Un tourisme hivernal

Par Alix Martin

Depuis plus de 2000 ans, les mosaïques de l’époque romaine racontent que la Tunisie est une terre d’accueil privilégiée des oiseaux migrateurs. Elles nous apprennent aussi que ces oiseaux ont toujours été recherchés par les populations locales. A l’heure où l’on parle beaucoup d’écotourisme et d’étalement des séjours touristiques, pourquoi ne pas présenter à des visiteurs étrangers, européens en particulier, nos « touristes d’hiver » qui pourraient les intéresser aussi bien sur le plan écologique que sur celui de la gastronomie durant une saison au climat doux ici, alors que, au nord de la Méditerranée, il ne reste plus rien à voir.

Les plus délicieux

La caille des blés est le plus petit et certainement le plus anciennement connu des gallinacés. Certains chercheurs prétendent même que c’étaient des cailles qui composaient la « manne » : la nourriture miraculeuse alimentant les Hébreux dans le désert. Elles arrivent sur les rivages africains tout le long de l’automne, portées par des vents favorables. Leurs ailes rondes et courtes, comme celles des poules et des perdrix, en font de mauvais « voiliers ». Nous en avons vu arriver, aux alentours d’El Haouaria, au ras des flots, tellement épuisées qu’elles percutaient littéralement le sol, restaient quelques secondes immobiles, étourdies puis allaient se blottir dans les buissons voisins où on pouvait les attraper simplement en posant son chapeau sur elles.

La « reine des cailles » n’est pas un gallinacé mais un rallidé et doit être plutôt appelé le « râle des genets ». Un peu plus gros qu’une caille, il est intégralement protégé en Tunisie. Il fait aussi l’objet d’une protection active en France car il devient de plus en plus rare. Il vit actuellement sur des terrains ouverts à cultures extensives et à végétation haute. Il affectionne les zones humides. Le mâle est l’archétype du mari volage. Alors que la femelle fécondée s’en va pondre une bonne douzaine d’œufs qu’elle couvera seule, le mâle s’élance vers de nouvelles conquêtes proches ou lointaines car il vole bien. Un mâle bagué en hiver en Afrique, s’est accouplé en mai en Hollande et s’est fait tuer en août en Lettonie ! Il est vrai que la femelle se console vite et refait, dans l’été, une nouvelle couvée, avec un autre « mari ».

La ou les grives sont haïes par les oléiculteurs mais font l’objet d’un culte de la part des gastronomes qui couvrent leur tête et leur assiette d’une grande serviette, en les dégustant, pour n’en rien perdre même pas le fumet. Quatre espèces de grives hivernent en Tunisie. La grive « musicienne » est la plus nombreuse. Elle a subi, pendant des années, une chasse intensive féroce, de la part des chasseurs locaux et des étrangers si bien que ses effectifs ont beaucoup diminué et que sa chasse est actuellement très réglementée. Ce délicieux petit oiseau, comme les espèces voisines : la « mauvis », la plus tardive annonçant le froid, la « draine » et la « litorne » les plus individualistes et les plus méfiantes, sont les « parures » des maquis touffus qui couvrent les collines au nord de la Dorsale tunisienne.

Les plus malignes

Tous les professeurs vous diront, à quel point il est difficile de formuler un jugement de valeur, pourtant la bécasse et la bécassine, aux noms voisins bien qu’elles vivent très différemment, nous semblent être les plus malignes des oiseaux que nous connaissons.

La bécassine des marais, comme les espèces voisines : la bécassine double rarissime et la bécassine sourde de la taille d’un petit moineau, sont des oiseaux d’eau, de petits échassiers. La longueur de leur bec – 6 à 7 centimètres pour une longueur du corps de 25 centimètres et une envergure de 45 centimètres pour une bécassine des marais ! – est leur principale caractéristique. Indépendamment d’être très appréciées par certains gastronomes, elles ont un très beau plumage qui mêle les beiges aux bruns et aux roux, formant des tâches et des rayures. Nous les avons vues s’envoler presque sous nos pieds, englués dans la boue, puis faire une série étourdissante de crochets courts et rapides, au point que nous avons vu des chasseurs être éclaboussés par l’eau du marais dans laquelle ils avaient tiré à quelques pas devant eux ! En France, un dicton affirme : « Regarde la bécassine dans ses crochets et tire après ». Mais la maligne doit le connaître car, très souvent, après les crochets, elle fonce droit en direction du soleil où elle disparaît aux yeux de l’observateur ébloui !

