Dans deux jours, les Tunisiens retourneront, pour la troisième fois depuis 2011, aux urnes pour choisir, cette fois, dans un climat démocratique et libre, leurs représentants dans 350 conseils municipaux. Manifestement, cette échéance électorale revêt à la fois un caractère historique et symbolique. Elle a également valeur de test démocratique pour la classe politique tunisienne dont une partie, qui assume depuis 2014 les lourdes charges de la gestion des affaires du pays, semble être gagnée par l’usure du pouvoir, tandis que l’autre peine à trouver ses repères, à se présenter comme une alternative crédible capable d’influencer le débat public.
L’enjeu politique de ces élections de proximité apparaît sur plusieurs plans. En effet, à un an des prochaines législatives et présidentielle, les Municipales du 6 mai 2018 viennent à point nommé, jauger les capacités des forces politiques tunisiennes, leur poids électoral, leur capacité d’action sur le terrain et l’impact de leur discours chez une opinion publique désenchantée par les dérives incessantes d’une classe politique qui peine à mobiliser et convaincre.
Une dimension historique également puisque ce scrutin, reporté à trois reprises et redouté par certaines parties, permettra de concrétiser l’une des dispositions essentielles de la Constitution de 2014 relatives à la mise en place des pouvoirs locaux et à la concrétisation de la décentralisation. Les Municipales fourniront de surcroît une occasion privilégiée d’élire, pour la première fois depuis l’indépendance du pays, démocratiquement les futurs conseils municipaux dont les prérogatives et les missions ont été clairement définies par le nouveau Code des collectivités locales, adopté par l’ARP après un processus tortueux et des contractions parfois douloureuses.
Même si les avis portés sur ce rendez-vous électoral sont divergents et que les rapports de force paraissent inégaux, il n’en demeure pas moins vrai que les pronostics restent indécis et personne ne peut prétendre rafler la mise au préalable et ce, pour des considérations inhérentes au taux de participation qui sera enregistré le jour j, au comportement des électeurs au moment du vote et aussi au poids des listes indépendantes qui peuvent créer la surprise en faussant tous les calculs des uns et des autres.
Le plus important reste que, malgré toutes les incertitudes qui ont accompagné ce processus et les crises politique, économique et sociale qui secouent le pays depuis maintenant plus de trois mois, ces élections devraient satisfaire au moins trois exigences fondamentales, à savoir leur caractère démocratique, transparent et citoyen.
Pour l’installation, pour la première fois, de pouvoirs locaux, le plus important message que les Tunisiens doivent administrer au monde est sans nul doute d’aller voter, de consacrer leur devoir citoyen et de continuer à participer à la construction de leur démocratie avec conscience et responsabilité.
En témoignent le rétrécissement du champ de la liberté d’expression, la multiplication des barrières pour l’accès aux sources d’information et les pressions exercées sur les journalistes, objet d’exactions, de poursuites parfois abusives, d’intimidations et même de liquidations pures et simples.
Si la liberté d’expression constitue un véritable butin de guerre pour les journalistes tunisiens depuis 2011, il faut avouer qu’on n’a pas pu en faire le meilleur usage. Par manque de professionnalisme, de conscience et aussi de volonté de développer une presse de qualité, offrant un contenu crédible capable de gagner la confiance du public.
Loin de pouvoir constituer un contrepoids du pouvoir, les journalistes tunisiens instrumentalisés à volonté, se complaisent dans la facilité, dans le buzz et confondent liberté d’informer et liberté de diffamer et de diffuser de fausses nouvelles.
Outre la précarité dans laquelle végètent les journalistes, situation qui a été davantage accentuée par la lente agonie de la presse écrite, le développement anarchique des médias électroniques et les errements incontrôlés de la presse audiovisuelle qui se soucie comme d’une guigne de la qualité du contenu qu’elle diffuse, on peut affirmer sans risquer d’être contredits que malgré la liberté acquise, on a perdu jusqu’ici le coche. Nos médias sont devenus tellement fragiles qu’il serait présomptueux pour eux de prétendre pouvoir jouer efficacement leur rôle de contre-pouvoir et leur influence n’a fait que s’éroder par l’inconscience de tous.