Une belle promenade

Par Alix Martin

Ce dimanche matin, des bancs de cirrus nacrés, annonciateurs de vents, souvent froids au printemps zébraient l’azur du ciel. Pourtant tous les promeneurs ponctuels sont partis, joyeux, vers des « découvertes ».

El Bathan

La promenade en car passa d’abord devant le bâtiment de la Cebala Ben Ammar appelée aussi Cebala Sidi Abid ou Cebala Sahib Ettabaa, du nom du ministre qui la fit construire. Cet ancien relais de « diligence » sur la route menant à Bizerte a été réaménagé et occupé par des commerçants.

Ensuite, la route serpenta vers Sidi Thabet, son haras et ses purs-sangs arabes magnifiques. Puis, on traversa un bourg : Bjaoua où, parait-il, les rescapés – Carthaginois et Numides – de l’incendie de leurs camps, par Massinissa et ses troupes, s’étaient réfugiés en 204 avant J.C.. Scipion – l’Africain, celui de la bataille de Zama – avait débarqué sur les plages de Ghar El Melh / Rusucmona antique et avait installé ses troupes au Castra Cornelia / Kalaat El Andalous.

A l’entrée de Jedeida, on bifurqua et on arriva à El Bathan. Où garer le car ? Un petit terre-plein boueux près du pont permit aux voyageurs de descendre. De magnifiques fleurs de bourrache bleu ciel leur ont offert l’occasion de se rendre compte qu’on peut en garnir une salade car elles ont pratiquement le même goût que les concombres. Les fleurs de capucines, acidulées, peuvent aussi décorer une salade ainsi que les violettes ou les fleurs et les feuilles acidulées de la rouquette.

Un grand pont étroit enjambe la large vallée de la Medjerda qui roulait, ce jour-là, d’abondantes eaux boueuses, alimentées par des pluies récentes. Le Bey Youssef a fait construire ici tout un ensemble : le pont doté vannes métalliques mobiles permettant de retenir l’eau du fleuve, un moulin, ainsi qu’un palais qui ont disparu mais aussi une fabrique de « chéchia » qui « travaille » encore et qui n’a jamais fermé depuis le XVIIe siècle et enfin une caserne de cavalerie. Quand les vannes étaient fermées, les hautes eaux de la Medjerda servaient à irriguer les champs voisins mais aussi à faire tourner le moulin et les machines à « fouler » les chéchias qui sont encore feutrées à l’eau froide. Nous n’avons pas su quel produit servait à les teindre, naturel : garance ou cochenille ou bien synthétique ? Secret de fabrication sans doute !

La visite du haras a très longuement retenu les visiteurs. Les palefreniers, d’une amabilité remarquable, ont répondu à de très nombreuses questions. Ils ont présenté des poulinières calmes et de superbes étalons, un peu énervés par la présence d’autant de visiteurs.

Deux champions du monde sont venus satisfaire la curiosité des citadins : un barbe noir zain, à l’encolure courbée comme les chevaux espagnols et un superbe alezan. Le cheval barbe – Pourquoi cette appellation qui ne veut rien dire, au lieu de « berbère » qui serait normale ? – est originaire d’Afrique du Nord depuis la préhistoire. Sa rusticité, sa docilité, son pied très sûr en font un excellent cheval d’extérieur. Le roi de France Louis XV au XVIIe siècle et Napoléon 1er importaient des milliers de « barbes » pour leur cavalerie militaire. Cette race est certainement à l’origine des chevaux andalous très connus et très appréciés et a certainement été « croisée » avec de nombreuses races de chevaux de selle européens.

Ensuite, un « poney des Mogods » à la robe presque noire et brillante a été présenté. Ce n’est pas, à proprement parler, un poney. C’est un petit cheval de 1,2 ≈ 1,3 mètre au garrot, d’une docilité étonnante. Sa rusticité lui fait apprécier la vie au grand-air : l’hiver, il est couvert d’une robe de poils longs comme ceux des chèvres, l’été son pelage court et fin lui donne l’aspect d’un « barbe » en miniature. C’est un cheval « tous terrains », à l’aise en montagne et capable de porter un cavalier adulte. On peut, sans crainte, le mettre entre les mains d’adolescents, débutants dans l’art équestre : il se plie à toutes leurs fantaisies. Nous en avons connu un qui refusait absolument de partir avec des enfants, malgré les cris et les coups, tant que le « maître » et père des gamins n’était pas venu vérifier le serrage de la sangle de la selle. Le cheval savait qu’une selle mal serrée allait tourner et que les enfants allaient tomber !

