Une classe politique qui a failli

La classe politique vit mal les derniers mois d’un mandat politique tonitruant,  qui a été de toutes les déceptions, de tous les faux pas, de toutes les dérives  et de tous les paris perdus et les promesses non tenues.
Le couac est que l’on constate, un peu trop tardivement, dans une sorte de résignation, que  le ver est dans le fruit. La classe politique, censée encadrer les Tunisiens, susciter un débat public sur les problématiques de fond et agir pour poursuivre la construction de l’édifice démocratique, encore fragile, n’a fait que ramer à contre-courant. Une classe politique qui a failli lamentablement à sa mission et à son rôle et qui a accéléré, par son impertinence et son inconséquence,  la désaffection des Tunisiens pour un jeu politique perverti à l’extrême.
Dans sa grande diversité et  dans ses errements interminables, elle n’a pas daigné  retenir les leçons de ses déboires, de ses rendez-vous ratés avec les électeurs et de son échec cuisant à interpeller, via un discours cohérent et des programmes bien définis et clairs, les Tunisiens qui, six mois avant le scrutin pour les législatives, sont dans l’expectative, le doute et la désillusion. Tout le bouillonnement actuel auquel se livrent les partis politiques ne saurait rien résoudre, encore moins restaurer une confiance perdue et une déchirure profonde.
Ces derniers, et à quelques exceptions près, sont plutôt préoccupés à gérer leurs différends, à chercher des issues à leur débandade pour rebondir, à nouer des alliances qui pourraient se révéler factices, ou à se renvoyer la balle de leur échec collectif, qu’à présenter une alternative sérieuse ou des solutions qui permettent aux Tunisiens de garder espoir et de ne pas sombrer dans le désespoir et le désenchantement.
Des alliances, sur mesure, qui sont en train d’être nouées souvent à la va-vite par des personnalités déconnectées cherchant à satisfaire leur ego, plutôt qu’à servir une cause ou défendre des choix. Elles sont l’œuvre de personnalités dont l’audience ne dépasse pas certains cercles restreints et qui sont promptes à  changer de veste et de discours à l’effet de séduire un électorat qui ne leur est pas acquis.
Une descente aux enfers, également, de partis qui n’arrivent pas à recoller leurs morceaux et à transcender leurs luttes intestines qui ont été autant improductives que porteuses de faux messages.
Tel est le cas de Nidaa Tounes qui semble être poursuivi par une  sorte de damnation  et dont les cadres semblent encore incapables de percevoir les sources qui sont à l’origine du démembrement de cette formation. En attendant l’organisation d’un congrès, qui n’a fait jusqu’ici que creuser les sillons de la discorde en son sein, ce parti est en train d’hypothéquer durablement son avenir politique. Les signes actuels laissent penser que le mal qui l’a atteint est devenu presque incurable.
Comment pourrait-il rebondir et rattraper le temps perdu, quand on constate que son groupe parlementaire qui comptait en 2014 quelque 86 élus, a été amputé de plus de sa moitié, se réduisant à peine à 38 élus.
Un parti qui poursuit, sous la conduite de son directeur exécutif, une fuite en avant risquant d’être fatale au cours  des prochaines élections qui pourraient confirmer la raclée subie en mai dernier lors des premières Municipales post-révolution.
Une telle situation fait la part belle au mouvement Ennahdha, sûr de ses arrières et de la discipline de sa base et qui ambitionne de monopoliser la vie politique pour une longue période, au péril de  mettre en porte-à-faux l’expérience démocratique encore inaboutie et constamment soumise à de fortes turbulences.
Le front populaire, qu’on croyait jusqu’ici à l’abri des calculs et des pratiques claniques, semble, lui aussi,  avoir été atteint par le virus de la division. Les différentes formations qui le composent  préfèrent tourner le dos aux pratiques démocratiques en optant pour  les méthodes staliniennes et un système de nomination opaque.
La nomination,  dans la précipitation,  de Hamma Hammami en tant que candidat du Front populaire à la présidentielle, accentuera  inévitablement les lézardes dans les rangs de la Gauche tunisienne et le malaise, notamment au sein du Parti des patriotes démocrates unifié  dont le candidat a été tout simplement ignoré. Le retour des caciques de la Gauche tunisienne,  restée dogmatique et incapable de présenter au-delà d’un discours souvent enflammé, une véritable alternative, lui permettrait-il de maintenir son positionnement au cours des prochaines élections ?
Manifestement, malgré les fausses pistes que laissent apparaître les sondages d’opinion,  dont la plupart présentent de graves  défaillances en termes de méthodologie et d’interprétation des résultats,  les prochaines élections supportent mal les certitudes et les jugements hâtifs. Cette nouvelle échéance électorale pourrait surtout surprendre ceux qui sont en train de porter prématurément les habits de vainqueurs  et  ceux qui n’ont pas pris en considération un postulat important. Celui de la réaction d’orgueil  du corps électoral pouvant sanctionner une classe politique qui a précipité, huit ans durant,  le pays dans le doute, le désordre, la paupérisation et propulser de nouveaux acteurs, dont le seul atout pourrait être leur indépendance et leur engagement à servir le pays.

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