Par Foued Zaouche*
La Tunisie est en ébullition. Ce que l’on soupçonnait depuis des mois et dénoncé par plusieurs journaux, s’est révélé exact. Il y a bien des groupes terroristes qui s’entraînent dans les montagnes, ce que le gouvernement a toujours cherché à minimiser comme étant de simples racontars.
Nous y voilà à présent. Ce que nous redoutions est devenu une réalité qui a coûté la vie à plusieurs soldats et blessé gravement d’autres. Les témoignages de ces valeureux soldats disent tous la même chose : impréparation, manque d’ordres clairs, manque de moyens logistiques… Doit-on mettre tout cela sur le compte de l’incompétence affichée depuis la prise de ce gouvernement ou faut-il y voir d’autres desseins plus obscurs ? Un fait est certain : jamais au cours de la guerre civile dans les année 90 qui a sévi en Algérie, durant plus de dix ans et causé la mort de plusieurs dizaines de milliers de civils algériens, il n’y a eu d’infiltrations de groupes terroristes dans notre pays. Nos frontières étaient alors protégées ainsi que notre sécurité intérieure. Il n’y avait alors ni armes de combat circulant ni groupes terroristes affichant leur prétention au djihad dans une impunité aussi totale.
Nous sommes en droit d’exiger de la part de ce gouvernement la même efficacité. Il est responsable par son laxisme envers une idéologie de la haine qui se propage et qui divise les tunisiens et qu’il faut dénoncer, celle du wahhabisme qui a la prétention d’incarner le seul Islam en traitant tous ceux qui ne partagent pas leurs vues de mécréants.
Il faut tenter de comprendre comment l’idéologie wahhabienne fait son chemin, idéologie, car personne ne remet en cause le texte coranique qui est un texte divin, mais seules les interprétations divergent. C’est pourquoi nous pouvons parler d’une idéologie car celle-ci est proprement humaine. Il ne s’agit que d’interprétations et de commentaires qui sont faits du texte sacré qui est en jeu. Pour imposer sa volonté et non celle de Dieu, on est prêt à toutes les violences et à tous les excès. C’est l’œuvre de tous ceux qui se prétendent au service de Dieu alors qu’ils ne sont qu’au service de ceux qui les utilisent comme l’Arabie Saoudite ou le Qatar qui sont les vrais donneurs d’ordres pour des raisons purement stratégiques et qui abusent de la crédulité et de la vénalité de la nature humaine car il ne faut pas oublier que le wahhabisme se propage à coups de milliards de dollars.
Tous ces prédicateurs, accueillis comme des « rocks stars » et qui remplissent les stades, sont pour la plupart d’entre eux des millionnaires en dollars et ne sont que les serviteurs zélés de cette idéologie et de leurs maîtres. La foule qui les accueille scande son vœu d’instaurer la charia mais de quelle charia parle-t-on ? Pour le savoir, observons celle qui est pratiquée en Arabie Saoudite. Peut-on penser qu’en Tunisie, on puisse couper la main des voleurs, lapider la femme adultère, ou autoriser le mariage de filles à peine pubères ?
En réalité, le discours sur la charia n’a qu’un seul objectif, le statut de la femme dans la société. Par delà les interdictions formelles qui concernent la vie privée comme l’interdiction des boissons alcoolisées et autres privations secondaires, le vrai et l’unique but de cette idéologie est de soumettre la femme et d’en faire un être inférieur, un être mineur sur le plan juridique, offert au bon vouloir des hommes.
Encore une fois, observons le statut de la femme en Arabie Saoudite. Privée de toute vie sociale et communautaire, brimée sous des voiles d’un autre âge, elle est représentative des pires fantasmes d’hommes jaloux, possessifs, à la limite de la paranoïa. On ne peut rien cacher à Dieu, même sous les voiles les plus épais. La burqa signifie une seule chose : la femme est ma possession, un bien qui m’appartient à moi seul et je suis en droit d’exercer sur elle ma domination en toute liberté. Certains prônent même l’excision, c’est à dire la mutilation pour faire de la femme un être voué au seul plaisir de l’homme car la femme n’a pas droit au plaisir et au désir qui sont pour ces pharisiens une source de désordre public.
Pourquoi ce discours séduit-il tant ? Car il donne un pouvoir à tous les frustrés et à tous les humiliés. Un homme peut vivre toutes les humiliations au dehors, lorsqu’il rentre chez lui, il devient le maître en asservissant plus misérable que lui. Voilà comment on peut séduire les hommes, même les plus intelligents. J’ai entendu de la part d’une relation : « Pourquoi refuses-tu la charia, elle te donne des droits ! » Y a-t-il pire illustration d’un machisme aussi grossier et aussi vulgaire ?
La Tunisie peut-elle tomber… non, sombrer dans un tel archaïsme ? Je ne peux l’imaginer ! Je veux espérer de toutes mes forces en une union sacrée entre tous les Tunisiens, de tous bords politiques sans exception, contre ces propagandes idéologiques étrangères qui n’ont pour but que de nous asservir.
* Artiste-peintre et portraitiste
www.fouedzaouche.com