Un tourisme responsable : Pour sauvegarder l’économie oasienne

Les oasis du sud tunisien assument un rôle vital dans l’économie rurale des zones pré-désertiques et favorisent même une certaine prospérité dans un milieu naturel hostile.
Tozeur, Nefta, Kebili, Douz, Gabès, Mareth, Chenini… sont des poches de cultures luxuriantes où poussent, cultivés en étages, palmiers-dattiers, arbres fruitiers et cultures maraîchères, irriguées par des sources dans un micro-climat particulier. Cela a créé des emplois par milliers et favorisé la résilience d’un mode de culture intensif et traditionnel, grâce aux ressources procurées par l’exportation des dattes deglet nour.
Cet équilibre fragile, qui a persisté durant des décennies, connaît plusieurs lézardes à cause de l’apparition de plusieurs difficultés.
Les ressources en eau ont tendance à tarir à cause de la surexploitation et en raison de l’extension des oasis, mais aussi du gaspillage, des abus et du réchauffement climatique.
Les exploitations sont de plus morcelées à cause des héritages successifs et de la poussée démographique.
Les sols s’épuisent avec la multiplicité de la succession des cultures sur la même parcelle durant la même année. Responsable de la baisse des rendements, la salinité des sols progresse.
Dans les oasis, l’espace cultivable se réduit comme une peau de chagrin. La construction anarchique de logements en est la première cause.
La pollution des eaux et des sols est un risque qui s’étend chaque année un peu plus, alors que l’avancée du désert par ensablement favorisé par des vents de plus en plus violents, est un danger permanent auquel il faut faire face.
Les jeunes ambitieux et cultivés ont tendance à partir vers les grandes villes ou encore à l’étranger pour un avenir meilleur. Les populations qui restent cherchent à travers le tourisme des ressources complémentaires vitales pour leur niveau de vie et leur pouvoir d’achat. Mais il y a des dérives quand il s’agit d’un tourisme de masse, prédateur et dévastateur d’un mode de vie serein, protecteur de l’environnement, respectueux de la biodiversité, des cultures et traditions sociales. Alors que l’objectif est de préserver le mode de vie et la culture des habitants.
Il ne s’agit pas de construire dans les oasis de grands hôtels, des restaurants touristiques ou des ateliers d’artisanat avec une navette permanente de bus et de taxis, mais de promouvoir un tourisme responsable et solidaire, susceptible de faire prospérer les oasis.
Les touristes haut de gamme, amoureux du désert, sont à la recherche d’exotisme, d’écologie, de sérénité et d’un microclimat naturel, introuvables ailleurs.
Ils sont à la découverte d’une culture, d’une civilisation et d’un patrimoine socio-culturel identique à celui qui a prospéré durant la période préindustrielle, fruit de l’équilibre et de la symbiose entre l’homme et la nature, entre les besoins et les ressources, propices au bien-être, loin du stress quotidien de la vie urbaine en Europe.
Cette évolution des oasis du Sud en Tunisie est comparable à ce qui se passe au Maroc, en Algérie et ailleurs, ce qui a poussé à la création du « Forum international du tourisme vert » dont la 8e édition s’est réunie récemment à Ouezazate : 400 représentants de gouvernements.  Une rencontre placée sous l’égide de l’Unesco, la FAO, l’OMT, le PNUD et l’Organisation internationale  du tourisme social.
Il s’agissait de réfléchir sur les solutions en vue afin de renforcer la sauvegarde des oasis et de promouvoir un tourisme responsable et solidaire. Le maître-mot : sauvegarde des systèmes oasiens contre la dégradation accélérée de l’équilibre socio-économique fragile, un modèle de résilience dans une période d’évolution critique de notre mode de vie.
Recherche du soleil, du désert, du silence, de l’exotique sont des attraits certains pour les touristes, mais un risque de rupture des équilibres si on n’y ménage pas les précautions nécessaires et suffisantes. Comme à titre indicatif, éviter avant tout les risques majeurs d’un tourisme de masse, d’une transformation brutale des sociétés traditionnelles et d’une recherche outrancière de la rentabilité financière. Ou encore, privilégier la préservation des ressources naturelles et la création d’activités économiques, mais favoriser surtout les nouvelles ressources et valoriser le patrimoine culturel. « Nous avons besoin d’un tourisme responsable et solidaire, car la planète va mal, victime de l’inconscience et de l’avidité des hommes », a soutenu Jean-Marie Collombon, coordinateur général du FITS.
Il faut dire que le prélude du Forum a consisté à organiser « les caravanes des oasis ». En effet, durant trois jours, 90 caravaniers originaires de 14 pays ont visité les oasis d’Ouarzazate, Zagora, Tinglir et Errachidia à la découvert des systèmes oasiens, de leur mode de vie, leurs traditions, mais aussi leurs problèmes et les solutions à mettre en œuvre afin d’essayer de les résoudre.
Tout cela a permis d’engager les réflexions nécessaires en vue de leur « inventer » des mesures de sauvegarde des éco-systèmes : un tourisme sobre, durable, responsable et solidaire.
L’érosion des systèmes de culture traditionnels, n’est pas fatale face à l’invasion des difficultés. C’est un tourisme vecteur de développement et non destructeur des miracles de l’ingéniosité des populations à surmonter les difficultés. Il s’agit d’assurer le maintien des équilibres écologiques, favoriser les emplois locaux pérennes, privilégier la consommation de produits locaux, sauvegarder les circuits commerciaux équitables, miser sur la valeur ajoutée locale et respecter la nature.
Il n’y a pas de recette miracle : chaque oasis est un cas particulier, à diagnostiquer sur place avant d’inventer la recette miracle.
Ce qui compte, c’est la prise de conscience et le travail en commun, un partenariat entre décideurs, pouvoirs publics nationaux et régionaux, et société civile locale représentant la population, sans perdre de vue l’avis des professionnels, paysans, artisans, commerçants…
En fait, le tourisme ne sera qu’un complément, alors que les activités agricoles auxquelles il faudrait apporter des solutions appropriées, restent essentielles.

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