Un plan stratégique pour réhabiliter l’agriculture

Notre agriculture a été négligée et sous-estimée durant plusieurs décennies, au point qu’elle est devenue peu compétitive, fragile, à faible rentabilité et peu attractive pour les jeunes.
Certes, les handicaps ne manquent pas : les 2/3 du territoire national souffrent d’un climat semi-désertique et nos ressources hydrauliques sont limitées.
Le morcellement de la propriété et de l’exploitation agricoles est très poussé, ce qui constitue un obstacle à la mécanisation et à la modernisation des techniques culturales.
Il faut dire aussi que les 4/5 des chefs d’exploitation agricole ont dépassé 60 ans et sont peu alphabétisés : ce vieillissement croissant de la population agricole n’est pas un facteur propice à la pénétration du progrès dans le monde rural, le moins que l’on puisse dire.
Il pose avec acuité le problème de la relève d’une génération à l’autre et de la transmission du témoin en faveur des plus jeunes.
Il y a un poids lourd qui pèse sur le développement de notre agriculture, c’est celui d’une administration de tutelle dense et complexe avec beaucoup de paperasse au niveau central, alors que son efficacité n’a pas été prouvée au niveau des régions (les commissariats régionaux au développement agricole) lorsqu’il s’agissait de lutter contre les fléaux qui frappent les arbres fruitiers.
Cependant notre agriculture dispose de plusieurs atouts majeurs tels que la maîtrise des bonnes techniques culturales ancestrales, l’existence d’espèces et de variétés fruitières et maraichères typiques avec des saveurs appréciées par les consommateurs, ainsi que des sols riches et des ressources hydrauliques non négligeables issues des barrages-réservoirs permettant l’exploitation de tous les périmètres irrigués.
Notre climat se prête à des cultures de primeurs et d’arrière-saisons intéressantes pour l’exportation vers les pays de l’Union européenne, avec un avantage à valeur ajoutée élevée, celui de la culture biologique.
Les agriculteurs sont passionnés pour leur métier et très attachés à leurs terres même si leur niveau de vie n’est pas très satisfaisant, car ils sont souvent exploités par des commerçants cupides et avides.
Il faut dire que l’agriculture contribue au PIB pour 11% et emploie 18% de la main-d’œuvre active, c’est donc un secteur à forte employabilité de main-d’œuvre, surtout lorsqu’il s’agit de cultures intensives et irriguées qui donnent lieu ensuite à des industries agro-alimentaires. C’est là que réside en fait la valeur ajoutée grâce à l’innovation et la qualité des produits finis.
Parmi les avantages que procure l’agriculture il y a outre le fait qu’elle nourrit la nation, c’est l’attachement à la terre, qui réduit l’exode rural et favorise le peuplement des zones rurales.
L’agriculture est le secteur économique qui exige le moins d’investissement pour créer un emploi. Au cours des trente dernières années, l’Etat a consenti de gros investissements pour financer les infrastructures et accordé de multiples avantages au secteur touristique, malheureusement les évènements terroristes ont montré la fragilité et la précarité du tourisme qui a connu au moins quatre grandes crises au cours des vingt dernières années.
C’est pourquoi, il serait temps que l’agriculture bénéficie à son tour des avantages susceptibles d’en faire, sinon une locomotive de l’économie, du moins un secteur prospère, exportateur performant et créateur massif d’emplois.
Ce dont nous avons cruellement besoin aujourd’hui alors que notre pays subit sa 5e année de crise économique.
Il faut dire que le renchérissement des prix des céréales sur les marchés mondiaux et les sécheresses cycliques qui déciment les récoltes chez les grands pays producteurs de céréales incitent à veiller jalousement sur l’autosuffisance alimentaire dans les années à venir.
C’est pourquoi nous devons élaborer un plan stratégique pour réhabiliter notre agriculture et la mettre à niveau afin d’en faire un moteur de la croissance.
La récolte exceptionnelle d’huile d’olive obtenue cette année ainsi que les recettes en devises qu’elle a procuré à l’exportation vient de prouver une fois de plus les grandes potentialités de notre agriculture.
Le problème des terres domaniales n’a pas trouvé à ce jour une solution efficace compte tenu du fait qu’il y a deux impératifs majeurs à respecter.
D’une part, investir de façon massive dans les fermes domaniales pour intensifier les systèmes de culture et améliorer la rentabilité.
D’autre part favoriser l’accès des jeunes ingénieurs agronomes au chômage à l’exploitation des lots de terre avec facilitation de l’accès au crédit agricole.
L’attribution de fermes domaniales aux SMDA n’a pas cessé de faire l’objet de contestations et pose des problèmes au niveau du respect de l’application du cahier des charges.
Les incitations à accorder à l’investissement dans l’agriculture doivent être suffisamment motivantes pour provoquer un déclic chez les jeunes et les compétences d’âge mûr pour provoquer une sorte de « ruée vers les champs ».
Toute une stratégie doit être mise au point par les pouvoirs publics dans ce but, les centaines d’ingénieurs qui « font de l’agriculture dans les bureaux confortables » du ministère, rue Alain Savary, pourraient concevoir par exemple une stratégie par filière pour faire de sorte que nous ayons des produits de qualité à des prix abordables et que les paysans ne soient pas victimes de fléaux et exploités par des commerçants voraces.

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