Le traitement médiatique du terrorisme en Tunisie ne cesse de susciter la polémique à cause du manque du professionnalisme et des erreurs journalistiques graves, mettant parfois en péril la sécurité nationale du pays.
Les participants à la table ronde sur le «traitement médiatique du terrorisme», organisée le 16 août, par le CAPJC (Centre africain de perfectionnement des journalistes et des communicateurs) étaient unanimes quant au rôle fondamental des médias dans la lutte contre le terrorisme, reconnaissant qu’il s’agit d’une arme à double tranchant.
«Le terrorisme est un sujet médiatique alléchant. Volontairement ou involontairement, les médias deviennent des véhicules de propagande pour ce phénomène et l’aident à prospérer», a précisé Abdessattar Ben Moussa, Président de la Ligue tunisienne des Droits de l’Homme, tout en appelant les journalistes à être professionnels et précis dans le recueillement de l’information et à ne pas devenir les porte-paroles des terroristes.
Erreurs médiatiques
La diffusion de la vidéo amatrice des huit soldats égorgés à Chaâmbi, sur la télévision nationale, est restée un évènement traumatisant, aussi bien pour l’opinion publique que pour les professionnels des médias, et montrait à quel point, il y a un manque flagrant de professionnalisme à ce niveau.
Et les abus médiatiques ne cessent de se multiplier
Mohamed Ali Aroui, porte-parole du ministère de l’Intérieur, a d’ailleurs mis en garde contre la diffusion sans contrôle par les journalistes de l’information sécuritaire qu’ils obtiennent, généralement, auprès de sources non officielles, sans les citer la plupart du temps. «Les interrogatoires réalisés avec les terroristes arrêtés dernièrement ont révélé que ces derniers savaient le positionnement exact des forces sécuritaires, en suivant les médias», a-t-il indiqué.
Le colonel major, Mokhtar Ben Naceur, a, lui, souligné l’usage inapproprié des termes sécuritaires, ce qui induit l’opinion publique en erreur. Il a donc suggéré l’élaboration d’un petit lexique à l’adresse des journalistes, à l’image de ce qui se passe au Canada.
Certains professionnels des médias, présents à la table ronde, ont avoué l’existence d’un manque d’encadrement à leur niveau, suggérant au ministère de la Défense et à celui de l’Intérieur de mettre en place des formations à leur profit. Mais ils se sont aussi lamentés du manque de coopération des forces sécuritaires qui ne leur fournissent pas toujours l’information exacte, avec la rapidité voulue.
Des formations au profit des journalistes
Le nouveau porte-parole du ministère de la Défense, le colonel major, Taoufik Rahmouni, a reconnu que l’équation entre la nécessité de donner l’information et l’obligation de protéger la sécurité nationale du pays reste très difficile, surtout que la relation entre le terrorisme et les médias est une relation de partenariat, puisque «les terroristes créent l’évènement et les journalistes le divulguent».
C’est pour cela, selon lui, qu’il faut être très prudent dans le traitement médiatique de ces questions.
Pour prévenir ces abus dans l’avenir, Néjiba Hamrouni, présidente du Syndicat national des journalistes, a insisté sur la nécessité de mettre en place une stratégie de communication commune entre les forces de sécurité et les journalistes.
Quant à Abdelkarim Hizaoui, directeur du CAPJC, il a indiqué la disposition du Centre à organiser des sessions de formation au profit des professionnels des médias, concernant le traitement du terrorisme, à Tunis et dans les régions intérieures.
Hanène Zbiss