Le paysage politique dans notre pays a atteint ces dernières années un summum de violence, qui marque un nouveau et inquiétant degré dans la dégradation de la seule «démocratie» dans le monde arabe. Cette jeune et très vulnérable «démocratie» subit, depuis sa naissance, une érosion dangereuse frôlant les limites de l’acceptable. L’apparent respect des règles du jeu démocratique ne saurait cacher la réalité d’une violente dérive autoritaire qui se manifeste dans une gigantesque entreprise de détestation mutuelle.
C’est une cruelle collision d’agendas, qui donne à voir toute l’étendue du cynisme, de la haine, de la violence et de la cruauté d’une scène politique profondément humiliée. Certes, le pluralisme, les référendums, les élections et la diversité des médias y existent comme dans aucun pays du monde arabe, mais ils ne sont pas les seuls critères de vitalité. Le lynchage violent et odieux, la haine populiste et religieuse, injectés dans des déclarations et des discours effrayants, s’imposent en rupture avec les normes de la démocratie. Si les politicards de ces années de braise font de plus en plus penser aux bandits de l’imaginaire populaire, c’est parce que, depuis douze ans, une partie non négligeable d’entre eux renie le sens de l’État et piétine les valeurs de la démocratie.
Le chaos politique s’intensifie et on peut parler de «guerre», où l’on tire des discours enflammés au lieu de balles réelles. Je suis convaincu qu’il faut considérer les déclarations et les discours violents comme des armes concrètes, chaque invective ou menace comme un acte de violence et d’agression. Il faut évoquer ces tendances néofascistes qui ont submergé le paysage politique et médiatique. Cette violence était loin d’être circonscrite aux seuls politicards, mais largement partagée par une caste «médiatique» prédatrice qui joue avec le feu, attise ce climat de haine et excuse, quand elle ne les justifie pas, les agressions contre la paix civile et la liberté d’expression. Par la force, par la violence, par la provocation, par la dissuasion ou par l’intimidation, plusieurs politicards, au pouvoir et à l’opposition, croient avoir un intérêt à jouer le pourrissement afin d’apparaître, le jour venu, comme des «sauveurs bien intentionnés». Cette pratique est d’autant plus odieuse qu’elle se manifeste dans un lâche confort de la démocratie.
Quand les cercles de l’enfer sont franchis, il n’y a plus de libertés. Quand la violence, même verbale, fait la loi, il n’y a plus de démocratie, surtout dans un pays aussi éruptif comme le nôtre. Nés d’une jonction entre l’extrémisme islamiste et le radicalisme populiste, ces discours sont de ce fait, de nature à aggraver la fragmentation de la société au lieu de la résorber. Regarder cette violence politique de face, c’est regarder les matrices religieuses et idéologiques qu’il faut combattre, surtout qu’elles conduisent inévitablement à des boulevards de violence difficilement contrôlables. Il n’est pas surprenant dès lors que ces discours portent une tendance systématique d’extériorisation de soi jusqu’à la cruauté en touchant exactement ce qui affecte les consciences aujourd’hui
: un pressentiment de l’injustice. Mais rien ne tolère l’enfermement dans la violence, la haine et la déliquescence morale.
Sidéré et excédé par la spirale de violence dans laquelle s’est enfoncée la scène politique, le peuple compte les points sans toujours réaliser l’ampleur du risque pour le pays.
Personnellement, je considère que dénoncer cette dangereuse dérive ne revient pas à restreindre mais bien à renforcer la démocratie, et la crédibilité pour y parvenir. Ce valeureux acquis, nous devrons veiller aussi à le protéger d’une violence politique qui a pris de nouvelles formes, depuis l’avènement de l’assimilationnisme islamo-populiste.