Une cité fondée par un dieu

Par Alix Martin

Il est un site célèbre en Tunisie et pourtant très peu fréquenté par les curieux : Gafsa qui est une des plus anciennes cités du pays. Venez vous y promener, un peu et vous y reviendrez souvent.

Les alentours

Il est surprenant que Gafsa n’attire guère les visiteurs tant son site est un « point de passage obligé » au cœur d’une région aux centres d’intérêt très variés. Cette ville est la porte qui met en relation les Hautes steppes avec la zone présaharienne du Jérid. C’était un centre caravanier par où passait la voie venant des pays tropicaux qui montait vers le nord de l’Ifriqiya.

C’est peut-être par ce chemin que les influences préhistoriques de la civilisation paléolithique du Capsien ont gagné le Sahara et sa bordure tropicale.

Par Gafsa passait aussi la route est-ouest venant des hauts plateaux algériens et allant par Gabès jusqu’au delta du Nil. C’est la voie du consul romain Asprenas, qui a sans doute, entraîné l’énorme révolte des pasteurs nomades commandés par Tacfarinas allié à ses voisins Maures des Aurès-Nemenchas de 17 à 24 de notre ère. Les violents combats de l’hiver 42 et du printemps 1943 autour de Gafsa prouvent l’importance stratégique de cette « porte ».

Tout autour de Gafsa, des sites superbes invitent à la promenade. A l’ouest, le bourg de Métlaoui, les gorges de l’Oued Selja, parcourues par le « lézard rouge » et plus loin, les oasis de montagne de Tamaghza, de Midès et son cañon sont très connus. Au sud, le site industriel de M’dhilla entouré de ses collines « décharnées » attirent les amateurs de géologie.

Certains prendront volontiers la route du sud-ouest vers El Guettar où a été découvert le plus ancien monument cultuel du monde : un amas de silex et d’os dédié à une source et qui aurait plus de 30.000 ans !

Cap au sud, une voie mène au fort de Bir Om Ali, au défilé où les sites préhistoriques voisinent avec le « mur romain » sensé empêcher la remontée des Berbères chameliers venant du Jérid et de Kébili.

Cap à l’est, on arrive d’abord au village berbère perché de Saket, puis, on rejoindra Bou Saad où les dames tissent encore selon les traditions berbères, plus loin enfin, on s’arrêtera au village de Baten, Zemour où une magnifique mosaïque d’époque romaine, illustrant les « jeux », a été découverte.

Un peu plus vers le nord-est, les forêts et la faune du Jebel Orbata, protégées depuis longtemps, vont être transformées en parc national. Puis on rencontrera, au cœur de la montagne, « Sened l’ancien » : village perché qui a transformé ses grottes en auberge !

Plus loin, on s’arrêtera dans une curieuse petite oasis de montagne appelée Haddège qui lutte pour continuer à vivre. On visitera certainement longuement au parc national du Jebel Bou Hedma où est conservé le souvenir du « caravansérail de l’Oued Cherchera » datant de 1892 ! Ses derniers acacias Raddiana ombragent les pâturages d’antilopes réintroduites : l’addax, l’oryx, les gazelles, les mouflons à manchettes ainsi que des autruches. Peut-être pourrez-vous goûter, s’il y a des œufs en surnombre à une omelette aussi délicieuse que curieuse et gigantesque.

Tout droit vers le nord, on remonte, en suivant une route romaine, jusqu’au bourg de Sidi Aïch. Dans la campagne environnante, les vestiges de mausolées d’époque romaine prouvent que la région est habitée depuis très longtemps. D’ailleurs, vers le nord-ouest, on rencontre le site préhistorique d’El Mekta. C’est le site le plus important de la civilisation capsienne qui doit son nom à « Capsa », celui de Gafsa dans l’Antiquité.

Vous voyez bien qu’il y a beaucoup de raisons de venir à Gafsa où les hôtels réhabilités et la ville qui se fait coquette invitent à séjourner agréablement.

 

Gafsa

La légende prétend que la cité aurait été fondée par Hercule libyen dont les compagnons perses et Mèdes se mêlèrent aux premiers habitants de l’Afrique du Nord : les Gétules et les Libyens pour former, d’après Salluste, les peuples numides et maures.

C’est certainement une des plus anciennes agglomérations urbaines du pays puisque au centre de la ville actuelle, sur « la colline du Signal », un biface paléolithique a été ramassé et qu’un site paléolithique a été découvert sous le pavement d’une des « piscines romaines » de la ville.

Incendiée par les troupes romaines en 107 avant J.C. durant la « Guerre de Jugurtha », son destin sera en « dents de scie » : une succession de phases de prospérité et de destruction catastrophiques. Carrefour routier, doté de sources importantes, cité caravanière prospère, Capsa romaine, christianisée, échappe peut-être à l’autorité centrale du pouvoir Vandale pour être administrée par des chefs berbères.

Les Byzantins en font une des résidences du chef militaire de la province sud de la Byzacène. Elle devient un pôle militaire entouré de remparts et s’appelle : « Felicissima Justiania Capsa » : la très heureuse Capsa Justinienne, vers le milieu du VIe siècle. Elle résiste à toutes les révoltes berbères mais elle se rend à Okba Ibn Nafaa plus d’un siècle plus tard. Les vainqueurs musulmans détruisent, parait-il, ses remparts mais conservent sa citadelle renommée. Elle servira sans doute de soubassement à la Kasbah actuelle.

Pour s’être rendue en 669, Gafsa va conserver longtemps sa population profondément latinisée et christianisée. Elle restera une grande ville prospère qui surprend le voyageur arabe El Bekri par sa grande richesse agricole et son important commerce non seulement vers Kairouan mais aussi vers l’Egypte et peut-être même jusque vers l’Andalousie.

Gafsa installée entre les tribus volontiers rebelles des environs de Thala – Kasserine et les cités d’un Jérid plutôt frondeur et parfois presque indépendant du pouvoir central tunisois, va se replier sur la richesse de son territoire et de son oasis. La tribu hilalienne des Hmama va s’installer dans la région de Gafsa. Cet apport ethnique va contribuer à l’arabisation et à l’islamisation de la population.

La dégradation générale de la région sous le pouvoir ottoman ne cessera qu’avec la découverte du phosphate, en 1885-1886, par le vétérinaire Philippe Thomas. Elle bouleversera la vie dans cette région. Depuis, la production n’a cessé de croître bien qu’elle dégrade profondément l’environnement. Mais la population ouvrière, sensible à différentes influences politiques et à de nombreux impairs administratifs, devant faire face à un important accroissement démographique et à une soif de mieux vivre, a tendance à se rebeller.

Les luttes pour l’Indépendance ont vu se lever des figures historiques telles que celles du « Commandant » Lazhar Chraïti, Ahmed Tlili et Sassi Lassoued.

Les combats des « réfractaires » venus de Libye via l’Algérie, prouvent qu’ils comptaient sur l’esprit frondeur de la population locale.

La « Révolution des Jeunes » va porter à leur paroxysme les revendications de la population et faire chuter gravement la production du phosphate pourtant absolument nécessaire à l’économie nationale.

Il fallait écrire un livre sur Gafsa et sa région. M. Mustapha Khanoussi, historien et archéologue, Tahar Ayachi, « vadrouilleur » renommé nous ont offert : « Gafsa, une terre, une histoire, des hommes », un magnifique ouvrage très bien illustré qui vous donnera envie d’avoir ce livre et d’aller à Gafsa.

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