Soutenu par les Etats-Unis, Itamar Ben-Gvir pose aux Gazaouis trois conditions réunies : libérer tous les otages, déposer les armes et se constituer prisonniers. Au cas où le Hamas n’obéirait pas aux injonctions d’ici ramadan, Rafah et sa population seront mises à feu et à sang. Autrement dit, le mois saint ne retient pas le bras de l’armée déployée.
Pendant ce temps, l’Occident arme et réarme les colons. Dès lors, chez les Palestiniens, tout le ressentiment, la haine et la colère visent l’hypocrisie des cerbères.
Ces larmes de crocodile, parfois inspirées aux tueurs pour les massacrés, amènent le Hamas à davantage résister. De part et d’autre, la guerre outrancière cligne vers l’issue dernière.
Mais comment et pourquoi pareille crispation dramatique influence les attitudes adoptées vis-à-vis de Navalny ? Les télévisions asservies au parti-pris occidental ironisent à propos du silence radio maintenu par le Sud global quant à l’opposant principal de Poutine « l’assassin » d’où proviendrait tout le mal, selon Biden et le clan occidental.
D’après celui-ci, pas un mot n’est dit sur Navalny, quelle est donc la raison de l’abstention ?
Pourquoi Chine, Iran, Yemen, Corée du Nord ne condamnent-ils pas un Kremlin traité par le Nord, d’assassin ? A l’évidence, le génocide anglo-franco-israélo-américain des Palestiniens a partie liée avec le refus d’incriminer la Russie. A l’ONU, l’Algérie, la Tunisie, la Chine et le pays de Poutine défendent la Palestine.
Avec l’Afrique du Sud, les cinq sociétés n’ont guère le cœur à hurler avec les loups, ces tueurs des Gazaouis exposés à la pire terreur. Au vu de ces relations géostratégiques, Navalny campe, aujourd’hui, à l’interface de trois grâces : Nord impérial, Sud global et Ukaine située en position centrale. Pour les dirigeants occidentaux, Poutine assassine son principal rival, seul gêneur de sa prochaine réélection triomphale. D’un revers de main, le Kremlin balaye l’accusation tant « la russophobie » délibère avant l’enquête concrète. Soupçonné de suivre le chemin stalinien, le miroir ukrainien reflète le point de vue euro-américain, ce pourvoyeur d’armes nécessaires mais retardataires.
Les grands principes subissent l’influence des relations internationales, fussent-elles contradictoires ou infléchies par la diplomatie.
Dans son ouvrage sous-titré « Sur la théorie de l’action », Pierre Bourdieu pose trois questions : « Un acte désintéressé est-il possible ? », « Pourquoi ce mot d’intérêt est-il, jusqu’à un certain point, intéressant ? », « Pourquoi est-il important de s’interroger sur l’intérêt que les agents peuvent avoir à faire ce qu’ils font ? ». Bourdieu répond aux interrogations : « Il y a, dans ce que font les agents, une raison (au sens où on parle de raison d’une série) qu’il s’agit de trouver, et qui permet de rendre raison, de transformer une série de conduites apparemment incohérentes, arbitraires, en série cohérente, en quelque chose que l’on peut comprendre à partir d’un principe unique ou d’un ensemble cohérent de principes ».
Autrement dit, les positions prises à propos de Navalny, d’apparence contradictoires, gravitent autour d’un même tintamarre, celui des poids et des mesures appliquées à Gaza massacrée quand l’Ukraine se voit aidée. Le sentiment d’appartenance influence les attitudes et ces deux aspects suivent une même dérive.
Hypocrite, Biden plaint les massacrés à Gaza au moment où il fournit les bombes larguées par les israéliens sur les Palestiniens. Une alliance israélo-américaine adopte la « raison » dernière de la politique génocidaire. Le va-et-vient israélo-américain unit les espèces d’assassins.
Bourdieu leur dit : «Vous trouvez importants, intéressants des jeux qui vous importent parce qu’ils ont été imposés et importés dans votre tête, dans votre corps, sous la forme de ce que l’on appelle le sens du jeu ». Deux formes de socialisation sont au principe de la confrontation. Pour cette raison, le porte-parole d’Israël regarde le massacre des Gazaouis et en jouit. Son intérêt final répond à l’interrogation cruciale : comment réoccuper le grand Israël une fois les Palestiniens contraints à vider le terrain ?
Lorsque la présentatrice montre la désolation, la soif, la faim et la mort, le porte-parole, satisfait, ricane et en demande encore. Chic alors ! Bientôt partiront les opposants aux colons triomphants ! Voilà pourquoi le Sud global observe Navalny mais ne le voit pas.
De proche en proche, l’explication élargit le champ de l’investigation.
Élucider les prises de position adoptées envers Navaly et Poutine conduit à la géhenne attisée par l’alliance israélo-américaine. De même, le village planétaire englobe la manière dont l’Algérie contraint les États-Unis à découvrir leur visage honni. Le véto renouvelé protège l’assassin et poursuit l’assassiné. Dès lors, l’exploration ne saurait transiter par le Russie et l’Ukraine sans rencontrer la duplicité américaine. Et ce réseau de relations, occulté, montre à quel point « il n’est de science que de caché », soutenait Gaston Bachelard dans l’ouvrage classique « La formation de l’esprit scientifique ». Ainsi le 20 février, Itamar Ben-Gvir avertit les Gazaouis. Gare à eux s’ils visitent encore «l’Esplanade des mosquées ».
En outre, ils auront un ramadan sanglant sans la reddition. Voici où logerait le caché : contre-productive pour l’armée colonisatrice, l’agression du sacré soulève une réactivité civile et militaire maximalisée.