Depuis le 14 janvier 2011, la culture dans notre pays n’est plus un sujet de débat. Les Tunisiens ont «inventé» d’autres préoccupations futiles au détriment des plus fertiles. Pourtant, la culture offre des issues de secours pour une société en désarroi comme la nôtre. Le redressement d’un pays, submergé par la corruption, le népotisme et le cynisme éhonté des obscurantistes, part de la réforme de la culture, tant est primordiale la considération de son rôle dans l’édification des bases d’une société civilisée, la garantie de son développement et de son équilibre, en plus du raffermissement de sa personnalité et de son identité nationale.
Les changements, qui ont concerné les notions de développement et les protocoles d’échanges entre les États, et qui ont donné lieu à un ensemble de relations totalement différentes des types traditionnels, ont imposé l’intégration de la culture dans le cycle du marché et l’ont étroitement liée aux lois du processus économique, alors que l’État était, par le passé, le seul pourvoyeur de fonds de la production culturelle, et que le contribuable était seul à payer les frais de la création. En effet, dans un monde où se développe de plus en plus l’interaction entre l’investissement et le commerce et dans lequel s’élargissent les perspectives de la libéralisation économique, et que voyant se former des dispositifs et des systèmes de comportements commerciaux, la problématique traditionnelle du financement de la culture devient inopérante ou inefficace, ce qui pousse à la revoir de fond en comble, à être au diapason de tous ces changements et à s’intégrer dans le processus afin de ne pas se retrouver en marge de l’époque, sur le bas-côté de la marche du temps.
L’orientation tous azimuts au profit des méthodes de l’économie de marché a contribué à restructurer les modes de gestion de la culture, pour en faire un élément de production effectif et un secteur bénéficiaire après avoir été un produit de consommation subventionné. La mutation de l’étape de la « société éduquée » à la « société cultivée », passe par le changement des notions de culture suivant les événements qui se produisent dans le monde et selon notre capacité à restructurer les institutions et les organismes étatiques et à réhabiliter les structures culturelles, afin qu’elles s’intègrent dans le dispositif du développement dans sa forme la plus évoluée. C’est la vraie édification de la notion d’économie culturelle que celle qui présuppose l’existence d’une volonté commune, partagée par tous, prête à une contribution efficiente afin de sortir la culture de son état de produit mineur qui vit aux dépens de l’effort national. La vertu de la culture se manifeste dans l’effort pondéré à assurer la relation entre l’homme et son histoire d’un côté, et entre l’histoire et l’humanité, d’un autre côté. Elle serait de ce point de vue l’âme des nations dans son enracinement, son ouverture et son aspiration constante à l’action et à la pérennité de l’action. C’est dans cette optique que nous devons tenir à ce que la culture fasse partie de nos priorités développementales et civilisationnelles et lui réserver toutes les législations, les décisions et les initiatives assurant aux créateurs les garanties nécessaires susceptibles de leur faciliter l’accès à la production et le raffermissement de leur présence rayonnante tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
La culture reprend ainsi ses dimensions profondes et globales, s’octroyant le sens de civilisation avec tout ce que cela comporte en termes de valeurs et de symboles, de dispositifs, de créations, d’apport et d’aptitude à garantir la participation productive et enrichissante dans tous les domaines de la vie.