En cherchant à mettre fin à un statu quo qui dure depuis maintenant plus de six mois et à forcer le départ du Chef du gouvernement, le président de la République n’a fait, à travers sa dernière apparition télévisée rudement critiquée, qu’enliser la crise politique et plonger le pays dans un attentisme et des surenchères contreproductifs. Le résultat est aujourd’hui palpable, tant au niveau de la vie politique du pays, de l’activité gouvernementale, qu’au plan social, où la tension demeure latente. La crise qui divise publiquement les deux têtes du pouvoir exécutif a fini par jeter son ombre sur la vie politique dans un pays, plus que jamais confronté à de grands défis qui exigent pourtant des différents acteurs, une concertation sereine, une mobilisation de tous les instants et la recherche des voies qui mènent à un consensus propre à renforcer la confiance et l’espoir des Tunisiens. Devant l’insouciance des uns et des autres, de nouvelles donnes finiront par marquer la vie politique nationale à un an des prochaines échéances politiques.
La rupture de l’alliance entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi, est en train d’enfanter un paysage politique recomposé et de nouvelles alliances qui peuvent sonner la fin de Nidaa Tounes, dont la vague de désertion de ses élus et de ses figures se poursuit dans l’indifférence totale de son Directeur exécutif et de son fondateur.
Le plus grand gagnant de cette reconfiguration de la scène politique est incontestablement Youssef Chahed, qui a su manœuvrer, résister et faire échouer toutes les tentatives qui avaient pour finalité de le chasser de la Kasbah. Ce dernier, fort de l’appui d’Ennahdha, de la déconfiture de Nidaa Tounes et de l’émergence d’un bloc parlementaire qui lui est maintenant acquis, tout en tenant tête à Béji Caïd Essebsi, est devenu conscient qu’il est désormais maître de son propre destin. Tout en prenant de l’envergure, il s’est assuré d’une majorité confortable à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) qui lui permet de poursuivre sa direction des affaires du pays sans rester l’otage d’un parti dans lequel il ne se reconnaît plus.
Il s’est même permis le luxe de fausser tous les calculs de ses détracteurs qui ont crié vite, à tort , sa fin. Il a enfin, mis à nu la solitude du président de la République, gardien de la Constitution, qui a avoué son impuissance à changer la nouvelle donne. L’image révélée par les dernières inondations catastrophiques survenues à Nabeul est quelque peu symptomatique des errements dont sont prisonniers notamment les dirigeants de Nidaa Tounes. Au moment où Ridha Belhaj, le revenant au parti, poursuit sa fuite en avant en affirmant que Nidaa ne fait plus partie du gouvernement Chahed-Ennahdha, on aperçoit un Chef de gouvernement serein et déterminé à poursuivre sa mission à l’envers et contre tous.
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Les dernières élections municipales de mai dernier ont nourri surtout l’espoir d’une meilleure gestion de nos villes et, surtout, d’un plus grand engagement des nouveaux élus à être plus près des citoyens et de leurs préoccupations. En dépit de la longue période qu’a nécessité la mise en place des nouvelles équipes et des marchandages qui ont conduit à l’élection des présidents des communes, le premier constat qu’on peut tirer d’ores et déjà est peu flatteur. L’on s’est soucié plus de formalisme et de recherche d’avantages qu’à se mettre à l’ouvrage. Qu’a-t-on vu changer dans nos villes où les nouveaux élus ont pourtant promis, à la faveur des pouvoirs qui leur sont donnés et de la légitimité dont ils sont dotés, un plus grand engagement et une plus forte implication ? Au bout de plus de trois mois d’exercice, aucun changement perceptible n’a été perçu, ne serait-ce au niveau de la propreté de nos villes, de la collecte des ordures, l’organisation de la circulation et du stationnement des véhicules, de la lutte contre la construction anarchique ou de l’étal anarchique.
Au contraire, les premiers signes poussent à l’inquiétude et au questionnement. Nos villes offrent encore et toujours un piteux état, avec l’amoncellement partout des ordures, la réapparition en force des étals anarchiques en plein centre-ville, la désorganisation chaotique de la circulation et l’appropriation sauvage du domaine public. Ce laisser-aller est-il le fait du hasard, ou faut-il l’imputer à l’inexpérience des nouvelles équipes dirigeantes de nos municipalités qui se sont engagées à assurer une nouvelle gouvernance dans nos villes et à bannir tout laxisme, favoritisme ou anarchie ?
La période de grâce est bel et bien terminée et c’est l’obligation du résultat qui compte le plus, non les discours creux ou les déclarations ambiguës dans les médias.
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