Par Foued Zaouche*
Nous vivons une « drôle » de période et tout le monde suspend son souffle comme lorsqu’on observe le calme qui précède la tempête. Les délais se font de plus en plus précis et les élections sont promises pour fin 2013 quoique la majorité de la population soit sceptique sur ces échéances annoncées par des responsables irresponsables.
Nous sommes face à une détermination celle de l’islamisme politique qui ruse depuis le début en employant un double langage et dont la stratégie dernière est la conquête absolue du pouvoir. Nous le savons pour l’avoir entendu de la bouche même des plus hauts dirigeants de Ennahdha dont la prétention est de parvenir à établir un sixième califat mais, par faiblesse, tout le monde fait semblant de croire aux beaux discours de façade sur la démocratie, sur les libertés et autres fariboles auxquelles les islamistes ne croient pas.
L’heure de vérité approche et l’épreuve de force est inévitable. Les islamistes s’y sont préparés avec méthode et détermination. Depuis presque deux ans qu’ils sont au pouvoir, ils ont noyauté l’administration et s’ils ont livré les ministères régaliens, c’est qu’ils savent que le point de non retour a été franchi. La preuve, l’indépendance des ministères n’est pas encore évidente et celui de la Justice précisément, lorsqu’on considère le déni de justice envers Sami Fehri, encore emprisonné malgré plusieurs arrêts de la Cour de Cassation, la plus haute juridiction, ordonnant sa libération. Il faut entendre à ce propos l’avocat Hassen Ghodhbani sur Shems fm s’emporter en considérant que ce déni de justice a une plus grande signification que la mort de Bouazizi, c’est tout dire.
Entre-temps, on a aidé l’épouvantail du djihadisme islamique à s’installer en lui octroyant toutes les facilités pour se développer. Les termes du marché aux Tunisiens est clair désormais : ils sont les seuls à pouvoir contenir la menace. N’a-t-on pas annoncé que si Ennahdha ne gagne pas les élections, ce sera le chaos. Soit c’est nous, soit ce sera le djihadisme islamique qui prendra le pouvoir avec le spectacle des potences sur les places publiques si cher à notre président si prompt à rêver.
Observons avec quelle habilité, Ennahdha a placé Hamadi Jébali sur l’orbite présidentielle, le même qui, il n’y a pas si longtemps déclarait que la charia était inéluctable. Il nous a joué le rôle de l’homme avec des problèmes de conscience et s’est présenté au peuple avec la proposition de créer un gouvernement de technocrates pour sauver le pays de la déroute, une déroute qu’il a aidé grandement à créer avec son bilan économique calamiteux. Il s’est empressé de nous dire que sa proposition était personnelle et qu’il n’avait pas consulté son parti dont il était et reste le secrétaire général. Il savait donc pertinemment que celui-ci allait refuser. Il quitte donc le pouvoir auréolé par son rôle de victime sacrificielle sur l’autel de la patrie en danger et avec une côte de popularité au zénith. S’il avait eu une once de crédibilité, il n’aurait pas dû renoncer à présenter ce gouvernement de technocrates à l’assemblée constituante. Cet électrochoc aurait alors peut-être révélé les vraies intentions de ceux qui veulent confisquer la Révolution. Cet homme aurait acquis une vraie dimension politique mais toute cette opération n’a servi qu’à faire oublier son bilan désastreux et à le doter d’une popularité qui lui permettra de se présenter aux prochaines élections présidentielles.
Je pense que les islamistes iront jusqu’au référendum pour ne pas se déjuger face à leur électorat car ils ne peuvent abandonner les référents religieux qu’ils veulent inscrire à tout prix dans la constitution, ce que refuse les démocrates de tous bords politiques car ils savent que cela correspond à ouvrir la porte à une dictature théocratique à plus ou moins longue échéance. Pour comprendre la nature du projet constitutionnel qui nous est présenté, j’invite à lire l’excellent article de Abdelwahab Meddeb sur le site de Leaders qui démonte point par point les intentions cachées des islamistes qui dénaturent le projet.
Il faut épouser la modernité qui se définit comme la séparation du spirituel et du temporel dans la vie de la cité, comme l’égalité de tous devant la loi hommes et femmes, comme le respect des libertés de parole et de conscience, comme l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif et l’indépendance de la justice… Ce sont des fondamentaux qui ne souffrent aucune contrainte.
Les mois qui viennent seront déterminants pour notre pays. Soit il résiste à la dictature qui se profile, soit il sera balayé dans les oubliettes de l’Histoire pour des décennies à l’image de la Somalie, de la Libye ou de l’Irak.
Je voudrais engager tous nos islamistes à méditer les paroles de Erdogan lors de sa visite en Tunisie : « Il ne faut pas avoir peur de la laïcité », ce mot tant honni par tous les pharisiens du culte et leur dire : un Islam moderne peut cohabiter avec la laïcité à l’image de la Turquie, ne leur en déplaise et cet Islam est la voie de l’avenir.
* Artiste-peintre et portraitiste
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