Une grande banque publique: Pourquoi faire ?

Dans un discours récent, le Chef du gouvernement avait évoqué la possibilité si non la nécessité de procéder à une restructuration du système des banques publiques.
Il a été relayé par le ministre du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale qui a affirmé au micro d’Express FM la nécessité d’avoir une grande banque publique dotée de moyens suffisants pour financer l’économie du pays avec des normes de gestion souples.
Comment interpréter ces informations ? Pourquoi l’annonce a-t-elle été faite par le ministre du Développement et non la ministre des Finances ou encore la BCT ? Ces deux derniers étant respectivement l’autorité de tutelle des banques et l’institution chargée d’assurer le contrôle de gestion et le respect des dispositions relatives à la politique monétaire. Il s’agit d’une nouveauté qui n’a pas été évoquée lors de la discussion du Budget à l’ARP au mois de décembre 2016.
L’architecture bancaire actuelle, du moins, celle qui prévaut après la recapitalisation réalisée en 2015 et 2016, l’adoption et la mise en œuvre des trois business-plan par les nouveaux directeurs généraux semblent, du moins sur le papier, cohérentes et harmonieuses, bien que le cortège des réformes  à concrétiser et celui des objectifs à atteindre soient très ambitieux.
Bien que banques universelles, la BNA et la BH demeurent focalisées, l’une sur l’agriculture et l’agroalimentaire et l’autre sur l’immobilier et le logement.
De son côté, la STB supporte tout le poids des impayés de l’industrie et du tourisme.
On ne doit pas perdre de vue que ces trois banques assurent 42% des fonds consacrés au financement de l’économie tunisienne, ce qui constitue une lourde responsabilité.
Le paysage bancaire public comporte également la BFPME et la BTS, la première assure une fonction précieuse celle de financer les PME qui ont un vrai problème de financement de leurs projets de développement, tandis que la deuxième a plutôt un rôle social. Ces deux banques sont-elles concernées par la restructuration.
Rappelons quand même que la bête noire des banques publiques, sont les créances toxiques qui atteignent 25%, un taux trop élevé pour rassurer les actionnaires sur la pérennité de ces institutions alors que dans les banques privées, ce taux est de l’ordre de 10 à 12%.
Cela est dû à la gouvernance douteuse de ces banques et au non-respect des normes prudentielles.
S’agit-il d’une nouvelle banque qui va cohabiter avec les trois banques publiques actuelles ou bien d’une banque qui résulterait de la fusion BNA-STB-BH ?
Il semble que les pouvoirs publics n’ont pas encore tiré la leçon qui s’impose de la malheureuse expérience qui a consisté à faire fusionner la STB avec la BNDT (banque de l’industrialisation) et la BDET (la banque par définition de l’hôtellerie tunisienne) qui s’est soldée par un échec cuisant.
En effet, au taux élevé des créances calcinées de l’ex-première banque tunisienne (STB) sont venues s’ajouter celles des deux autres.
Outre l’incompatibilité des cultures des trois banques un facteur primordial de l’échec de la fusion, il y a eu un affrontement des cadres des trois institutions bancaires dans une course de vitesse pour la conquête des postes fonctionnels du nouvel organigramme.
Tout cela a engendré la déconfiture de la STB en 2012 et l’Assemblée constituante avait donné son accord dans la précipitation pour injecter les fonds de l’Etat et sauver la banque d’une faillite certaine.
A titre indicatif, 70% des fusions d’entreprises s’achèvent sur un échec dans le monde ou bien encore. S’agit-il de la fameuse banque des régions dont il a été question plusieurs fois en 2015-2016, car il y a un vrai problème de financement des projets régionaux de développement ?
Ce qui manque cruellement à notre pays c’est une banque puissante bien implantée à l’étranger avec plusieurs agences, destinée à assumer une triple mission. Servir les intérêts des TRE, collecter et orienter leur épargne vers des placements et des projets de développement. Mais aussi attirer des investisseurs étrangers vers notre pays tout en accompagnant l’implantation des entreprises privées tunisiennes qui ont l’intention de conquérir des marchés à l’extérieur.
Ce n’est pas le cas de la TFB avec pour principal actionnaire la BH qui ne dispose pas de gros moyens et qui perd de l’argent depuis des années, la recherche d’un partenaire stratégique étranger susceptible d’investir dans une banque mal gérée et qui perd de l’argent, n’a pas abouti.
Certes, l’Etat dispose de participations minoritaires qui varient entre 10% et 33% dans huit banques privées, où il n’a aucun impact sur les décisions.
Les avantages retirés par l’Etat sont uniquement de maigres dividendes si l’on excepte les jetons de présence encaissés par les administrateurs désignés par l’Etat, souvent les mêmes qu’on retrouve depuis des années outre les primes et autres avantages en nature.
Il serait judicieux que l’Etat cède ses participations dans ces banques à travers la Bourse afin d’alimenter le fonds de restructuration des banques, créé à cet effet en 2015.
Notre pays a besoin d’une stratégie cohérente et à long terme pour la réforme du système bancaire, car sa contribution à la croissance est déterminante.

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