A regrets, nous avons quitté le haras. Pourquoi l’homme et le cheval sont presque toujours immédiatement en empathie ? Pourquoi les enfants, handicapés en particulier ou autistes, apprécient autant cet animal, pourtant de grande taille par rapport à eux ?

La remontée vers Utique nous a fait longer l’ancien terrain d’aviation des Alliés dans la plaine avant le village de Sidi Othman et découvrir les toits à bulbes, couverts de tuiles vernissés vertes, d’une maison curieuse à l’architecture russe.

Utique

Peut-être fondée par des Tyriens, près de 300 ans avant Carthage, Utique longtemps autonome, devient une vassale de la métropole punique. Elle est une alliée contre le tyran syracusain Agathocle, mais elle se donne aux mercenaires révoltés après la première guerre punique. Elle est assiégée par Scipion l’Africain, durant la 2e guerre punique. Elle se livre pourtant à Rome et sert de base d’opérations aux légionnaires qui vont détruire Carthage en 146 avant J.C.. Ville libre, ensuite, un moment capitale de la province romaine, cité longtemps prospère, elle décline lors de l’invasion vandale et sera sans doute abandonnée, comme toutes les villes du littoral, par les conquérants arabes qui redoutent les contre-attaques byzantines venant de la mer.

Nous avons constaté avec plaisir que la partie anciennement fouillée : le quartier de la très belle « maison de la cascade » est mis en valeur et que des fouilles récentes exhument d’autres bâtiments.

Utique, comme Oudhna, proches de Tunis, devraient être des « vitrines » de l’Afrique romaine pour les touristes pressés, mais amateurs de culture : chefs d’entreprise qui séjournent à Tunis, en général.

Un pique-nique rustique sous les grands cyprès bordant le site a permis aux visiteurs de se reprendre des forces. Ils ont suivi avec plaisir et intérêt les deux « guides » aimables et compétents.

Puis, par la route reliant Bizerte à Tunis, nous avons gagné Cebalat Ben Ammar et le village de Jabbès. Après avoir traversé de belles oliveraies, des champs cultivés et des vergers en fleurs, nous avons été surpris. Soudain, les maisons ont disparu et les pentes couvertes de maquis du Jebel Ammar nous ont littéralement « cernés ». A l’Ouest, une barre de gros nuages gris « montaient » à l’horizon. Vite, nous sommes descendus du car. Allait-il pleuvoir ?

Les orchidées

Au bord de la toute petite route, très étroite, les premiers Ophrys « lutea » tout jaunes et les superbes « papilionacea » rose indien nous ont accueillis. Puis, les tout petits « bombiliflora » grenat foncé ainsi que les « marmorata » au label gris fer « marbré » ont été découverts au pied des buisons de calycotomes épineux, en fleurs, qui les protègent des moutons et des chèvres. De « découverte » en « découverte », le groupe s’éloignait du car, s’étirait le long du versant de la colline et escaladait la pente.

Vers le sommet, ce fut un régal : les magnifiques « iricolor » bleu marine, les « Valesiana » bleu foncé sur une sous-couche grenat, les « Funerea » funéraires parce que noirs, les « Jugurtha » aux sépales vert tendre, plus d’une douzaine d’espèces, nous ont fait oublier le vent devenu froid et quelques gouttes de pluie glacées. Puis l’heure tardive, nous a obligé à retourner rapidement au car.

Voilà, sans aller au « bout du monde », une belle promenade. On pourrait aussi en incluant Kalaat El Andalous, Utique et Ghar El Melh en faire une autre à la recherche des orchidées des collines de cette région.

A.M

 

Related posts

Lancement de la Route des Randonnées de Tunisie « Trans Tunisia Trekking Trail 4T»

«hakunamatata» un nouvel espace festif a Gammarth plage

Carnet de voyage: Indonésie : jusqu’au bout du rêve