Le hasard a voulu, cette fois-ci, que l’imposante marche contre le terrorisme, à laquelle ont pris part, dimanche 29 mars, des milliers de Tunisiens et de nombreux dirigeants étrangers, se tienne après le grand coup réussi, la veille, par les forces de sécurité dans leur guerre contre le terrorisme. Une opération magistrale, qui s’est soldée par l’élimination à Gafsa des plus importants éléments de la faction Okba Ibn Nafaa et à leur tête, Khaled Chaieb alias Lokmane Abou Sakhr. Une réussite qui a donné à cette manifestation un tout autre sens, atténuant le profond sentiment de frustration qui a pesé depuis la date du 18 mars dernier. Du coup, ce n’est pas seulement le moral des Tunisiens qui s’est trouvé au zénith, mais c’est surtout, leur confiance qui a repris des arguments solides pour dire non au terrorisme.
En répondant à l’appel qui leur a été lancé, au plus haut sommet de l’Etat, les Tunisiens ont administré la preuve qu’ils ne céderont pas et, dans cette guerre, ils ne seront pas seuls. Le vaste élan de solidarité internationale dont le pays a bénéficié depuis l’attentat terroriste du 18 mars et la disposition de nombreux pays à soutenir les efforts de la Tunisie dans ce domaine, ont fourni une preuve tangible.
A cet effet, sans être une pâle réplique de la grande marche de Paris organisée, suite à l’attentat terroriste dont le journal Charlie hebdo fut la victime, cette forte mobilisation populaire n’était pas de trop. Elle était même nécessaire. « Tous unis contre le terrorisme, les Tunisiens n’ont pas peur »,…les slogans scandés en disent beaucoup sur leur détermination et leur volonté à exprimer leur rejet de ce cancer qui tente vainement de gagner notre corps social.
Dans cette guerre sans merci que notre pays a engagée contre ce fléau, la mobilisation de toutes les forces vives de la nation est, plus que jamais, une exigence et un moyen pour l’extirper, à la racine. L’éveil constant se présente comme une condition essentielle pour éviter que les semeurs de la mort ne se sentent en sécurité ou aient la possibilité matérielle de rééditer d’autres crimes. Enfin, l’unité effective des Tunisiens est un impératif vital pour préserver la seule expérience démocratique en construction depuis la vague de révolutions amorcée en 2011.
Mobilisation, éveil et unité ne doivent aucunement sonner faux ou être utilisés comme des slogans creux à des fins purement politiciennes. Ils constituent un argument de survie et un impératif pour que ce pays, qui a nourri tant d’espoirs, d’intérêt et aussi d’attentes légitimes, poursuive sa marche, sereinement et résolument, dans la construction de son modèle démocratique. Ils se présentent de surcroît, comme un message d’une volonté générale des Tunisiens de témoigner de leur fidélité aux choix de liberté, dignité et démocratie, qui ont été la flamme de la Révolution du 14 janvier 2011. Des choix qui s’accommodent mal avec l’obscurantisme, la violence aveugle et les tentations de déstructurer l’ordre social.
La chose qui peut réconforter aujourd’hui, c’est que l’attentat du musée du Bardo s’est transformé en catalyseur d’une conscience générale chez les Tunisiens. Le choc subi a montré l’absolue exigence d’éliminer cette menace, une fois pour toute, en utilisant tous les moyens, en empruntant toutes les pistes et en consentant tous les sacrifices. Une guerre totale pour permettre au pays de renforcer son rayonnement et de susciter toujours espoir et confiance.
Quelles perspectives peut offrir un pays, en butte à de grandes difficultés économiques, sociales, dont la classe politique n’a pas su dépasser ses dissensions et mettre en sourdine ses calculs partisans et dont la sécurité est constamment mise à mal par le risque terroriste ? Aujourd’hui, l’occasion nous est offerte pour faire front contre cette menace, mais aussi combattre l’incertitude, le doute et mettre un terme aux luttes intestines qui nous ont longtemps déviés de nos objectifs prioritaires et de nos attentes les plus lancinantes.
Pour que la Tunisie reste la tête toujours haute, la fierté sauve, les intérêts préservés et l’unité sauvegardée, rater cette occasion serait tout simplement suicidaire. Dimanche, une lueur d’espoir est née. La seule fausse note nous est venue, encore une fois, de la classe politique, qui face à la menace, s’est engluée dans des surenchères stériles, peu fécondes et en net déphasage avec ce qu’exigent les impératifs du moment.