Un plan global pour le secteur touristique

L’attaque terroriste contre l’hôtel Marhaba Imperial a été un coup dur au secteur touristique et à l’économie tunisienne. Quelques semaines plus tôt, l’attaque contre le musée du Bardo a jeté dans le désarroi un secteur qui était en pleine convalescence depuis la Révolution. Mais, depuis et grâce à la solidarité internationale et à une grande campagne de communication appuyée par des personnalités internationales de premier plan, le secteur a commencé à reprendre des couleurs et les réservations ont enregistré une reprise. Or, cette dernière attaque vient interrompre cet élan, met tout le secteur dans le trouble et remet en cause sa contribution dans la relance de l’économie tunisienne.
Car, faut-il le rappeler, le secteur touristique a joué un rôle essentiel dans le développement de l’économie tunisienne dès son apparition dans les années 1960. Mais, c’est pendant les années 1970 et 1980 que le secteur touristique va connaître son âge d’or et contribuer pleinement au développement de l’économie tunisienne. En effet, les plans de développement successifs durant cette période ont fait de ce secteur l’un des fers de lance de l’économie tunisienne et lui ont donné accès aux sources de financement des banques de développement et à un grand nombre d’avantages qui ont favorisé son déploiement. Ainsi, est-il devenu une importante source de croissance économique et le tourisme a attiré d’importants investissements étrangers. Le tourisme est devenu un lieu majeur de création d’emplois et une source de devises étrangères pour notre pays.
Mais, dès le milieu des années 1990, le secteur touristique a commencé à connaître une série de défis liés en grande partie à l’émergence d’une grande concurrence dans la région méditerranéenne avec des pays comme la Turquie, l’Egypte, le Maroc ou Malte qui ont connu une montée en puissance de leur tourisme. Cette concurrence a pesé de tout son poids sur le secteur touristique dans notre pays et a entraîné une réponse immédiate qui, en grande partie, s’est limitée à une réduction des prix pour faire face à ces nouveaux arrivants sur le marché. Certes, des études ont été effectuées, notamment avec l’appui de la Banque mondiale et d’autres bailleurs de fonds internationaux, pour aider le secteur à opérer des mutations structurelles et à diversifier son offre en favorisant une montée de gamme pour essayer de sortir de la trappe du balnéaire bas de gamme. Mais, ces réflexions n’ont pas suivi d’effets en partie, du fait des difficultés financières des unités touristiques embourbées dans une importante crise de la dette.
Les défis structurels du secteur ont été renforcés après la Révolution par l’insécurité et l’instabilité politique. Ces difficultés nouvelles ont été à l’origine d’une baisse de la fréquentation et d’un éloignement des tour-operators de la destination Tunisie vers d’autres cieux plus cléments. Par ailleurs, l’image de marque de notre destination a été touchée par la montée du radicalisme religieux et de ses discours haineux contre l’Autre et l’industrie touristique perçue comme un lieu de dépravation et de vice. Certes, les différents gouvernements ont essayé tant bien que mal de gérer les effets négatifs de l’instabilité politique et de maintenir un niveau élevé de visites de notre pays notamment avec l’ouverture sur les touristes Libyens et Algériens. Il n’empêche que le secteur touristique restait fragile, ce qui renforçait les difficultés des unités touristiques et rendait les réformes structurelles urgentes.
Mais, de mon point de vue, l’avènement du terrorisme dans l’espace public tunisien opérait un changement radical dans le contexte du développement du tourisme tunisien. En effet, la multiplication des attaques terroristes rendait la destination Tunisie de plus en plus difficile à promouvoir. Et, nous avons franchi une étape supplémentaire dans les défis sécuritaires pour le secteur touristique depuis que les terroristes ont décidé d’en faire une cible. Ainsi, les attaques du musée du Bardo et de l’hôtel Imperial ont montré que les groupes terroristes ont décidé d’attaquer le secteur touristique de front dans leur projet de destruction des fondements de l’Etat.
Ces deux dernières attaques doivent nous amener à opérer un changement radical de nos priorités dans l’appui au secteur touristique et dans l’aide que nous devons lui apporter pour sortir de la crise. En effet, le premier volet d’un plan global d’aide au secteur touristique doit être la dimension sécuritaire afin de sécuriser nos hôtels et nos sites touristiques. Nous devons de ce point de vue nous appuyer sur les expériences d’autres pays dont le secteur touristique a été la cible depuis plusieurs années des attaques terroristes, notamment l’Egypte. Je me suis rendu à plusieurs reprises ces dernières semaines au Caire mais aussi dans la station de Sharm Al-Cheikh et j’ai pu me rendre compte de l’importance accordée à la sécurité dans les régions touristiques. Parallèlement à une présence forte et impressionnante des forces de sécurité sur les grands axes routiers et autour des sites touristiques, tous les hôtels ont mis d’importants dispositifs à l’entrée avec les services de sécurité qui vérifient minutieusement toute personne accédant aux unités. Les équipes de sécurité sont accompagnées de deux à quatre policiers fortement armés qui surveillent les entrées des installations. Ce dispositif sécuritaire impressionnant a permis à l’Egypte de diminuer fortement les attaques terroristes et a favorisé une reprise de la fréquentation touristique dans le pays.
Parallèlement au volet sécuritaire, il est important de faire de la communication et du marketing un volet essentiel de notre stratégie globale pour le secteur. A ce niveau, nous commençons à disposer d’un certain savoir-faire qui nous a permis de lancer des campagnes efficaces en 2014 et en 2015 suite aux attaques du Bardo avec la participation de grandes personnalités internationales. Il est important de notre point de vue de poursuivre ces campagnes et surtout de les inscrire dans la durée.
Le troisième volet de ce plan global d’appui au secteur touristique concerne l’aspect financier et il nous paraît important d’apporter une aide notamment à travers un rééchelonnement des dépenses sociales et fiscales en contrepartie du maintien des unités ouvertes et de l’emploi.
Les attaques du Bardo et de l’hôtel Marhaba Imperial de Sousse doivent nous amener à opérer un changement radical dans notre conception de l’appui au secteur touristique en faisant de la sécurité la pierre angulaire de toute stratégie. Par ailleurs, les volets communication, marketing et financier sont essentiels afin de permettre à ce secteur de sortir de sa crise actuelle et de redevenir à moyen terme un des piliers de développement économique et de transformation de notre pays.

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