Si au niveau social, on se laisse encore entraîner dans une drôle de galère et au niveau économique c’est un peu la misère, sur le plan politique, le paysage qui domine, quatre mois après les élections législatives et présidentielle, pousse à de lancinants questionnements.
Hormis la chasse aux sujets qui fâchent, façon de provoquer des polémiques gratuites à propos de questions de second ordre, aucun débat de fond ne retient l’attention. A défaut d’arguments convaincants, de capacité d’encadrement et d’influence du public, les acteurs politiques ont trouvé l’astuce pour combler, ne serait-ce que momentanément, ce vide. Les plateaux de télévisions et les débats dans les différentes radios leur offrent un bon moyen pour nous donner une image édifiante, sur leur capacité à entretenir des polémiques stériles et d’étaler leurs divergences et différences d’appréciation sur tout ou presque.
Sur l’organisation de la vie politique, l’économie, la lutte contre le terrorisme, l’emploi, le développement des régions intérieures, les questions de santé, ils font preuve d’une expertise insolente. Pour meubler nos soirées et nous tenir en haleine par leur esprit de contradiction, ils répondent toujours présent aux sollicitations des médias.
Avec le temps, ils ont pris conscience de l’influence des médias dans la construction d’une image et dans le conditionnement des foules, mais ils ont tendance à les utiliser sans modération.
S’il est vrai que de nombreux hommes politiques, particulièrement ceux éprouvés par les résultats des urnes, ont depuis préféré s’éclipser, façon de se remettre en question, de revoir leur stratégie afin de mieux rebondir, d’autres font, plutôt grise mine tout en continuant à faire de l’agitation. Un autre groupe, enfin, a entamé, à coup de déclarations tapageuses, des opérations de regroupement pour que le jour venu, il ne subira plus de nouveaux revers. Néanmoins, tous partagent une dure réalité ; leur quasi rupture avec leurs bases.
Résultat : les différentes formations politiques, représentées ou non à l’ARP (assemblée des représentants du peuple), sont presque aux abonnés absents. A l’exception du mouvement Ennahdha, qui garde un semblant d’unité et de cohérence au niveau de son activité et voit même certaines de ses figures rebelles revenir à son giron, les autres partis ont un quotidien ponctué de divisions et de luttes intestines de plus en plus visibles.
La crise qui secoue actuellement, le parti « Nidaa Tounes », est tout à fait symptomatique. Cette guerre fratricide qui a éclaté en son sein, après sa réussite dans les élections, pour le partage des postes de responsabilité dans le gouvernement et l’Administration, ne semble pas vouloir s’arrêter de sitôt. Les dissensions et les luttes entre les cadres de ce parti, laissent supposer que le pire est à venir.
Le mouvement Ettakatol, grand perdant des dernières élections, n’a pas encore retrouvé ses repères. Sa défaite cuisante a laissé des blessures qu’il sera difficile de cicatriser. La vague de démissions enregistrée dans ses instances dirigeantes, risque de lui porter un coup fatal, voire de l’ébranler durablement. Le parti Joumhouri, de Néjib Chebbi, affiche une absence inexpliquée de la scène politique. Comment va-t-il se remettre au travail, se réorganiser et revoir ses méthodes d’action ? Rien ne permet actuellement d’avancer des hypothèses crédibles à ce sujet.
Le CPR, n’est pas mieux loti, non plus. Outre le récent départ de certains de ses cadres, l’initiative lancée par son Président, Moncef Marzouki, candidat malheureux à l’élection présidentielle, pour créer une mouvance populaire, est constamment repoussée. L’enthousiasme qu’elle a provoqué au départ, semble s’émousser laissant la place à la circonspection et le doute.
Les nombreuses autres tentatives annoncées par d’autres partis pour la création notamment, de coalition centriste groupant les petites formations socio-démocrates, semblent avoir encore du plomb dans l’aile.
Tout cela rend perplexe et dubitatif. Alors qu’on a été tenté d’assister à une recomposition du paysage politique, on constate qu’il est actuellement en décomposition. Absence de débat public, absence d’actions sur le terrain pour encadrer les citoyens, et surtout les jeunes, que les partis politiques semblent ne pas savoir comment les séduire et susciter leur participation effective au jeu politique. Ceci, au moment où ces jeunes restent une proie facile pour certains groupes qui les utilisent comme chair à canon dans des guerres qui ne sont pas les leurs (Syrie, Libye) ou comme des semeurs de mort et de peur dans leur propre pays.