissant comme l’Union européenne pour venir à son secours et l’épargner, le cas échéant, de la banqueroute.

C’est cette réalité amère qu’on a omis de regarder en face depuis plus de quatre ans, et qu’on n’a pas su lui trouver des réponses, aussi convaincantes que mobilisatrices. Il est vrai qu’en se livrant à une guerre de tous contre tous, les Tunisiens se sont trouvés en panne d’idées, de projets et de personnes capables de les épargner de la désillusion et du risque de tout perdre.

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