Un « super variant » nommé « Covid-22 » : itinéraire d’une fausse information

Dans une interview, un chercheur suisse utilise l’expression « Covid-22 » pour désigner une forme hypothétique de la maladie qui pourrait apparaître en 2022. Une formule rapidement reprise sur les réseaux sociaux comme signifiant l’émergence d’une nouvelle pandémie, en déformant les propos du scientifique.
Tout a commencé par l’interview d’un chercheur, comme souvent, avant que les réseaux sociaux ne prennent le relais. Le 23 août dernier, le journal suisse SonntagsBlick publie un entretien avec Sai Reddy, professeur de l’école Polytechnique fédérale de Zurich, avec comme titre : « Le Covid-22 pourrait être pire encore ». Le scientifique y évoque sa vision de l’avenir de la pandémie et évoque l’hypothèse d’un « super-variant », ou encore de ce qu’il nomme « Covid-22 ». Il n’en fallait pas plus. L’article, publié en langue allemande et en français, est relayé par le média public suisse RTS. C’est alors que la machine s’emballe, déformant à l’envi les propos du chercheur.
Dans la foulée, l’interview est reprise dimanche par Le Matin, un média suisse, avec comme titre : « Après le Covid-19, le Covid-21 puis le 2022 ? ». Rapidement, des médias anglais comme le tabloïd The Daily Mirror ou The Sun reprennent aussi l’article avec un titre tout aussi aguicheur. Sur Twitter, le compte Mediavenir, un média non-professionnel qui compte plus de 1,3 million d’abonnés, reprend cette information sans élément de contexte. Le post est « liké » près de 14 000 fois et comprend 1600 commentaires. Le 23 août, en fin d’après-midi, le hashtag #COVID22 fait son apparition en top tweets France.
L’information, déjà largement déformée, a ensuite été relayée par des comptes habitués à une forme de désinformation. L’ancien vice-président du Rassemblement national Florian Philippot, suivi par plus de 270 000 personnes sur Twitter, la reprend sans sourciller dès le 24 août. Son tweet sera partagé plus de 1000 fois. Enfin, des comptes Instagram dédiés à la diffusion de fausses informations sur le Covid-19 vont également s’emparer de cette interview.
*Aucun fondement scientifique
Pourquoi peut-on parler d’une fausse information ? Tout d’abord parce que, contrairement à ce que laissent entendre de nombreux médias et internautes, le chercheur helvète ne révèle pas l’existence d’un nouveau variant appelé « Covid-22 ». Dans son interview, Sai Reddy utilise cette expression pour désigner une forme hypothétique de la maladie qui pourrait apparaître en 2022. Avant d’arriver à cette expression, le scientifique part du postulat suivant : les variants Beta et Gamma ont développé des mutations leur permettant en partie d’échapper aux anticorps. Le variant Delta, lui, ne présente pas de telles mutations mais apparaît néanmoins bien plus contagieux que ses congénères. Sai Reddy entendait ainsi alerter sur le risque d’apparition d’un « super variant » à la fois plus résistant aux anticorps et plus contagieux. Cela aurait pour conséquence, selon lui, de voir une nouvelle pandémie frapper le monde, ce qu’il appelle le « Covid-22 ». Il ne s’agit donc que d’une hypothèse. Il n’avance en aucun cas qu’un nouveau coronavirus baptisé « Covid-22 » va apparaître. Ni même qu’un nouveau variant sera un jour nommé ainsi. D’ailleurs, c’est impossible, puisque c’est la maladie que l’on désigne sous le terme « Covid-19 » (abréviation de coronavirus disease 2019), et non pas le virus (appelé SARS-CoV-2) ni ses variants.
En employant la formule « Covid-22 », Sai Reddy livre son opinion personnelle, en employant des mots qui n’appartiennent qu’à lui, et qui ne sont pas partagés par la communauté scientifique. Ce qui n’a pas empêché certains médias peu fiables d’utiliser cette expression en la détournant, créant artificiellement un buzz.
(L’Express)

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