La « dame des bois » : la bécasse des bois est un oiseau encore très mystérieux bien qu’il soit très étudié et qu’il fasse l’objet d’un véritable culte en Europe. On ne sait pas encore exactement d’où viennent les bécasses qui hivernent en Tunisie ni par où elles passent. Comme elles pèsent pratiquement le même poids, 310 à 320 grammes environ, à leur arrivée – où elles devraient être maigres et fatiguées par leur migration – et à leur départ où elles devraient être grasses et avoir pris des forces, on pense qu’elles viendraient de Russie. Elles traverseraient l’Europe de l’Est, où elles trouvent de nombreux biotopes favorables, en diagonale vers l’Italie et la Tunisie, sans avoir à parcourir de grandes distances où elles ne pourraient pas refaire leurs forces.

Tous ceux qui admirent la dame au long bec – 7 centimètres pour 30 à 35 centimètres de longueur et 57 à 58 centimètres d’envergure – apprécient son plumage roux, brun et beige, sa tête ornée de trois barres de plumes brun foncé et l’extrémité blanc nacré brillant de ses caudales. Ses grands yeux noir brillant voudraient indiquer qu’elle voit bien la nuit durant laquelle elle se déplace souvent et dans la pénombre des sous-bois où elle vit. Mais nous savons qu’elle voit aussi parfaitement le jour. Demandez-le au chasseur, dépité, qui la regarde monter en spirale serrée autour du tronc d’un arbre jusqu’aux branches au travers desquelles elle disparaît en crochets courts sans toucher un rameau ni une feuille !

L’avocette est la top – model des bords de mer avec son long bec fin recourbé vers le haut, ses longues pattes minces bleutées, et son plumage blanc maculé de noir profond sur la tête, les ailes et le croupion. Souple et flexible, le long bec « ratisse » à vivre allure, la vase fluide de l’estran, happant au passage une larve, un ver marin ou un minuscule crustacé. Essayez de l’approcher !

 

Où les voir ?

Le Cap Bon est manifestement la région privilégiée. Son extrémité est : les alentours d’El Haouaria, est située sur une des principales voies de migration des oiseaux. Au printemps et en automne, il suffit de lever les yeux pour en voir passer. Les autorités scientifiques en sont tellement persuadées que le Med Wet Coast a été créé. C’est une réalisation internationale qui couvre des zones humides importantes. En Tunisie, les lagunes de la Côte sud-est du Cap Bon, la forêt de Dar Chichou, du moins ce qui est resté après des incendies criminels, la montagne d’El Haouaria, les îles de Zembra et Zembretta, l’Oued El Abid et les alentours de « Port Prince » en font partie.

Voilà de nombreux objectifs de promenade auxquels nous ajoutons   les champs de tomates, de piments et de luzerne des alentours de Menzel Témime, El Mida et El Haouaria, dans lesquels les cailles abondent.

Nous pouvons aussi citer les plantations d’oliviers de l’Oued El Abid et la forêt de Pins de Somaa où les vols de grives se posent chaque année. Les forêts du littoral nord du Cap Bon et les versants du Jebel Sidi Abderrahmen abritent de très nombreuses bécasses et bien d’autres oiseaux. Vous n’avez que l’embarras du choix ! Sans aller très loin, les vasières, le long du rivage et les « Salines » au sud de Tunis, de Sousse et de Sfax sont des lieux privilégiés pour voir de très nombreux oiseaux d’eau.

A.M

 

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